Québec a refusé le droit de parole à des groupes citoyens et à des organismes critiques du recours aux pipelines et de l’exploitation des sables bitumineux dans le cadre de la commission parlementaire qui étudie le projet d’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge. En raison des délais très courts entre l’annonce de la tenue de la consultation et son début, d’autres n’ont tout simplement pas eu le temps de se préparer.
Selon ce qu’a appris Le Devoir, au moins quatre demandes formelles ont tout simplement été rejetées. Dans deux des cas, le gouvernement a fait parvenir le même courriel laconique pour justifier sa décision. « Je vous informe que nous ne pourrons donner suite à votre demande et que l’horaire des auditions est maintenant complet. Je vous invite à me transmettre par écrit vos commentaires », peut-on y lire. On ajoute toutefois qu’un éventuel mémoire « pourra être transmis aux membres de la Commission et déposé publiquement ».
La Société pour vaincre la pollution (SVP) a reçu une telle réponse de la part de Québec. Cet organisme, qui a notamment réalisé récemment des analyses de la pollution pétrolière provoquée l’été dernier à Lac-Mégantic, a d’ailleurs déploré jeudi le refus formulé par la commission mandatée pour étudier le projet de transport pétrolier le plus important de l’histoire du Québec.
Selon sa porte-parole, Anne-Marie Saint-Cerny, il semble on ne peut plus clair que le gouvernement Marois a bien l’intention d’approuver ce projet sur le point de recevoir l’aval du fédéral. « Ou bien il n’y a pas autre chose qu’une mascarade de la part des élus, ou bien le gouvernement devrait faire de la place au lieu de nous envoyer des lettres pour nous dire qu’il n’y a pas de place. Leur devoir est d’écouter et de prendre notre point de vue en considération », a fait valoir Mme Saint-Cerny.
Citoyens exclus
La Coalition vigilance oléoducs — qui regroupe plusieurs groupes de citoyens qui vivent tout le long du pipeline qui doit faire couler quotidiennement 300 000 barils de brut jusqu’à Montréal — a elle aussi essuyé un refus. Même réponse négative pour le groupe Citoyens au courant. Ce regroupement exprime ses inquiétudes concernant d’éventuels déversements depuis des mois. Il a aussi tenté d’obtenir des réponses de la part d’Enbridge dans le cadre des consultations fédérales organisées par l’Office national de l’énergie (ONE). En vain, a dit jeudi un porte-parole du groupe.
L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques a lui aussi été rejeté par Québec. Cet organisme a déjà publié des notes de recherches très critiques des projets d’Enbridge, mais aussi concernant l’exploitation des sables bitumineux albertains et au sujet de notre dépendance aux énergies fossiles.
Cette série de refus ne peut que discréditer la consultation, selon Marie-Claude Lemieux, directrice pour le Québec du Fonds mondial de la nature. « Nous n’avons pas confiance dans ce processus qui ne nous entend pas », a-t-elle souligné. Selon des informations obtenues par Le Devoir, la liste des intervenants acceptés aurait fait l’objet de discussions entre les différentes formations politiques.
Consultation incomplète
« La consultation n’est pas complète puisqu’elle ne considère pas les impacts en amont et en aval du pipeline », a souligné Mme Lemieux. Il est vrai que Québec n’entend pas prendre en considération l’impact environnemental de l’exploitation des sables bitumineux dans son avis au sujet de l’inversion de l’oléoduc 9B. L’ONE a carrément refusé que les intervenants abordent la question dans le cadre de ses consultations. Selon Mme Lemieux, cette question est pourtant cruciale, puisque le projet d’Enbridge « contribue à entretenir notre dépendance au pétrole, au détriment du développement d’autres sources d’énergie ».
Certains intervenants pourraient toutefois aborder le sujet dans le cadre de la commission parlementaire québécoise. Quatre groupes environnementaux très critiques des sables bitumineux — réputés très polluants — doivent faire une présentation mardi prochain, dont Greenpeace et Équiterre.
Depuis des mois, le ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, dit souhaiter une consultation la plus inclusive possible. À plusieurs reprises, il s’est montré critique envers le processus jugé « très restrictif » de l’ONE.
Mais le gouvernement Marois, qui ne cache pas son préjugé favorable envers le projet, voit surtout des avantages économiques à l’arrivée de ce brut de l’Ouest. C’est d’ailleurs la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, qui siège au nom du gouvernement.
Des 39 intervenants qui sont à l’horaire de la commission, sept sont directement impliqués dans l’industrie pétrolière. Neuf autres sont des partisans affichés du projet, dont des chambres de commerce et l’Institut économique de Montréal. Des collaborateurs de ce think tank de droite ont déjà remis en question la réalité des changements climatiques tels que décrits par la science.
Québec a aussi reçu au moins quatre refus d’intervenants que le gouvernement souhaitait pourtant entendre. C’est le cas de l’Institut de recherche en économie contemporaine. Son directeur général, Robert Laplante, a expliqué jeudi que son organisme aurait eu moins de 10 jours pour rédiger un mémoire avant de le présenter. « Nous n’avons pas le temps de nous préparer. »
Le gouvernement Marois a effectivement promis il y a déjà un an de tenir une consultation sur le projet d’Enbridge. La tenue de celle-ci a finalement été annoncée le 13 novembre et elle a débuté mardi. Elle doit se terminer le jeudi 5 décembre, et la commission parlementaire doit remettre son rapport le 6 décembre. Le processus fédéral est déjà terminé. Le gouvernement Harper devrait donner le feu vert à la pétrolière au début de 2014.
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