En 1960, un humble frère enseignant - [le frère Untel->rub203] – dénonçait le parler «joual» des élèves et d’un bon nombre de professeurs qui oeuvraient dans les écoles du Québec. Qu’en est-il, 47 ans plus tard? Le français, au Québec, est-il mieux parlé? Est-il mieux écrit? Le frère Untel, mort il y a quelques mois, corrigerait-il aujourd’hui son jugement, apporterait-il quelques nuances, noterait-il des progrès significatifs? Le pauvre frère mariste s’affaisserait sans doute devant les résultats publiés dernièrement dans le journal La Presse et qui montrent, noir sur blanc, qu’un élève sur deux de cinquième secondaire coule l’examen ministériel de production écrite en français. Devant un tel constat, la ministre de l’Éducation juge la situation «inacceptable». La ministre constate le fait. Elle s’offusque. Elle s’indigne. Elle n’ose parler franc et proposer le remède de cheval.
Le frère Untel proposait de travailler à la hache pour corriger la situation. Car il y avait urgence. La catastrophe étant à nos portes, il faut remplacer la hache par quelque chose de plus expéditif et de plus efficace. La hache doit être remplacée par la tronçonneuse. Et confier l’outil à ceux qui peuvent la manier correctement, habilement et rapidement.
Par quoi faut-il commencer? Rien de plus simple. Il faut commencer par tronçonner dans les médias. Les réseaux de télévision, tous les soirs, nous présentent le parler «joual». Les réseaux privés de télévision massacrent allégrement et quotidiennement la langue française. A chacun de trouver quelques téléromans qui illustrent bien ce constat. Radio-Canada, télévision d’État subventionnée par les impôts de la collectivité, n’est pas en reste sur la question. Un exemple. La célèbre série Les Bougon et la nouvelle qui l’a remplacée - C.A. - arrivent, chaque semaine, à détruire ce que tout bon professeur de français a essayé d’enseigner dans ses cours hebdomadaires. La ministre de la Culture doit intervenir et bannir des ondes de telles insanités. Car, non seulement la langue commune est constamment bafouée, mais les propos et les attitudes de certains acteurs donnent parfois à vomir.
Par quoi encore commencer? L’éducation et l’instruction débutent dès le jeune âge. Si, comme l’écrit si bien George Dor, on ne s’occupe pas des difficultés d’élocution des enfants, non seulement resteront-ils des handicapés linguistiques, mais ils risqueront fort également de devenir des handicapés intellectuels qui engendreront à leur tour des handicapés linguistiques qui se perpétueront ad nauseam. L’être humain accède aux divers degrés d’humanité par le langage; si on ne le développe pas chez l’enfant dès ses premières années, ce dernier risque fort de garder à jamais une élocution et un esprit embrouillés.
Si on craignait jadis, affirme toujours le poète, d’avoir des chômeurs instruits, on se retrouve apparemment de nos jours avec des universitaires ignorants.
L’école étant le lieu de l’esprit, la tronçonneuse devrait continuer et parfaire son travail à cet endroit. Le ministère de l’Éducation devrait immédiatement interdire aux enseignants incompétents et incultes de franchir le seuil d’une classe régulière. Comment juger si l’ignorance a fait des progrès chez les enseignants et les futurs candidats? En recrutant des personnes aptes à le vérifier. Au temps du frère Untel, le Département de l’Instruction publique envoyait des inspecteurs dans les écoles. Le système n’était pas parfait mais les enseignants savaient qu’ils ne pouvaient pas faire n’importe quoi sur leur lieu de travail et que quelqu’un pouvait régulièrement venir le vérifier.
Notre époque a les moyens d’éliminer les incompétents et de confier à des personnes bien formées, le soin d’aller vérifier si ceux qui enseignent aux enfants sont suffisamment formés pour le faire. Devant l’incompétence, l’industrie n’hésite pas à congédier. Devant l’incompétence de ceux qui ont comme mission de former l’esprit des jeunes, on ne congédie pas : on trouve la situation inacceptable. C’est carrément loufoque.
C’est par le langage et donc l’apprentissage de la langue parlée et écrite que les humains arrivent à communiquer entre eux, à se bien comprendre. Les maîtres de classe doivent se souvenir qu’avant de procéder à l’organisation du langage chez l’étudiant, celui-ci doit apprendre comment dire les mots ou comment les prononcer, comment arriver à en comprendre la signification.
Si la moitié des étudiants, à la veille d’entrer à l’université, échouent l’examen de français, de toute évidence, il y a là un échec lamentable. Il faut décréter l’état d’urgence. Il faut instaurer au cours primaire - car c’est là où se trouve le début du problème - des classes de prononciation normale, de diction et d’élocution. Il faut refaire ce que nos maîtres nous forçaient à faire autrefois : mémorisation, récitation, écriture de cinq nouveaux mots de vocabulaire par jour. En d’autres termes, il faut enseigner à nommer les choses correctement, à apprendre à lire et à écrire les mots tels que confinés dans le dictionnaire afin d’en arriver, éventuellement, à bien parler et écrire la langue de la majorité.
Les mots bien prononcés, compris ensuite à partir d’une bonne définition, permettent d’envisager leur organisation. Toute langue se structure à partir de certaines règles. Le latinisme de jadis s’accompagnait d’une grammaire que tous les élèves de tous les collèges consultaient tous les jours. Le manuel utilisé était universel. Toutes les écoles du Québec consultaient le même. L’élève avait sans cesse les mêmes points de repères.
Le ministère de l’Éducation devrait agir en ce sens. En abolissant la réforme de l’ancien gouvernement péquiste qui a déformé toute une génération de jeunes étudiants, en retournant à l’acquisition et à la notation des connaissances, le ministère devrait obliger toutes les écoles du Québec à revenir à des manuels de base, adaptés à chaque niveau scolaire. Une grammaire universelle et unique pour tout le primaire et idem pour le cours secondaire. Le retour systématique à la pratique de la dictée, de la compréhension et de l’explication de texte, l’étude et l’apprentissage du vocabulaire allant de soi, cette langue si belle retrouverait ainsi toute sa noblesse.
La langue française est en péril au Québec. Les immigrants la parlent mieux que ceux qui demandent leur intégration. Il faut avoir le courage d’admettre les résultats catastrophiques d’un système d’enseignement qui prétend que les Québécois de souche savent parler LE français, alors que, généralement, ils le parlent si mal. Quand comprendrons-nous qu’on peut difficilement apprendre à écrire une langue qu’on possède si peu?
L’étude d’une langue parlée correcte, affirme George Dor, est le premier pas dans le débrouillage de l’intelligence. Ce n’est pas notre accent qui est en cause, mais la déstructuration, l’effilochage de notre langue. Il faut une loi 101 de l’enseignement de la langue parlée. Avec examen obligatoire pour ceux qui auront comme mission de l’enseigner. On ne peut plus confier à certaines personnes, mal formées, la mission de transmettre l’héritage linguistique qui ne leur a pas été transmis. Le mal est profond. Il est urgent d’intervenir. Les cataplasmes ne suffisent plus. Il faut le remède de cheval : il se nomme compétence, préparation et formation, exigence, passion. Cette langue si belle mérite mieux que ce qui la défigure présentement.
Cette proposition est trop simple : c’est pourquoi, elle ne sera jamais appliquée.
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