À quelques jours de la rencontre à Québec des premiers ministres provinciaux consacrée aux changements climatiques, une nouvelle étude conclut que la croissance des émissions de gaz à effet de serre imputable aux sables bitumineux risque d’annuler tous les efforts entrepris au Canada pour endiguer cette crise environnementale.
Produit à partir de données gouvernementales, le document souligne que les émissions canadiennes de gaz à effet de serre (GES) ont connu une croissance globale de 18 % depuis 1990. À titre de comparaison, l’objectif de réduction des émissions au Québec est de 20 % en 2020, par rapport à 1990.
Ce n’est d’ailleurs pas ici que les GES ont suivi une courbe de croissance. En fait, l’Alberta est responsable de 73 % de la hausse observée à l’échelle nationale depuis 25 ans. Et l’étude publiée par Environmental Defence et Greenpeace pointe directement un coupable : l’industrie des sables bitumineux. « Tandis que les autres sous-secteurs de l’industrie pétrolière et gazière ont vu leurs émissions se stabiliser ou diminuer, celles des sables bitumineux ont monté en flèche, si bien qu’elles ont doublé depuis l’an 2000 », précise-t-on.
Sans réglementation fédérale à l’horizon, cette progression constante doit d’ailleurs se poursuivre. La production des sables bitumineux devrait en effet dépasser les trois millions de barils par jour en 2020, puis les cinq millions en 2030. Cette croissance rapide se reflète dans le transport de pétrole par train, qui a connu une croissance de 300 % depuis 6 ans. Les producteurs ont donc plus que jamais besoin des projets de pipelines.
Or, si les sables bitumineux sont exploités selon les prévisions de l’industrie, les émissions de l’Alberta « approcheront le total combiné de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique » d’ici 2020, évaluent les auteurs de l’étude. L’Alberta est déjà la plus grande émettrice de CO2 parmi toutes les provinces canadiennes. Ses émissions dépassent même celles de l’Ontario et du Québec combinées.
Selon les conclusions de l’étude, il est donc tout simplement « impossible » que le gouvernement canadien atteigne son objectif de réduction des émissions de GES si cette industrie poursuit sur sa lancée. Après avoir jeté le protocole de Kyoto à la poubelle, le gouvernement Harper s’est donné une cible plus modeste de réduction de 17 % de ses émissions en 2020, par rapport au niveau de 2005.
Si elles souhaitaient cependant contrer la hausse des GES albertains, « les autres provinces et les autres secteurs économiques devraient fournir des efforts herculéens ». En fait, l’étude estime à 30 % la réduction nécessaire, et ce, à l’échelle du pays.Pour y parvenir, « il faudrait, par exemple, convertir tout le parc automobile du pays en véhicules électriques », ou encore amener les émissions de la Colombie-Britannique, des provinces de l’Atlantique et des territoires à zéro.
Pétrole et pipelines
Pour le responsable du programme national d’Environmental Defence, Dale Marshall, l’analyse des données d’Environnement Canada démontre clairement que l’exploitation des sables bitumineux est totalement « incompatible » avec la lutte contre les changements climatiques.
« Nos dirigeants doivent comprendre que la lutte du Canada contre les changements climatiques ne pourra pas être efficace tant que les émissions de GES en provenance des sables bitumineux continueront d’augmenter en flèche », fait-il valoir. Or, le premier ministre Stephen Harper a clairement fait savoir en décembre dernier qu’il n’entendait pas réglementer le secteur pétrolier et gazier, même si son gouvernement a évoqué l’idée à quelques reprises.
Dans ce contexte, le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, suggère aux premiers ministres des provinces de signifier leur opposition aux projets qui doivent favoriser la croissance de l’industrie. « S’ils veulent être crédibles dans la lutte contre les changements climatiques, le premier ministre du Québec et ceux des provinces doivent s’opposer à l’expansion des sables bitumineux et des infrastructures de transport, comme les pipelines, trains et bateaux dont elle dépend. »
À l’instar du gouvernement Harper, celui de Philippe Couillard a cependant déjà indiqué qu’il ne tiendra pas compte de la question des GES du pétrole albertain qui coulera dans le pipeline Énergie Est dans le cadre de son évaluation environnementale du projet. Lorsque le projet de TransCanada deviendra une réalité, en 2020, pas moins du tiers de la production canadienne des sables bitumineux transitera par le Québec. La province deviendra ainsi, et pour des décennies, la plus importante plaque tournante de la production pétrolière canadienne.
Le Canada possède les troisièmes plus importantes réserves de pétrole brut au monde, derrière l’Arabie Saoudite et le Venezuela. Celles-ci s’élèvent à 174 milliards de barils. La production quotidienne doit atteindre 6,7 millions de barils d’ici 2030.
Une étude scientifique publiée en janvier dans la revue Nature concluait cependant que le Canada devrait absolument laisser plus de 85 % de ses ressources pétrolières connues dans le sol s’il veut aider l’humanité à éviter la catastrophe climatique qui s’annonce.
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