Le ministère de l'Éducation du Québec est envahi depuis plus d'une trentaine d'années par des «lologues» de toutes les sortes qui ont réussi à saccager notre système d'éducation. L'un des acteurs principaux et des fleurons de l'évolution du Québec, ce ministère est devenu un repère d'olibrius malheureusement dangereux.
Le pire est que ces théoriciens à la gomme ont réussi pendant toutes ces années à convaincre des ministres et leurs gouvernements, péquistes de connivence comme libéraux complexés, d'adhérer à leurs thèses saugrenues. Ces petites bêtes à barbichettes se reproduisent en plus. Alors que l'on croit que le mal est endigué, il réapparaît de façon sournoise, sous une nouvelle forme. Corriger leurs bêtises est en plus toujours très ardu.
Nous en avons une belle illustration avec les fameux bulletins qui fournissaient aux parents une évaluation des «connaissances transversales» de leurs enfants, plutôt que de leur transmettre les notes obtenues par l'écolier et la moyenne de la classe. Il ne fallait plus mesurer la performance, afin de ne pas développer des têtes enflées ou, à l'inverse, des perdants. L'émulation, le désir de se surpasser et de surpasser les autres étaient à proscrire.
Ces bulletins loufoques ont été dénoncés à l'Assemblée nationale pour la première fois alors que Lucien Bouchard était premier ministre ! Nous venons tout juste pourtant de nous en débarrasser.
Et nous avons alors bêtement cru que le message était passé chez les bureaucrates du ministère: finies les folies! Que non, diantre!
Le Devoir révélait cette semaine qu'un enseignant de français, Richard Berger, qui a supervisé pendant dix ans la correction des épreuves de français au collégial, avait produit un rapport pour le compte du ministère de l'Éducation, recommandant de ne plus comptabiliser les fautes d'orthographe, de syntaxe et de ponctuation, dans la correction de l'épreuve de... français, au cégep. La réussite de ce test est obligatoire pour l'obtention du DEC. Trop d'étudiants l'échouaient, montrent les statistiques.
Compter les fautes et faire échouer un étudiant relèvent selon lui d'une «approche judéo-chrétienne punitive» (le prof terminait sans doute la lecture de Da Vinci Code et il fantasmait sur le cilice). «On devrait valoriser ce qui est réussi et non mesurer ce qui est raté», posait M. Berger. Outre que sur le fond de la question, une telle idée est une aberration totale, nous constatons que le courant de pensée du nivellement par le bas est bien enraciné dans le monde de l'éducation.
La ministre Michèle Courchesne a ordonné sur le champ le rejet d'un nouveau modèle «holistique» de correction qui était suggéré. Mme Courchesne a eu le bon réflexe politique mais elle n'a pas beaucoup de mérite, tellement la proposition était ridicule en elle-même, et après le consensus social établi sur le retour à des bulletins chiffrés.
Mais ce n'est que partie remise. Les milliers de fonctionnaires de l'éducation, dans leur tour du Compkexe G à Québec, sortiront bien une autre trouvaille abracadabrante de leur boîte à réformes.
Les enseignants québécois rejettent toute forme d'évaluation de leur propre travail. «Les lologues» en chef du ministère, issus du rang et très souvent de l'appareil syndical, ou théoriciens de carrière, partagent aussi cette philosophie du plus bas dénominateur commun. Celle-ci a maintenant voyagé de bas en haut du système, comme les ascenceurs du ministère.
Quelques personnes pragmatiques ont pourtant dirigé cette curieuse pyramide, au fil de ces années, dont les très conservateurs à l'époque et coriaces Michel Pagé et Claude Ryan, l'homme d'affaires François Legault... Les bureaucrates de l'Éducation n'en ont toujours fait qu'à leur tête. Les ministres passent, les fonctionnaires sifflent.
La vraie réforme qui s'impose (ou réingénierie) consisterait à couper chez les penseurs patentés qui sabotent avec pugnacité l'enseignement au Québec et à diriger les crédits épargnés pour rénover les écoles ou en construire des neuves, remplacer les équipements vétustes, fournir plus de support aux étudiants et, s'il reste des dollars, attribuer des bourses d'excellence aux plus performants. Ils seront faciles à reconnaître par les excellentes notes qui figureront à leurs bulletins.
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