Depuis des mois, les Québécois sont bombardés d'allégations de corruption, de collusion, de blanchiment d'argent par le crime organisé dans la construction, de retours d'ascenseur entre élus, fonctionnaires et entrepreneurs, d'attributions de contrats publics contrôlées par le privé, de dépassements de coûts de 20 à 35 % côté construction et routes, etc.
Un peu plus et on se croirait de retour à la fin du premier régime Bourassa des années 1970! C'est même pire dans la mesure où, contrairement à M. Bourassa avec la commission Cliche, Jean Charest refuse de créer une commission d'enquête pour exposer le système derrière tout ce magma. Et ce, malgré qu'elle soit réclamée par une vaste majorité de citoyens, de leaders d'opinion et des corps policiers eux-mêmes!
Comment tenir le coup sans verser dans le cynisme, l'indifférence et l'impuissance? Ou sans plonger dans une piscine de martini à Noël pour oublier le tout?
C'est qu'un tel climat, à force de perdurer, ça finit par user les nerfs du plus tolérant des citoyens. Pourtant, les cyniques et les indifférents ont une chose en commun: la colère. Une colère qui, du moment qu'elle provoque l'"action" intelligente et non la "réaction" passive, n'est jamais mauvaise conseillère.
Donc, comment exprimer la colère citoyenne dans une société démocratique? Ou, comme plusieurs d'entre vous le demandent: que faire? Plein de choses. Individuellement ou collectivement. Pas besoin de réinventer la roue. Le manuel de la parole citoyenne, on le connaît depuis longtemps. Au Québec, on s'en est même déjà beaucoup servi à des époques pas si lontaines...
Voici donc un modeste guide de survie. Bien sûr, non exhaustif. Un guide pour électeurs consentants à se mêler de la chose publique et du bien commun en des temps troublants.
1- Mieux comprendre le "système".
Entre deux élections, notre système parlementaire, notre mode de scrutin et l'extrême concentration du pouvoir entre les mains du premier ministre tendent à changer les électeurs en spectateurs. Scandales ou pas, dès qu'il est majoritaire, aucun mécanisme ne peut faire "tomber" un gouvernement ou même obliger un PM à ouvrir une enquête publique. Alors que dans le système américain, fort différent, il existe des "contrepoids" entre les pouvoirs du président et du Congrès. On peut même destituer un président. Quant au Sénat, il peut tenir des comités spéciaux d'enquête aux pouvoirs étendus. Mais aucun des deux systèmes n'est à l'abri des abus! Il n'empêche qu'au Canada, c'est TRÈS difficile de faire bouger un PM qui, pour ses propres raisons, refuse d'agir.
Mais vous me direz qu'à Ottawa, les médias et les partis d'opposition ont obligé Paul Martin à créer la commission Gomery sur le scandale des commandites! Pas vraiment. S'il l'a fait, c'était surtout pour "achever" politiquement son rival, Jean Chrétien. Le problème, c'est que la commission a presque achevé le Parti libéral à la place! Si Chrétien était demeuré PM, il n'y aurait JAMAIS eu de commission Gomery. Et Jean Charest a bien compris la leçon.
2- Troquer l'impuissance contre la patience et le bulletin de vote.
Puisque le "système" est ce qu'il est, votez pour qui vous voulez, mais allez voter! Des taux de participation de plus en plus faibles aux élections affaiblit les pouvoirs de la société civile. La dernière élection à Montréal l'a amplement démontré. Le décrochage électoral n'est plus une option viable.
3- Garder espoir qu'une nouvelle classe politique finira bien par émerger.
Après Duplessis, il y a eu Sauvé et Lesage. Après Bourassa première mouture, il y a eu Lévesque. Un jour, d'autres se pointeront. Surtout si les citoyens s'en mêlent de plus en plus.
4- Entre les élections, il existe la parole citoyenne.
La plume, Internet, le téléphone, les pétitions, la création de regroupements, etc. La démocratie, c'est comme le principe de la saucisse Hygrade. Plus les citoyens s'expriment et votent, plus les élus font ce qu'ils doivent faire. Et vice versa. Surveiller les gouvernants est aussi un droit et un devoir.
5- Ce qui inclut le droit de manifester pacifiquement.
Une question: vous ne trouvez pas ça un peu particulier qu'il y ait eu autant de manifs monstres et efficaces, organisées en 2003 par les syndicats contre la "réingénierie" de l'État promise par le premier gouvernement Charest majoritaire, alors qu'aujourd'hui, il n'y en a aucune pour réclamer cette sacrée commission d'enquête?
Où sont les syndicats? Ceux-là même qui ont les ressources et l'expérience aptes à monter des manifs pacifiques et larges. On sait que la FTQ ne veut rien savoir. Mais les autres, ils la demandent cette commission. Alors que des milliards en fonds publics sont en jeu dans le domaine lucratif des infrastructures, la gestion du bien commun ne vaut-elle pas aussi un petit brin de mobilisation?
6- Pour faire mentir l'adage voulant que la mémoire de l'électeur soit une faculté qui oublie.
Se souvenir de ces paroles de F. Scott Fitzgerald et surtout, les prendre au second degré: "Le test d'une grande intelligence est sa capacité d'intégrer deux idées opposées tout en continuant à fonctionner. Soit, être capable de voir que les choses sont sans espoir tout en étant néanmoins déterminé à les changer"...
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*** Ce «guide de survie» étant de toute évidence non exhaustif, vous êtes invités, si le coeur vous en dit, à ajouter vos propres suggestions sur ce blogue. (Les règles usuelles de courtoisie s'appliquent évidemment et ce, malgré la colère citoyenne tout à fait compréhensible....)
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*** Ce «guide» prend aussi pour acquis que malgré les demandes répétées pour une commission d'enquête publique, le premier ministre n'en tiendra jamais une. Du moins, pas une véritable commission au mandat suffisamment large pour «exposer» le système. J'expliquais d'ailleurs dans ma chronique de la semaine dernière les raisons pour lesquelles je prends cela pour acquis:
http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2009/11/25/la-pieuvre.aspx
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