Québécoises et Québécois, «deboutte»!

Laïcité — débat québécois

Louise Lanctôt, Montréal - Il est désolant de voir le débat sur les accommodements raisonnables tourner autour du bien-fondé de l'immigration et du degré de tolérance des Québécois à intégrer les immigrants. Ce faisant, nous sommes obligés de nous défendre plutôt que de faire la promotion de nos valeurs. Nous nous retrouvons en position de réaction et nous oublions d'agir. Nous battons en retraite au nom de «dieu», des libertés individuelles ou encore au nom d'un artefact érigé en valeur.
Comment peut-on si facilement oublier la distinction fondamentale entre libertés individuelles et libertés collectives, celles du bien commun? Sommes-nous revenus au capitalisme sauvage où seule la liberté individuelle compte? Le Québec a pourtant créé des programmes sociaux pour se solidariser avec les plus démunis, en mettant de l'avant l'égalité en matière d'éducation, de santé, d'intégration sociale, quelles que soient la race, la religion, afin de contrer l'exclusion et le racisme. Nous avons mis de l'avant les libertés collectives avant les libertés individuelles afin que toutes et tous profitent des mêmes droits.
Comment arrivons-nous aujourd'hui à accepter que certains mots, comme «liberté religieuse», aient prééminence sur la liberté collective et permettent à tout individu de jouer du boomerang contre notre solidarité? La liberté collective réfère à notre histoire et à nos luttes, perdues ou gagnées, qui marquent le temps avec nos valeurs, notamment celle de l'égalité entre hommes et femmes.
Au nom des libertés religieuses et autres artefacts, on passe le couperet dans notre solidarité, nos luttes, notre histoire et nos valeurs qui nous ont motivés pour sortir de la Grande Noirceur et de l'emprise de l'Église, pour que les femmes cessent d'être à la merci de la volonté des hommes. Nous avons lutté pour séparer l'Église et l'État, nous avons «nationalisé» l'enseignement, la santé, l'électricité, la solidarité également pour un accès universel, et surtout sans droit de propriété pour une religion, une ethnie ou un parti politique.
Alors comment la ministre de la Culture et de la Condition féminine (!!!) peut-elle dire que l'égalité des femmes -- droit social -- ne peut primer la liberté de religion -- droit individuel? Comment peut-on tourner le dos à toutes ces femmes qui sont venues au Québec pour profiter du droit de la femme à être une personne autonome et libre?
Madame la Ministre, peut-on vraiment intégrer des femmes qui se masquent et s'emprisonnent dans une burqa ou un niqab? J'y vois pour ma part un refus catégorique d'intégration à notre société, un rejet du rapport libre à l'autre. La France a refusé à une femme, pourtant mariée à un Français, la nationalité parce que le port du niqab indique clairement le refus des valeurs que la société française s'est données.
Si certains pays ont donné la primauté à leur religion et sont gouvernés selon les valeurs qui y sont rattachées, nous avons décidé au Québec, à titre de société démocratique, de séparer l'Église et l'État, et nous nous sommes donné les moyens et les mesures pour que les dirigeants s'y réfèrent.
Il est grand temps pour nous de reprendre notre lutte pour préserver les libertés collectives et nos droits collectifs, et de soutenir ces femmes immigrantes, dont des écrivaines reconnues, et ces hommes musulmans qui nous demandent aujourd'hui de poursuivre notre action et de les intégrer à notre société civile, à notre société providence et solidaire, tout en conservant leur droit privé à la pratique religieuse. Il est grand temps d'agir et d'intégrer leurs demandes à nos luttes afin de ne pas laisser ces communautés se battre seules contre l'exclusion liée au droit privé.


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