Mines de rien...

Politique minière


Disons que vous apprenez que les résidus miniers de l'uranium peuvent demeurer radioactifs des milliers d'années. Disons qu'on vous propose néanmoins le projet d'en explorer une exploitation éventuelle dans une mine à ciel ouvert. Et disons que vous êtes premier ministre.
Partant du principe de prudence, vous diriez sûrement "non merci". Ou vous imposeriez un moratoire pour tout vérifier. Non? Eh bien, ici, ce sont plutôt une vingtaine de médecins qui ont dû "menacer" de démissionner pour sonner l'alarme quant aux risques liés au projet d'exploitation d'uranium au lac Kachiwiss de Sept-Îles par la compagnie Terra Ventures inc. de Vancouver.
Bref, des médecins se souciant de la santé de leurs patients et de celle de leurs descendants pour quelques milliers d'années. Ça mérite le respect.
Dans une[ lettre ouverte parue dans Le Devoir->24034], deux de ces médecins avançaient que les résidus d'uranium constitueraient un risque important de "contamination radioactive", d'émissions de radon (un gaz cancérigène), de cancer du poumon et autres maladies, de problèmes sanguins et du système reproducteur. Sans compter la contamination possible des eaux de surface et souterraines.
Certains ont quand même osé accuser ces médecins de souffrir du syndrome du "pas dans ma cour", alors que leur sortie découle plutôt du syndrome nettement plus sain du "pas dans nos poumons"!
Le Québec: paradis des minières?
Cette histoire en cache une autre. Celle de la relation particulièrement avenante qu'entretient depuis des lunes le Québec avec les minières. Regorgeant de ressources naturelles, le Québec demeure à leurs yeux un objet de convoitise. Et selon les régimes en place, la Belle Province se fait plus ouverte ou plus fermée à leurs avances. Qui n'a pas entendu parler de Maurice Duplessis cédant l'exploitation du minerai de fer à l'Iron Ore pour "un sou la tonne"?
Même cette année, le vérificateur général trouvait que de 2002 à 2008, 14 minières n'avaient versé aucun droit minier même si elles avaient produit annuellement pour 4,2 milliards de dollars. Amir Khadir de Québec Solidaire soulignait aussi qu'au cours des dernières années, les minières "ont extrait pas moins de 17 milliards de dollars du sous-sol québécois en or et en métaux. Là-dessus, ces compagnies n'ont payé que 260 millions de dollars en redevance à l'État québécois, soit un maigre taux de 1,5 %. Dix fois moins qu'un pourboire au restaurant! (...) Clairement, on se rit de nous!" En effet.
Bref, le Québec demeure un paradis pour les minières. À tel point que même si le gouvernement Charest a promis depuis de serrer la vis aux minières, son projet de loi sur le sujet reste faiblard.
Les minières savent en fait que le Québec est "open for business", comme on dit. Quitte, dans certains cas, à se préoccuper de la santé publique après coup. Selon Le Devoir, Terra Ventures serait même une "société minuscule" dont l'argent dépensé "provient en totalité d'investisseurs à la recherche de titres très spéculatifs qui espèrent que l'action s'envolera un jour". Vous avez dit "moratoire"? Oui. Et ça presse.
Le Québec, paradis des mines, c'est aussi: aucune ou presque pas de redevances à payer au gouvernement, des crédits d'impôt généreux, des contribuables souvent obligés de payer les frais de restauration des sites, des coûts d'électricité nettement plus bas qu'ailleurs, etc. Osisko, la compagnie désirant exploiter une mine d'or à ciel ouvert à Malartic, et dont les lobbyistes militent en hauts lieux au PQ et au PLQ, décrit justement le Québec ainsi: "one of the best mining jurisdictions in the world". Sans blague.
Duplessis se faisait une fierté d'ouvrir tout grand les bras aux investisseurs étrangers et aux minières. Il les assurait de ce qu'on appelle aujourd'hui des "conditions optimales d'exploitation" et d'une belle "stabilité sociale". L'important était qu'ils créent des jobs et construisent des routes. Dans la vaste catégorie du "plus ça change, plus c'est pareil", Terra Ventures a d'ailleurs obtenu son permis de construire une route d'accès au lac Kachiwiss.
Pendant ce temps, les camps "pour" et "contre" se forment dans la région. Autre exemple classique des "chicanes" auxquelles les communautés visées par des compagnies ambitieuses doivent se livrer lorsque le leadership politique manque. Des populations locales souvent laissées à elles-mêmes dans leur combat contre de gros intérêts financiers et politiques. Du vrai "David contre Goliath". Quoique le ministère de la Santé serait maintenant prêt à "dialoguer".
Mais parions que le "dialogue" sera plus sérieux si ce combat finit par prendre des allures nationales. Justement, le 13 décembre, le regroupement Sept-Îles sans uranium invite à une grande manifestation. À Sept-îles, bien sûr. La coalition parapluie Pour que le Québec ait meilleure mine appuie aussi les médecins. Plutôt que de se contenter d'un simple sondage local, l'idée de demander au gouvernement d'ordonner un référendum panquébécois sur l'exploitation de l'uranium flotte aussi dans l'air.
L'important étant, hormis le moyen, que les Québécois soient sensibilisés à ce dossier crucial et donc, qu'on enclenche un vrai débat. Après tout, si Terra Ventures réussit à créer sa mine, une première au Québec, elle risquerait alors d'être suivie par d'autres ailleurs dans la Belle Province...


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé