Au moment où plusieurs voix s’élèvent pour exiger que le Québec se détourne des énergies fossiles, les études environnementales lancées par les libéraux de Philippe Couillard sur cette filière indiquent clairement que le gouvernement a l’intention d’ouvrir toute grande la porte à l’exploitation pétrolière et gazière. Même le gaz de schiste est évoqué, selon ce qu’a constaté Le Devoir.
Sans tambour ni trompette, ni communiqué, le gouvernement vient de rendre publics une série de rapports produits dans le cadre des évaluations environnementales stratégiques (EES) menées sur les hydrocarbures. Celles-ci ratissent large, puisqu’elles incluent le golfe du Saint-Laurent, la Gaspésie, les basses terres du Saint-Laurent et l’île d’Anticosti. Et contrairement à ce qui se produirait si les études étaient menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, c’est un comité du gouvernement qui contrôle ces EES.
Québec estime d’ailleurs que ces études, pour lesquelles 4 millions de dollars doivent être dépensés, serviront à orienter le Québec vers une exploitation d’hypothétiques gisements pétroliers et gaziers sur son territoire. « Conjugués aux orientations retenues pour la politique énergétique, qui sera présentée [à la fin 2015], les résultats et recommandations des EES permettront au gouvernement d’élaborer un cadre légal et réglementaire assurant une mise en valeur et un transport responsables et sécuritaires des hydrocarbures au Québec », peut-on lire dans la « Synthèse des connaissances et plan d’acquisition de connaissances additionnelles ».
Ce document d’une centaine de pages résume une dizaine de rapports qui dressent un portrait des risques et des opportunités liés aux projets d’exploration et d’exploitation d’énergies fossiles en développement dans plusieurs régions du Québec. Il traite aussi des questions du transport de ces ressources sur le territoire, et ce, par train, par bateau et par pipeline.
Le rapport relève aussi plusieurs lacunes dans les connaissances. Le gouvernement a d’ailleurs prévu que pas moins de 64 études devront être menées au cours des prochains mois pour compléter le portrait. La liste des études à venir fait mention de la volonté du gouvernement d’établir « les meilleures pratiques » en vue d’élaborer la loi qui encadrera l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures.
On souligne ainsi la volonté de recenser les « meilleures pratiques » pour les forages en milieu marin et terrestre, mais également pour les levés sismiques dans ces deux milieux. On veut en outre dresser un portrait de la rentabilité d’éventuelles exploitations.
Le gouvernement cherche aussi à savoir s’il est possible de « combler les lacunes établies dans le cadre de l’EES sur les gaz de schiste quant à l’impact potentiel de ces activités sur l’environnement ».
Le rapport synthèse mentionne pour sa part l’idée que l’exploitation gazière dans les basses terres du Saint-Laurent excéderait la demande du marché québécois. « L’une des études de la seconde phase de l’EES globale examinera les marchés potentiels en fonction de quelques scénarios de production de gaz naturel au Québec », peut-on lire dans le rapport, à la section « connaissances à compléter ». La vaste majorité des permis d’exploration des gazières en vigueur en 2010 le sont toujours.
Plusieurs études à venir d’ici les prochains mois doivent par ailleurs aborder le cas de l’île d’Anticosti, par exemple pour élaborer des scénarios de production pétrolière et déterminer les infrastructures à construire. Le gouvernement souhaite aussi étudier les « risques » liés à l’arrivée de cette industrie sur l’île.
Le hic, c’est que le plan d’acquisition de connaissances du gouvernement et les délais pour le réaliser font en sorte que les nombreuses études commandées dans le cadre de l’EES ne pourront pas tenir compte des forages avec fracturation. En raison d’importants retards dans les travaux d’exploration financés par l’État à hauteur de 70 millions de dollars, les forages avec fracturation n’auront pas lieu avant 2016. Mais le rapport final de l’EES doit être publié avant la fin de 2015.
Risques et lacunes
Toujours en ce qui a trait aux risques environnementaux liés à l’industrie pétrolière, le rapport synthèse fait état des impacts potentiels liés à l’exploitation dans le golfe du Saint-Laurent. Il recense aussi une longue liste de « lacunes », dont le manque de réglementation pour les plateformes de forage et la faible capacité d’intervention en cas de déversement. Qui plus est, « les connaissances quant à l’effet de la présence de glace sur l’efficacité des méthodes de récupération d’hydrocarbures sont insuffisantes ».
Les lacunes en cas d’« accident » ne se limitent pas au milieu marin, selon ce qui se dégage du rapport. Qu’il s’agisse de sites d’exploitation ou de transport d’hydrocarbures, la préparation des municipalités « est souvent insuffisante », ainsi que leur capacité d’intervention.
« Les entreprises ne collaborent pas assez aux efforts de prévention et de préparation des municipalités, notamment en ne transmettant pas suffisamment d’information sur les produits utilisés ou transportés, et ne dévoilent pas clairement la nature des risques et les capacités d’intervention dont elles disposent », indique aussi le document. Quant aux sites d’exploitation d’énergies fossiles, les plans d’intervention « sont souvent des plans généraux, qui ne sont pas adaptés aux particularités de chaque site ».
Selon le plan du gouvernement, l’ensemble des études devant permettre de combler les lacunes relevées jusqu’ici dans le cadre des EES doivent être complétées d’ici le début de l’automne 2015. La démarche avait été annoncée en juillet 2014.
Malgré l’ampleur du travail à effectuer, les délais de réalisation de cette vaste évaluation sont relativement brefs. À titre de comparaison, le rapport de l’EES réalisée par la firme Genivar et portant uniquement sur le golfe du Saint-Laurent — une étude commandée par les libéraux — a nécessité près de trois ans de travaux.
Cette fois, le gouvernement souhaite compléter l’EES pour Anticosti, la Gaspésie, le golfe du Saint-Laurent et les basses terres du Saint-Laurent en à peine plus d’une année. Le tout doit en outre être suivi rapidement du dépôt d’une loi pour encadrer l’exploration et l’exploitation des énergies fossiles au Québec. Une telle législation n’existe pas à l’heure actuelle.
Porte ouverte aux hydrocarbures
Québec dévoile les études environnementales sur l’exploitation pétrolière et gazière
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