Le Québec n’en est pas à son premier débat sur la laïcisation de ses institutions. C’est un enjeu qui s’inscrit dans sa trajectoire historique depuis le 19e siècle. Un combat inachevé qui interpelle toute la classe politique.
Avez-vous été étonné du déni de M. Couillard, qui ne voit pas en la laïcité « un enjeu réel » ? Il se fait même condescendant en disant : « Si, au cours des prochaines semaines, des gens veulent en débattre – bien, ils en débattront entre eux. »
Sommes-nous dans l’impasse ?
Depuis qu’il s’est planté les pieds dans le ciment en se campant sur une position insoutenable, même pour les libéraux, il pousse le mépris jusqu’à dire que la laïcité ne fait pas partie des « véritables enjeux des véritables citoyens du Québec ». Autrement dit, « si vous n’êtes pas d’accord avec moi, je suis contre vous ».
Pourtant, il y a dix ans, M. Couillard était membre du gouvernement libéral qui a mis sur pied la Commission Bouchard-Taylor. L’application de ses principales recommandations se fait toujours attendre.
La question revient souvent. Sommes-nous dans l’impasse ? Elle se posera avec plus d’acuité durant la campagne électorale. Espérons que les partis ne tomberont pas dans les invectives des signes religieux, car le contexte a quelque peu évolué depuis les quatre dernières années.
Même si M. Couillard est figé dans son insensibilité chronique, une lueur d’espoir a pointé à l’horizon, en 2017, lorsque les trois partis d’opposition (PQ, CAQ, QS) ont convergé vers un compromis, suite à l’attentat de Québec. Une élection générale pourrait changer la donne.
Si les partis qui en seraient issus consentent à conjuguer leurs efforts pour adopter un projet de loi consensuel, les possibilités ne manquent pas, y compris celle de mettre sur pied une commission parlementaire spéciale.
Un consensus est possible
L’Assemblée nationale pourrait, comme elle l’a déjà fait, constituer une commission spéciale avec les députés de différentes formations politiques pour analyser le modèle de laïcité dont il faut doter le Québec.
Les projets de loi déjà déposés par les trois partis de l’opposition, en 2013, pourraient y être introduits pour étude. Ce travail de réflexion, dans un climat serein, éliminerait les irritants et aplanirait les divergences.
Des légistes compétents pourraient accompagner ces discussions et rédiger un nouveau projet de loi consensuel à la lumière des différentes propositions. Ce dernier sera soumis à l’Assemblée nationale pour étude et adoption.
Pour les sceptiques, il est utile de rappeler qu’en France, le débat sur la laïcité a duré plus de vingt-cinq ans, depuis que Jules Ferry, alors ministre de l’instruction publique, avait exclu les ecclésiastiques des structures scolaires et instauré l’enseignement public, laïc et obligatoire, en 1879.
Le contexte était beaucoup plus acrimonieux que celui du Québec et les intervenants de tendances politique et religieuse multiples. C’est alors qu’un député socialiste, Aristide Briand, va émerger, à côté de Jean Jaurès, comme un brillant médiateur.
Rapporteur d’une commission parlementaire de 33 membres, il a navigué avec beaucoup de doigté entre les 8 propositions qui lui avaient été soumises, et parviendra à en dégager un projet de loi consensuel, la Loi sur la séparation des Églises et de l’État, adoptée le 9 décembre 1905. Il constitue, depuis, le socle de la laïcité française.
Depuis 1995, la laïcité figure à l’article 1 de la Constitution française comme un pilier de la République, au même titre que la démocratie.
Pouvons-nous atteindre un tel consensus au Québec ? J’y crois. Il nous faudrait trouver notre « Aristide Briand » !