Sentant le tapis se dérober tranquillement sous ses pieds, le chef du Parti libéral a sommé celui de l’Action démocratique de renouveler publiquement sa foi fédéraliste. Jean Charest espère ainsi envoyer un message clair à la population qu’il n’y a que son parti qui le soit résolument.
Le député de Sherbrooke a rappelé, lors d’un discours à Montréal, que Mario Dumont a opté pour le camp du Québec, lors des épisodes référendaires de 1992 et 1995. Aux moments critiques, le chef adéquiste a toujours appuyé le camp souverainiste, a-t-il rajouté aux membres italo-québécois de la chambre de commerce montréalaise.
Le député de Rivière-du-Loup, qui est chef d’un parti politique, doit se prononcer clairement sur le type d’avenir qu’il entrevoit pour le Québec. Il ne peut demeurer « entre deux chaises », a raillé en Abitibi le meneur de la campagne. Jean Charest veut finalement que Mario Dumont fasse une seconde profession de foi fédéraliste. Pourquoi une de plus? Celle qu’il a proclamée à Toronto en 2002 était pourtant exemplaire puisque le chef libéral l’a même trouvé « aplaventriste! ». Il faut se soumettre, mais pas trop! Jean Charest a toujours su exprimer clairement sa pensée… qu’il est d’ailleurs seul à comprendre au Québec.
Mario Dumont a servi sa réplique habituelle à Jean Charest : il est autonomiste… « Il mène la bataille pour le Québec, à l’intérieur du Canada. » (sic) Il est fédéraliste. Mais il ne croit qu’à sa vision du fédéraliste. Une vision autonomiste unilatérale, comme le démontrent les trois gestes indépendantistes qu’il compte poser : soit l’adoption d’une constitution et d’une citoyenneté québécoise, ainsi que l’abolition de l’impôt fédéral. C’est de « façon autonome » qu’il remettrait une part des recettes fiscales québécoises à Ottawa.
Il ne fait pas de doute aux yeux de Jean Charest qu’Ottawa n’acceptera jamais de laisser Mario Dumont se comporter comme il le veut. Son expérience dans l’arène fédérale ne laisse planer aucun doute dans son esprit. D’ailleurs, le Canada anglais ne digère toujours pas l’épisode symbolique de la nation québécoise… Le chef libéral sait fort bien quelle épreuve de force se dessine à l’horizon à cause des projets de Mario Dumont.
Jean Charest ne parvient pas à retenir ses électeurs, malgré les signaux qu’il leur envoie au sujet du « danger » qui s’en vient. Certains d’entre eux lui reprochent son piètre bilan. Le chef de l’ADQ les attire avec l’image fédéraliste qu’il projette… pour l’instant. Ces fédéralistes mous, qui ne croient pas aux chances de Mario Dumont de s’emparer du pouvoir, sont amusés par l’idée autonomiste de l’ADQ.
Le PLQ risque de perdre plusieurs circonscriptions dont un bon nombre dans la région de Québec. L’idée de Mario Dumont de faire un chemin au Québec « dans les limites de la loi », exprime une attitude quasi rebelle qui séduit beaucoup de Québécois de la région de la Capitale nationale. Cette espèce de « je m’en foutisme » plait particulièrement au bassin d’auditeurs d’une certaine station de radio… Et si la chicane devait pogner, on claquera la porte! Une réaction qui résume bien le caractère qui est propre à ces résidants de cette région québécoise.
Ce n’est pas un hasard de voir converger les souverainistes vers le parti de Mario Dumont. En le pressant de passer aux actes, s’il devait exercer un certain pouvoir sur le prochain gouvernement québécois le 26 mars prochain, l’épreuve de force avec Ottawa arriverait rapidement. Le chef de l’ADQ a d’ailleurs révélé le 3 mars dernier, lors d’un point de presse en langue anglaise, qu’il forcerait un gouvernement minoritaire libéral à entamer avec le gouvernement canadien des négociations constitutionnelles…
La crise politique qui achèvera le gouvernement minoritaire débordera évidemment Mario Dumont : sa carrière politique laisse croire qu’il suivra alors la vague. Les souverainistes le savent. Jean Charest aussi. D’où sa frustration de ne pouvoir former un gouvernement majoritaire pour éviter ce qui s’en vient. L’option qu’il défend va perdre également des appuis puisque des fédéralistes mous ne reviendront pas. Plusieurs de ses candidats et organisateurs politiques les rejoindront. Mario Dumont a identifié habilement deux poids lourds du PLQ qui sont susceptibles de le faire : soit la directrice de campagne Line Beauchamp et le porte-parole en matière de développement économique, Raymond Bachand. Jean Charest n’a donc pas de leçon à donner, en matière de « pureté fédéraliste. »
Nul ne peut dire quelle forme d’alliance prendra alors le camp du Québec. L’élection déclenchée dans un climat d’impasse politique revêtira-t-elle un caractère décisionnel? Chose certaine, les pourparlers constitutionnels que Mario Dumont veut débuter dès qu’il en aura l’occasion suscite deux réflexions. Ou bien le chef de l’ADQ souhaite l’avènement rapide de la souveraineté du Québec mais désire la réaliser à sa façon, ou le p’tit gars de Cacouna ne sait pas ce qu’il fait et rappelle ses débuts ésotériques lorsqu’il a fondé son parti.
Il reste encore environ trois semaines de campagne pour que Jean Charest parvienne à persuader ses effectifs de revenir. Maintenant qu’il connaît les intentions constitutionnelles de Mario Dumont, le chef libéral pourra marteler à loisir que la priorité de l’ADQ est de rouvrir la Constitution canadienne : un sujet que ne peuvent supporter les Québécois. Le député de Sherbrooke va les prévenir énergiquement que leur adhésion à l’ADQ va permettra à Mario Dumont de mener le Québec vers des chicanes qui vont servir la cause souverainiste.
Comme toujours, Jean Charest veut que la présente campagne électorale prenne une tournure référendaire, comme les scrutins précédents. La nouveauté que celle-ci offre aux électeurs québécois est l’adversaire adéquiste du Parti libéral. L’Action démocratique de Mario Dumont, autonomiste, brouille en effet les cartes puisque jusqu’à nouvel ordre, ce parti est aussi fédéraliste. Le leader libéral risque donc de donner l’impression de s’acharner sur un allié qu’il somme de s’agenouiller devant Ottawa, comme lui. Une scène qui va nuire à Jean Charest dont l’image dans la population québécoise est déjà plus que suspecte. Il y aura donc formation d’un gouvernement minoritaire suivi d’un affrontement politique avec le « fédéralisme d’ouverture » de l’État canadien. C’est Stephen Harper qui va être content.
Patrice Boileau
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