Les dérives de ce débat sur la laïcité, qui n’en finit plus de s’embourber dans les signes religieux, sont avant tout l’illustration de la démission d’une certaine élite politique qui s’est enlisée dans les tactiques et stratégies au détriment du bien commun.
Ainsi à la veille de la prochaine élection, le premier ministre Couillard renvoie la balle dans le camp du SPVM, pour ne pas répondre de la résurgence du débat sur le port des signes religieux par les policiers de Montréal.
Je me rappelle le dialogue que j’avais entrepris avec lui, en 2013. Nous avions discuté, verbalement et par écrit, pendant plusieurs semaines, durant lesquelles j’avais gardé le silence sur nos positions divergentes.
L’exercice s’est avéré déroutant, tellement son discours était contradictoire. Un jour, il était pour l’interdiction du port des signes religieux dans les institutions publiques, le lendemain, il était contre.
Le 12 novembre 2013 à 19 h, je recevais ce courriel de lui me disant: «Le seul compromis possible est pour les agents coercitifs de l’État, juges, policiers, gardiens. Je crois qu’on peut arriver à cela et j’accepte d’examiner ce réajustement de notre position. P. Couillard.»
Combien de votes on va perdre?
De source sûre, on m’avait aussi confirmé ce réalignement stratégique. Toutefois, sa principale préoccupation n’en était pas une de conviction, mais de stratégie: «Combien de votes on va perdre?» Un caucus spécial des députés des régions, inquiets de perdre leur élection, en 2014, avait été convoqué pour se faire rassurer. J’y étais.
Lorsque le chef de la CAQ, François Legault, avait annoncé sa position favorable à la neutralité religieuse de l’État, j’avais envoyé un courriel à M. Couillard, le 19 août 2013, à 7 h 54, lui réitérant ma position: «Bonjour Philippe. Je suis en réunion, mais je prends une minute pour te dire que je suis d’accord avec les recommandations de Bouchard-Taylor.» Sa réponse m’est parvenue aussitôt disant: «Fatima, merci pour ton message. Marc Tanguay va te contacter pour te faire part des travaux du groupe sur la question, qui vont exactement dans ce sens.»
Après de multiples tergiversations, à l’interne, il a annoncé, le 29 août 2013, dans un point de presse, à Rivière-du-Loup, avant même de consulter les députés libéraux réunis en caucus, son fameux «Over my dead body» où il s’opposait à l’interdiction des signes religieux dans les institutions publiques.
Position qui est loin de faire l’unanimité au sein du PLQ, mais comme l’avait formulé un des ténors du PLQ: «Comment faire pour reculer sans lui faire perdre la face? Difficile de tourner un paquebot sur un dix cents!»
Le PQ a torpillé la laïcité
Le PQ nous avait promis, en 2012, une «Charte de la laïcité» qui viendrait encadrer les accommodements religieux. Plusieurs y ont cru jusqu’à tant qu’il accouche d’une «Charte des valeurs» qui allait semer la division et la controverse.
La laïcité a été réduite à des signes religieux et les signes religieux à des «foulards dits islamiques».
Pourquoi la laïcité qui engage l’ensemble de la société et ses institutions a-t-elle été placée sous le signe de la partisanerie politique?
Pourquoi le PQ l’a-t-il déviée de sa trajectoire et l’a-t-il amalgamée à l’identité, à la souveraineté et à la nouvelle citoyenneté dont il veut doter le Québec?
Pourquoi a-t-il torpillé ce projet de société pour en faire «Une laïcité juste pour Nous Autres?»
Un jour, il faudra faire l’autopsie de ce gâchis monumental qui a traumatisé la société québécoise. Espérons que la prochaine mouture du programme péquiste ne versera pas dans ces dérives.