Au moment où les partis d’opposition tentent, à l’Assemblée nationale, de dégager un consensus minimum autour de la neutralité religieuse de l’État pour contourner la rigidité du premier ministre Couillard sur la loi du tchador (projet de loi 62), voilà qu’il reçoit, comme par hasard, un coup de pouce de notre philosophe «national», Charles Taylor, celui-là même qui a cosigné, il y a dix ans, le rapport Bouchard-Taylor, sur les accommodements raisonnables, un rapport documenté par des experts et qui fait consensus au Québec, depuis.
L’«Over my dead body» de M. Couillard
On se rappellera qu’en 2013-2014, M. Couillard, chef du Parti libéral et chef de l’opposition officielle m’avait refusé de soumettre le projet de loi no 491 que j’avais rédigé sur la neutralité religieuse de l’État et la lutte à l’intégrisme, pour fin de discussion avec mes collègues députés d’alors. Un projet de loi que j’ai fini par déposer à l’Assemblée nationale, à titre de députée indépendante, le 12 février 2014 et qui peut être consulté sur le site de l’Assemblée nationale: http://bit.ly/1Ld9iDy
Parmi les raisons de ce raidissement incompréhensible d’un chef libéral qui trahit l’héritage libéral, il y avait le fait que: 1. j’y définissais la neutralité religieuse de l’État comme un droit collectif et un droit individuel dans la Charte des droits et libertés de la personne; 2. j’y proposais la mise sur pied d’un Centre de recherche-action pour la lutte contre l’intégrisme; 3. j’y interdisais le port de la burqa, du niqab et du tchador comme des tenues asservissantes pour les femmes; et 4. j’y reprenais l’une des recommandations du Rapport Bouchard-Taylor sur l’interdiction des signes religieux aux juges, aux procureurs, aux policiers, et aux agents correctionnels dans l’exercice de leurs fonctions (l’autorité contraignante). C’est cette recommandation que M. Taylor vient de répudier dans un texte paru dans La Presse+ d’aujourd’hui, sous le titre «Le temps de la réconciliation».
Taylor à la rescousse
Non seulement M. Couillard m’avait interdit, en 2013-2014, de débattre de ce projet de loi au caucus libéral, mais il avait exigé de moi que je défende ouvertement sa position, notamment sur le port du tchador dans la fonction publique pour les employées de l’État et son refus d’interdire les signes religieux à l’autorité contraignante, une position qui va à l’encontre de mes principes et de tout ce que j’avais soutenu, publiquement, depuis des années.
L’un des arguments matraques que m’avait servi alors M. Couillard, pour me forcer à reculer sur le projet de loi 491 et épouser sa position était le revirement prévisible de Charles Taylor qui serait prêt à renier sa signature sur le rapport de la Commission Bouchard-Taylor. Ça ne m’a pas impressionné. Je suis donc restée loyale à mes convictions au lieu de me compromettre dans une partisanerie futile et néfaste pour l’avenir du Québec. Ce qui a conduit à mon expulsion du caucus libéral, par M. Couillard, le 20 janvier 2014. Depuis, nous pataugeons dans les méandres des accommodements, faute de leadership.
Je ne suis donc pas surprise de la sortie calculée de M. Charles Taylor, aujourd’hui. Ce qui m’étonne cependant, c’est qu’il n’hésite pas à descendre de son piédestal de philosophe pour sauter dans l’arène politique partisane en instrumentalisant un événement tragique, l’attentat de Québec, du 29 janvier dernier, pour justifier sa volte-face sur une question aussi fondamentale qui fait pourtant consensus au Québec.
Il serait plus honnête de dire que le virage de notre philosophe est moins le fruit d’un soudain contexte évolutif, que le produit d’un cheminement qui s’est forgé au contact du pouvoir libéral depuis au moins trois ans.
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