Mes droits sont plus importants que les vôtres

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Le retour du religieux






Dès qu’il est question de religion, la capacité à penser logiquement tend beaucoup à foutre le camp.




Il est admis par tous ou presque qu’un fonctionnaire ne devrait pas afficher ses opinions politiques, même si on sait qu’il en a.




Nous fondons cette position sur le fait que l’État et ses repré­sentants – sauf, évidemment, ceux qui ont été élus sous une bannière politique – devraien­t être neutres.




Pour beaucoup, cette neutralité de l’État ne va plus de soi dès qu’il est question de la croyance religieuse du fonctionnaire­­.




Ces gens n’accepteraient pas qu’un fonctionnaire puisse porter­­ un gros macaron appuyant­­ le PQ ou le PLQ.




Mais ils accepteraient qu’un fonctionnaire puisse porter un crucifix très visible ou un tchador­­.




S’incliner




On avance souvent que la neutralité s’incarne dans la façon pour le fonctionnaire de faire son travail et non dans un signe vestimentaire reflétant sa croyance religieuse.




Comment se fait-il alors que cet argument ne vaut pas pour un signe qui refléterait sa croyance politique?




Si la neutralité est attendue dès qu’il est question de politique, mais qu’elle n’est plus attendue dès qu’il est question de religion, c’est donc que l’on juge l’opinion religieuse plus importante que l’opinion politique­­.




Pour le dire autrement, il ne serait pas nocif ou grave d’interdire l’une, mais il serait nocif et grave d’interdire l’autre.




Or, comme me le fait remarquer un lecteur très fin, «affirmer que les convictions religieuses l’emportent en profondeur et en importance sur les autres convictions est un argument parfaitement et complètement religieux».




En effet, le fonctionnaire qui insiste pour porter un signe reli­gieux le fait parce qu’il croit qu’il existe, au-dessus du monde terrestre, qui est humain et impar­fait, un autre monde plus important, proprement sacré, habité par un dieu dont la parole­­ est l’ultime vérité.




D’accord, c’est SA conviction.




Mais si l’État accepte cela, s’il place lui aussi la conviction religieuse au-dessus de la conviction politique, il intègre et priorise lui-même le mode de raison­nement du croyant.




Cet État peut bien, ensuite, si ça lui chante, se proclamer «neutre» ou «laïc». Mais, dans les faits, sa définition de la neutralité ou de la laïcité... est une définition religieuse puisque cet État a intégré et priorisé la façon de voir du croyant en refu­sant de lui opposer la moindre limitation.




Égaux ?




Si vous croyez véritablement que tous les citoyens ont les mêmes droits, vous n’avez, en toute logique, que deux option­s.




Vous permettez aux fonctionnaires d’afficher toutes les convictions personnelles, qu’elles soient politiques ou reli­gieuses... ou bien ils n’en ont pas le droit, et donc vous ne permettez aucun signe reflétant une conviction personnelle, politi­que ou religieuse.




C’est donc déjà une ouverture considérable, sans doute raisonnable dans le contexte actuel, de limiter l’interdiction des signes religieux aux fonctionnaires­­ en position d’autorité.




Dès qu’il est question de religion, les droits des croyants les plus fervents pèsent plus lourd que les droits des autres.




Soyons-en conscients.



 




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