L’été devait être paisible. C’est dans l’ordre des choses. Il ne l’a pas été, évidemment. Entre les 86 morts de Nice et ce prêtre de 86 ans égorgé en pleine messe près de Rouen, l’actualité en a même rajouté dans l’indicible horreur. Après deux mois dans la bulle québécoise, où je n’ai pas senti plus de compassion qu’il n’en faut à l’égard de ces drames, on se réjouirait presque de cette désopilante polémique sur le « burkini ». Le mot, d’abord, qui semble tellement absurde. Mais peut-être ses auteurs se sont-ils souvenus de sa portée subversive, le bikini tenant son nom d’un atoll du Pacifique où explosa la première bombe atomique.
Vue du Québec, la discussion ressemble parfois à un débat d’avocaillons. Comme s’il n’y avait d’autre critère du débat intellectuel que celui du juridisme le plus strict. Comme si le droit résumait la vie, avec en plus l’injonction de se taire une fois que celui-ci est dit. Cette enflure juridique devrait pourtant être jugée pour ce qu’elle est : un prétexte pour imposer le silence sur les questions qui fâchent.
Réglons donc au plus vite le débat légal avant de passer aux choses sérieuses. Bien sûr que, dans nos sociétés, on ne devrait pas interdire un maillot de bain. Surtout si celui-ci ne crée pas de désordre public. Du moins pas encore. Il n’y avait donc pas matière à interdiction, comme l’a bien dit le Conseil d’État français. Mais, une fois admis le droit de chacun de se baigner avec son manteau d’hiver, qu’a-t-on dit ? Rien !
Car c’est justement ici que le débat devrait commencer. La vulgarité, le mensonge, l’indécence, l’extrémisme, le sexisme et la pornographie sont tous plus ou moins autorisés dans nos sociétés. Cela veut-il dire qu’il faut se taire à leur sujet ? Heureusement, en France, la parole la plus sage est revenue à l’ancien ministre socialiste Jean-Pierre Chevènement, ami et disciple du grand islamologue et traducteur du Coran Jacques Berque. Le burkini, a-t-il déclaré, « on peut le tolérer, mais on peut ne pas l’approuver ».
Avant de crier au scandale, il vaut en effet la peine de s’interroger sur les raisons qui ont poussé des maires, de gauche comme de droite, à agir de la sorte. Dans le contexte des attentats de Charlie Hebdo, du Bataclan et de Nice — qui ont tout de même fait 250 morts —, le port de ce maillot ostentatoire par quelques intégristes a été perçu comme une provocation. Il fallait d’ailleurs voir ces dames habillées jusqu’au cou attendre les caméras de télévision sur les plages à l’heure pile où tombait la décision du Conseil d’État.
Malgré ce qu’on a dit, cette interdiction n’avait strictement rien à voir avec la laïcité, puisque celle-ci ne peut concerner que le service de l’État. Alors, que représentent ces interdictions sinon un appel au secours des élus locaux face à la progression fulgurante d’un intégrisme religieux, sexuel, moral et politique qui gangrène les villes du sud de la France, après avoir semé la guerre civile — rappelons-le — dans le monde arabe ?
Comme les enseignants confrontés à des élèves qui refusent les cours d’éducation physique ou qui sifflent la Marseillaise, les maires de nombreuses villes françaises sont aujourd’hui confrontés à ce qui apparaît clairement comme un refus d’intégration. Une forme de séparatisme intérieur d’une partie de la population musulmane. En 2008, avant la poussée actuelle de l’islamisme, 17 % des musulmans sondés par le CSA estimaient en effet que la charia devait « s’appliquer intégralement, quel que soit le pays dans lequel on vit ». Que dit d’ailleurs la femme voilée sinon qu’elle est plus pure que les autres, que sa religion passe avant l’intégration et qu’elle n’aura pas de commerce avec des hommes qui ne sont pas musulmans ?
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