La procureure générale et ministre de la Justice, Sonia LeBel, doit absolument demander la récusation de la juge en chef de la Cour d’appel, Nicole Duval Hesler, dans tout litige concernant la loi 21 sur la laïcité de l’État.
Il est tout à fait inacceptable que Mme LeBel laisse décider une juge qui ne daigne même pas montrer une apparence d’impartialité. Si elle n’agit pas pour défendre la légitimité démocratique d’une loi fondamentale de l’Assemblée nationale qu’elle a la responsabilité de défendre, si elle ne protège pas la confiance du public envers le système judiciaire, sa propre crédibilité sera en jeu et des conséquences politiques suivront.
Comme toute religion d’État, le multiculturalisme est irrationnel. Il donne au fondamentalisme religieux la prépondérance sur tous les autres droits fondamentaux dans une société libérale, notamment le droit à l’égalité.
Il n’y a rien de plus absurde que de voir la juge en chef invoquer son féminisme personnel pour se ranger du côté des éléments conservateurs et rétrogrades de religions qui renforcent l’inégalité des femmes. Elle ignore ainsi les nombreuses femmes laïques d’origine musulmane qui appuient publiquement la loi 21. Ces femmes courageuses qui défient la pression culturelle de leur entourage sont les authentiques féministes dans ce débat. Ne pas le reconnaître est une pure bêtise.
La Charte canadienne est la seule au monde à donner nommément la priorité au multiculturalisme (art. 27). La Charte québécoise met en avant le principe de laïcité qui prévaut dans de nombreux États européens, d’où les jurisprudences opposées des tribunaux canadiens et de la Cour européenne des droits de l’homme.
Celle-ci, en interprétant la Convention européenne des droits de l’homme, qui défend la liberté de religion sans le multiculturalisme, a validé des restrictions plus sévères que celles que l’on retrouve dans la loi 21 en France, en Suisse, en Belgique et même en Turquie.
Il y a un conflit entre deux chartes incompatibles, dont l’une a été imposée au Québec sans le consentement de l’Assemblée nationale en 1982 et dont les effets sont moralement et socialement intolérables.
La meilleure sortie de crise est de demander au peuple québécois de se prononcer par référendum sur l’application exclusive de la Charte québécoise au Québec et sur son interprétation par des juges nommés par l’Assemblée nationale. Un tel référendum déclenchera l’obligation constitutionnelle de négocier du gouvernement canadien. L’application exclusive de la Charte québécoise devrait être un élément central d’une Constitution du Québec.
Il est trop tard pour considérer que la Cour d’appel peut être neutre dans cette affaire. Elle est en réalité, ici, un tribunal politique chargé de mettre en oeuvre une Charte canadienne illégitime.