Bon, ça y est. La campagne électorale est à peine commencée que les blogues ont déjà levé un premier lièvre.
La radio de Radio-Canada expliquait l'affaire ces derniers jours: un blogueur a trouvé sur un forum de discussion des propos plutôt bizarres tenus par la candidate de Québec solidaire, Dominique Ritchot, dans Pointe-aux-Trembles.
On se souvient peut-être qu'il y a plusieurs mois une bombe avait explosé sous la voiture du représentant québécois de l'industrie canadienne des produits pétroliers, Carol Montreuil.
À cette occasion, sur un forum de discussion, Mme Ritchot avait écrit, sous un pseudonyme, que «le bonhomme [M. Montreuil] n'est pas une victime innocente [et] la violence de certains groupes d'action directe est moins pire que la violence du système capitaliste».
Un message qui laisse un malaise à Québec solidaire, un parti qui prône particulièrement les vertus du pacifisme et de la non-violence!
Il est très possible que cette histoire soit vite oubliée, mais elle est quand même une première illustration de l'influence d'Internet sur la campagne, influence que tout le monde voit comme étant importante, sans trop savoir quelle forme elle prendra.
Les partis politiques, eux, veulent utiliser au maximum les nouveaux outils d'Internet, comme Le Devoir en faisait état la semaine dernière. Après quatre ou cinq jours de campagne, on peut déjà déceler quelques tendances. Ainsi, le Parti québécois semble vraiment concevoir Internet comme une sorte de méga «pep-talk» pour ses militants. Sur son site Web le parti invite les militants à envahir les tribunes téléphoniques et les forums de discussion, et un «cyberjournaliste» propose chaque jour des vidéos sur les dessous de la campagne électorale qui sont clairement promotionnels et enthousiastes.
De façon surprenante, les forums de discussion ouverts vendredi sur le site Internet du Parti libéral ne font pas seulement dans l'auto-promotion. Samedi encore, on pouvait y lire autant des messages de félicitations à Jean Charest que des critiques des politiques libérales... et des engueulades entre les participants eux-mêmes.
Est-ce vraiment un nouveau lieu de participation démocratique? Il faudra voir d'ici un mois si ces différents lieux d'expression sur Internet auront eu une influence sur le résultat final, mais il faut quand même rappeler que l'ensemble de la population prend d'abord ses informations à la télévision.
On remarquera par ailleurs que les blogues québécois semblent surtout, pour le moment, axés sur l'expression d'opinions immédiates plutôt que sur le véritable travail journalistique.
Un blogueur connu, Yves Williams (qui avait été un des cofondateurs de La Toile du Québec), écrivait ces lignes intéressantes il y a deux semaines sur son blogue: «Nos médias se sont mis aux blogues, ils y ont mis des professionnels... mais est-ce pour faire du journalisme? J'ai souvent plus l'impression que les journalistes professionnels font aujourd'hui plus d'humeurs, d'anecdotes, d'éditoriaux, de commentaires. Comme si justement le blogue n'était que l'à-côté de leur job, l'information [...] Les blogues ne semblent pas avoir acquis leur place dans la chaîne de production de l'information. Comme si les blogues faisaient plus partie de la stratégie marketing des médias en ligne que de leur stratégie d'information.»
On peut donc présumer que l'impact d'Internet sur la campagne sera vraiment important si un blogueur fait un véritable travail d'enquête pour dénicher une information totalement nouvelle, ou encore si un citoyen ordinaire capte un moment embarrassant avec son cellulaire (les dérapages oratoires d'un candidat obscur, par exemple) pour ensuite les diffuser sur YouTube...
Par ailleurs, depuis une semaine, on parle beaucoup d'Internet comme étant un nouvel espace de démocratie participative, mais il ne faut pas être naïf, et il ne faut pas perdre de vue le côté sombre d'Internet.
En France, plusieurs médias ont fait état en janvier d'une information qui a été véhiculée abondamment sur Internet, dans les blogues et les forums de discussion, voulant que la candidate Ségolène Royal avait créé avec son mari une société civile pour échapper à l'impôt sur la fortune.
La rumeur, augmentant sans cesse, a fini par être reprise par des adversaires politiques de la candidate socialiste, qui a divulgué l'état de son patrimoine personnel comme preuve de son innocence, accusant l'entourage de Nicolas Sarkozy d'être à l'origine de la rumeur et d'user de «méthodes de racaille» dit-elle. Son conjoint, François Hollande, a d'ailleurs porté plainte pour diffamation auprès d'un député et d'un journal qui avaient repris la rumeur.
Internet pourrait donc être un formidable amplificateur non seulement des dérapages électoraux réels, mais aussi des rumeurs et des «jobs de bras», ce qui exigera de l'analyste politique une grande prudence.
En tout cas sachez, blogueurs et blogueuses, que vous serez de plus en plus scrutés à la loupe. Vendredi dernier le CEFRIO publiait les résultats de sa grande enquête annuelle sur l'utilisation d'Internet au Québec, et constatait que près de 20 % des Québécois ont consulté un blogue en 2006. Le CEFRIO affirme vouloir s'intéresser de plus près aux blogues dans les prochains mois.
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pcauchon@ledevoir.com
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