Tout de suite après le débat des chefs du 19 août dernier, Jean Charest et François Legault se sont tous deux empressés de louanger la performance de Françoise David. La raison de ces égards inhabituels envers une adversaire étaient évidents: chaque vote de plus pour Québec solidaire en serait un de moins pour le PQ de Pauline Marois, réduisant d'autant son avance sur le PLQ et l'ADQ. Ce matin, c'est La Presse qui s'y met, en faisant la promotion de la prestation de de Françoise David en manchette frontispice principale. Encore là, le jupon dépasse grossièrement: le PQ est l'ennemi à abattre.

Il n'est pas nouveau pour Québec solidaire de se faire dire que ce parti divise les votes de gauche souverainistes au profit de la droite fédéraliste. À chaque fois ses co-chefs ne trouvent rien de mieux à dire pour leur défense que de blâmer le mode de scrutin. Ils enchaînent imanquablement en reprochant au PQ de n'avoir pas remplacé le mode uninominal à un tour par autre introduisant une part de représentation proportionnelle, comme si le PQ aurait dû avoir le réflexe masochiste de rendre la tâche plus difficile aux souverainistes. Et il demeure un fait que l’impact le plus concret de la campagne de Québec solidaire de 2007 aura clairement été de faire perdre les péquistes Elsie Lefebvre dans Laurier-Dorion et Claude Duceppe (frère de Gilles et issu de la CSN) dans Joliette, deux candidats indubitablement de gauche et qui ont dû concéder la victoire par deux à trois fois moins de voix que ce qu’a recueilli Québec solidaire. Jean Charest lui-même, conservateur dans l'âme et allié de la droite corporative, doit aussi sa réélection en 2007 dans Sherbrooke à Québec solidaire. Sa courte majorité sur le péquiste progressiste Claude Forgues dans Sherbrooke était elle aussi nettement inférieure aux appuis de Québec solidaire. Le même exercice pour l'élection de 2008 révèlerait les mêmes nuisances contreproductives. Et ce sera probablement bien pire le 4 septembre prochain, alors que les luttes seront bien plus serrées entre des partis plus nombreux.

À ce débat des chefs du 19 août, Françoise David a soutenu que le projet souverainiste devait être arrimé à un projet social. Bien sûr, l’accession du Québec à la souveraineté sera une occasion pour la gauche de donner un rôle plus important à un État québécois qui sera nécessairement plus grand. Mais Mme David croit-elle que l'indépendance du Québec sonnera le glas de la politique au Québec? Qui peut prédire si dans les 25 élections du premier siècle du Québec souverain, le peuple n'élira que des gouvernements de gauche se sentant liés par les souhaits d'aujourd'hui? Pourquoi ne pas plutôt compter sur une plus grande capacité d'agir sans être spécifique au point de définir dès maintenant le programme des gouvernements du Québec indépendant à venir? Rallions plutôt tous les souverainistes du spectre politique pour gagner le prochain référendum et faisons confiance aux génération futures pour ce qui est de la générosité des programmes sociaux du pays du Québec.

Christian Gagnon
Montréal