PORT PÉTROLIER À BELLEDUNE

Offensive juridique des Micmacs

Le Nouveau-Brunswick et la compagnie Chaleur Terminals sont poursuivis

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Le dossier s'emmêle...






Les communautés micmaques de la Gaspésie viennent de déposer une poursuite contre le Nouveau-Brunswick, mais aussi contre la compagnie Chaleur Terminals. Leur objectif est d’empêcher le transport ferroviaire de pétrole des sables bitumineux vers le futur port d’exportation de Belledune. Avec ce projet déjà autorisé, 220 wagons chargés de brut sillonneront chaque jour le Québec et le coeur de plusieurs municipalités d’ici deux ans.


 

Les documents de la poursuite déposés devant les tribunaux du Nouveau-Brunswick par le Secrétariat Mi’gmawei Mawiomi (SMM) font valoir que le gouvernement de la province a manqué à ses devoirs constitutionnels de consultation des Premières nations avant d’autoriser récemment le projet de construction du port, sur les rives de la baie des Chaleurs.


 

« Nous avons tenté à plusieurs reprises, sans succès, d’obtenir le droit d’être consultés sur ce projet. Nous avons fait des demandes au gouvernement fédéral et au gouvernement du Nouveau-Brunswick, en vain, a expliqué lundi au Devoir Tanya Barnaby, directrice de l’unité de consultation et d’accommodement du SMM, qui représente les trois communautés micmaques de la Gaspésie. Lorsque Chaleur Terminals a reçu son permis pour la construction du port, nous l’avons appris dans les médias. Cela nous a clairement démontré qu’il n’y avait aucune intention de nous inclure dans les consultations. »


 

Convois traversant la Gaspésie


 

Le projet pourrait pourtant avoir des impacts majeurs pour les Micmacs qui vivent en territoire gaspésien, a souligné Mme Barnaby. Il faut dire que le port pétrolier qui sera construit à Belledune, au Nouveau-Brunswick, sera alimenté par des convois ferroviaires qui traverseront leur territoire. Deux convois feront le voyage chaque jour, pour un total d’environ 220 wagons. C’est trois fois le nombre de wagons que comptait le convoi qui a provoqué une tragédie humaine, environnementale et économique il y a deux ans à Lac-Mégantic.


 

Un wagon-citerne ayant une capacité d’un peu moins de 720 barils, chaque convoi transportera près de 80 000 barils. Au total, les livraisons quotidiennes atteindront près de 160 000 barils. Cela signifie près de 58 millions de barils par année. Selon les documents produits par Chaleur Terminals, filiale de la société albertaine Secure Energy, le port pourra aussi servir à « l’importation de produits pétroliers ». Des convois pourraient donc aussi être pleins pour leur voyage de retour vers l’ouest.


 

Ces trains chargés de pétrole albertain sillonneront le territoire ancestral des Micmacs. Chemin faisant, ils traverseront de nombreux cours d’eau. Ils longeront aussi certaines rivières, dont la Matapédia, une rivière à saumon. Ils circuleront enfin le long de la rive sud de la baie des Chaleurs, au Nouveau-Brunswick.


 

Pour les Micmacs, les risques environnementaux que cela suppose sont tout simplement inacceptables. « Non seulement le projet présente un nombre important de risques qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation environnementale en bonne et due forme, mais, en plus, il ne contribue aucunement au bien social commun », a fait valoir le chef de la communauté Listuguj, Scott Martin.


 

Mme Barnaby a pour sa part rappelé que la protection de l’habitat du saumon, « une espèce menacée », constitue « un devoir sacré » pour les communautés. Les documents de la poursuite insistent d’ailleurs sur le fait que tout déversement dans une rivière comme la Matapédia aurait des impacts « dévastateurs » sur l’eau et les écosystèmes. En cas de fuite à partir des pétroliers, toute la baie des Chaleurs pourrait être affectée.


 

Le promoteur du projet de Chaleur Terminals est lui aussi visé par la poursuite judiciaire. L’entreprise n’a toutefois pas souhaité commenter lundi. Selon ce qu’elle a déjà fait valoir, le projet n’a pas besoin de l’accord du gouvernement du Québec, puisque le transport ferroviaire est de juridiction fédérale. Chaleur Terminals n’a d’ailleurs pas déposé d’avis de projet au Québec. Son projet portuaire doit créer 30 emplois permanents au Nouveau-Brunswick.


 

Vives inquiétudes


 

Au moment où les Micmacs déposaient leur recours juridique, des groupes citoyens et des élus du Québec ont affirmé lundi leur opposition aux projets de transport de pétrole par train à des fins d’exportations, comme celui vers Belledune.


 

Il faut dire qu’en empruntant les voies du Canadien National (CN), tout ce pétrole devra parcourir le territoire québécois sur des centaines de kilomètres. Selon les recherches effectuées par Le Devoir, tout indique que les convois passeront par l’île de Montréal, avant de poursuivre leur route vers Saint-Bruno-de-Montarville, puis au coeur de Mont-Saint-Hilaire, Saint-Hyacinthe et Drummondville. Ils longeront en partie l’autoroute 20, puis Lévis.


 

Les convois comptant 110 wagons chacun passeront, deux fois par jour, en plein coeur de Rivière-du-Loup, mais aussi par Trois-Pistoles et Rimouski. Plusieurs autres municipalités du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie verront aussi défiler quotidiennement les wagons chargés de pétrole des sables bitumineux.


 

Le maire d’Amqui, Gaétan Ruest, s’est dit particulièrement inquiet, d’autant plus que les convois traverseront le coeur de sa municipalité. « Est-ce que le Québec devrait prendre position dans le dossier ? Oui, tous les ministères concernés devraient prendre position. Ce n’est pas parce que le transport par rail est de juridiction fédérale qu’il faut les laisser faire. On l’a bien vu à Lac-Mégantic, ou encore dans le nord de l’Ontario. Ce n’est pas vrai qu’on peut avoir une confiance aveugle envers Ottawa. »


 

La MRC de la Matapédia, qui regroupe 18 municipalités, a adopté il y a déjà plusieurs mois une résolution afin de manifester son opposition. Celle-ci souligne que le projet de transport n’a fait l’objet d’aucune consultation publique. Les élus insistent aussi sur les risques environnementaux et sur « la vétusté des infrastructures de chemin de fer le long du parcours prévu ».


 

Québec solidaire et le Parti québécois ont demandé au gouvernement de mandater le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement pour qu’il étudie le projet. Mais le gouvernement Couillard n’a pas donné de suite à cette demande.







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