Dans une chronique publiée lundi dans le Journal de Montréal, Lise Ravary se fonde sur le rapport Osez repenser le PQ, que j’ai signé en avril dernier, pour avancer qu’un État québécois fort et bienveillant tel que proposé par le PQ est une idée dépassée, une idée qui démontre que le PQ recule plutôt que d’avancer. Elle appuie également son idée de PQ qui recule sur le fait que Camil Bouchard a 77 ans et que certains de ses travaux sur les politiques familiales datent des années 90. Affirmant que toutes les preuves démontrent que le privé fait mieux les choses que l’État, elle conclut que l’austérité n’a sûrement pas fait assez mal et se demande si les jeunes embarqueront dans le plan du PQ.
Voici des précisions factuelles que j’aimerais apporter :
- L’auteur s’appuie sur la phrase « Les jeunes croient moins à l’intervention de l’État ... » de mon rapport pour affirmer que les jeunes veulent moins d’État, mais omet de reproduire le reste de la phrase : « ...bien qu’ils reconnaissent que le retrait de l’État ait fait des ravages ». Elle omet également de dire que l’une des idées principales du rapport est le retour à des propositions progressistes et social-démocrates, en fondant l’intervention de L’État sur les meilleurs pratiques à travers le monde. Cette idée de retour à des valeurs progressistes et à l’intervention de l’État, en réponse à l’austérité, apparait dans 12 propositions du rapport de même que dans les constats du rapport aussi limpides que « Le PQ est fondé sur des valeurs sociales-démocrates compatibles avec celles de la relève ».
- Camil Bouchard n’a pas 77 ans mais bien 72 ans. Mais là n’est pas la question. L’auteur fait de l’âgisme lors qu’elle se sert de l’âge de Camil Bouchard pour dénigrer sa contribution à la politique familiale du Parti Québécois, alors que son expertise et ses réussites en la matière sont indéniables. Le système de CPE québécois a été reconnu à travers le monde et ses effets positifs sur l’économie québécoise ont également été souligné par plusieurs économistes.
- L’auteur se trompe également lors qu’elle affirme que « toutes les preuves sous notre nez » indiquent que le privé fait mieux les choses que l’État. Des études récentes démontrent en fait que les garderies privées offrent des services de moindre qualité et engendrent plus d’insatisfaction chez les parents que les CPE, comme vous pouvez le lire ici, ici et ici.
- L’auteur se trompe également lorsqu’elle sous-entend qu’une politique familiale visant à rendre les CPE plus accessible et l’éducation de meilleure qualité est un discours du passé. Le jour ou prendre soin de nos tout-petits, qui sont notre avenir, sera chose du passé, notre société sera probablement également chose du passé.
Je terminerai en y allant moi-même de mon petit éditorial. De mon point de vue, le discours adéquiste tout droit sorti de la fin des années 90 de « moins d’impôt et moins d’état pour faire mieux» est un discours aussi actuel qu’une boîte de Vinier « Harfang des neiges ». Après 15 ans de régime libéral marqué par la corruption, le démantèlement de l’État québécois et la réduction des services offerts à la population, un retour de balancier est nécessaire et urgent. Ravary a sans-doute raison de redouter le retour de l’État-tout-puissant des années 70, mais il n’est pas ici question de nationaliser Bell Canada et Air Canada. Il est simplement question de réitérer l’évidence, à savoir que les sommes payées en impôts et en taxes par les citoyens devraient servir à améliorer leur qualité de vie, leur bien-être et leur avenir, et non pas à engraisser les salaires des médecins, les coffres de Bombardier, les paradis fiscaux ou les extras payés par le ministère des transports. Une telle évidence n’est ni à droite, ni à gauche et ne constitue pas un recul, c’est une simple question de décence et de gros bon sens.
À la fin, Madame Ravary a le droit d'adhérer à un point de vue qui l'amène à se méfier de l'intervention de l'État. Cela dit, faire dire que c'est à cette conclusion que mène mon rapport est tout simplement un détournement de sens.
RÉPONSE À PAUL SAINT-PIERRE PLAMONDON
Loin de moi la volonté d’enlever à Paul Saint-Pierre Plamondon le mérite de vouloir encourager les jeunes Québécois à s’intéresser à la politique, que ce soit pour faire l’indépendance que pour ramener le Parti Québécois aux valeurs sociales-démocrates qui ont présidé à sa naissance.
Des choix politiques qui se défendent.
Pas plus que je ne suis en guerre contre le PQ, ayant récemment signé une chronique intitulée ‘Le PQ doit vivre’ et appuyé Jean-François Lisée lors de la course à la chefferie.
J’ai applaudi l’ouverture à la diversité du rapport Osez repenser le PQ mais j’y ai aussi trouvé assez de pistes pouvant mener à la conclusion que les jeunes sont moins à gauche qu’on pourrait le penser et qu’un retour à une social-démocratie qui repose sur un État fort pourrait ne pas fédérer les jeunes électeurs.
Les sondages semblent me donner raison.
Selon Qc125, si des élections étaient tenues demain, 65% Québécois voteraient pour un parti de centre droite, la CAQ ou le PLQ.
Selon le Léger du 27 janvier, 34% des 18-34 voteraient pour le PLQ et 21%, pour la CAQ, soit un point de moins que pour le PQ. Encore une fois, le centre droite rallie la majorité.
Selon les dernières simulations de Qc125, le PQ remporterait 13,2 circonscriptions et QS, quatre. On ne peut pas parler pour l’instant d’une ruée vers un État fort et bienveillant.
Quand j’écris à la blague que des gens croient que ‘l’État fait mieux les choses que le privé, malgré toutes les preuves du contraire sous notre nez’, je ne vise pas les CPE mais de l’ensemble de l’œuvre étatique, en santé, en éducation, en passant par l’état des routes et les coûteux cafouillages informatiques.
Enfin, je ne laisse nulle part entendre dans ma chronique que les CPE devraient être moins accessibles et l’éducation, de moins bonne qualité. Ce qui est un discours du passé, c’est de tout faire reposer sur l’État, comme si seul l’État pouvait offrir des services de qualité.
Les écoles privées sont-elles moins bonnes que les écoles publiques ?
Au sujet de Camil Bouchard, Paul St-Pierre Plamondon a raison de me ramener à l’ordre quant à son âge. Il a bel et bien 72 ans, et non 77, comme je l’ai écrit. J’avais mal relu mes notes manuscrites. Je me suis excusée sur Facebook mais je ne crois pas que le message se soit rendu, alors, une fois encore, toutes mes excuses à Camil Bouchard pour mon erreur.
Étant moi-même vieillissante, peut-être que ma vue baisse...
Lise Ravary