Pauline la pas fine

Enquête publique - un PM complice?


Grosse fin de semaine pour Pauline Marois. En moins de 24 heures, la chef du Parti québécois a expulsé le club politique SPQ libre des instances de son parti et elle a suggéré que le premier ministre Charest est à la solde des bonzes de la construction.
Mme Marois nous avait bien dit qu'elle devait apprendre à exploiter son «instinct de tueuse», mais elle ne nous avait pas dit qu'elle ferait ça en une seule fin de semaine! Exit «Marois la délicate», «Pauline la pas fine» vient d'entrer en scène.
Passons rapidement sur l'expulsion en règle du SPQ libre, une opération qui se tramait depuis l'arrivée de Pauline Marois à la tête du PQ, en 2007. Les orientations politiques et fiscales ainsi que la nouvelle stratégie souverainiste de Mme Marois déplaisaient à ce club syndicalo-politique. La chef, quant à elle, jugeait disproportionné le pouvoir de ces «supermilitants».
L'affrontement était devenu inévitable. Il y a deux ans, presque jour pour jour, à Saint-Hyacinthe, un premier accrochage public s'était rapidement soldé par une victoire écrasante de Pauline Marois, qui avait fait sauter l'obligation d'un référendum le plus tôt possible.
Il faudra voir dans les prochains mois les répercussions de ce coup de force ainsi que du «virage» imposé par Mme Marois à son parti sur son leadership, en particulier à l'occasion du vote de confiance auquel elle doit se soumettre au printemps 2011.
Dans l'immédiat, toutefois, Pauline Marois retrouvera son principal adversaire, Jean Charest, cette semaine à l'Assemblée nationale. Après les salves de la fin de semaine, les retrouvailles s'annoncent corsées.
En laissant entendre que Jean Charest protège des entrepreneurs qui le font vivre, Mme Marois a poussé le bouchon un cran plus loin. Trop loin, en fait, et comme c'est généralement le cas en pareilles circonstances, cela risque de se retourner contre elle.
Que les partis de l'opposition soupçonnent le gouvernement de vouloir cacher des choses en refusant obstinément d'ordonner une enquête publique sur le monde de la construction, c'est une chose. Suggérer que le premier ministre bénéficie des largesses de cette industrie, à qui il accorde sa protection en échange, c'en est une autre parce que l'on tombe ici dans des accusations de nature criminelle.
Jean Charest, offusqué, reproche à Pauline Marois, de «déshonorer la classe politique» avec de tels propos. Laissons les chefs ennemis se crêper le chignon, selon leur inspiration du moment. Mais chose certaine, Pauline Marois ne s'honore pas en alimentant les rumeurs. Si le PQ a des preuves de quelque lien trouble entre des entrepreneurs et le Parti libéral, c'est son devoir de les dévoiler. Dans le cas contraire, son devoir serait plutôt de ne pas ajouter au climat malsain pesant sur le milieu politique, climat malsain qui touche le PQ aussi.
Les échanges acrimonieux de la fin de semaine auront toutefois permis au premier ministre de dire haut et fort que son parti n'a rien à se reprocher. C'est plutôt le PQ qui a des liens avec la FTQ, a répliqué M. Charest. Pourquoi alors refuser la tenue d'une enquête publique, puisque le PLQ a les mains propres? Cela ne pourrait que rendre service au Québec, non?
Au-delà des accrochages entre Jean Charest et Pauline Marois, les questions de fond demeurent: que se passe-t-il vraiment dans le milieu de la construction? Quelle est l'influence réelle de ce milieu sur les élus? Quelles sont ses méthodes? Paye-t-on trop cher au Québec pour les grands chantiers?
La position du gouvernement Charest (laissons la police faire son travail) est de plus en plus intenable. M. Charest croyait peut-être que la création, le mois dernier, d'une nouvelle «unité anticollusion» au ministère des Transports allait calmer le jeu. Pas du tout. Depuis quelques jours, les coups viennent de partout.
Un ancien ministre du premier gouvernement Charest, Marc Bellemare, a affirmé au Soleil que la FTQ en mène trop large auprès du gouvernement, au point d'imposer ses décisions. Certes, M. Bellemare a quitté le gouvernement Charest en mauvais termes, mais inventerait-il pour autant des histoires de rencontre entre le premier ministre Charest, l'ancien président de la FTQ et lui-même?
Certes, les relations entre la FTQ et la CSN ne sont pas chaleureuses. Mais lorsque le vice-président de la CSN-Construction, Pierre Brassard, dit au Devoir qu' «à la FTQ, ils sont capables d'intimider toutes les couches de la société. Le Fonds participe au financement d'entreprises dont les dirigeants financent le Parti libéral», cela mérite réflexion.
Une bonne façon de vérifier la véracité de tout ce qui se dit sur le monde de la construction ces temps-ci serait «d'asseoir dans la boîte» tout ce beau monde, comme on dit dans le jargon judiciaire.


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