LE SOLEIL - ANALYSE

Un chantier national sur la langue

La langue française

La préoccupation de la maîtrise de la langue revient à l'agenda, mais, cette fois, de façon plus alarmante. Il s'agit, au-delà d'un signal fort préoccupant, d'une nécessité qui ne pourra être uniquement résolue par le système éducatif qui a déjà largement contribué au développement social du Québec. En effet, grâce, entre autres, à la démocratisation de l'enseignement supérieur, nous constatons, 45 ans plus tard, que davantage de gens lisent, fréquentent les cégeps, les universités et les bibliothèques. Les gens sont plus instruits, mieux informés, les formations et professions plus diversifiées et plus spécialisées. On peut donc affirmer qu'une grande quantité de personnes peuvent analyser, argumenter et comparer.
Réalisons-nous maintenant que nous avons exercé un laxisme trop récurrent? Réalisons-nous que la société québécoise, comme d'autres sociétés dites avancées, nécessite davantage la présence de citoyens habiles à communiquer? Je crois personnellement que cette préoccupation d'accroître la maîtrise de la langue est une combinaison de ces deux facteurs.
Je constatais tout récemment le nombre effroyable de fautes effectuées dans un travail en histoire par un nouvel élève de mon collège; il était pourtant fraîchement diplômé du système éducatif secondaire. La même journée, je prenais connaissance du nombre alarmant de fautes d'un diplômé du collégial, en voie d'obtenir son baccalauréat en enseignement. Il a nécessairement fallu que le système éducatif permette à ces élèves d'obtenir leurs diplômes malgré leurs difficultés à maîtriser leur langue.
Outil de communication pour emplois spécialisés
Par ailleurs, dans le domaine de l'emploi, le vide significatif qui sera créé par la relocalisation dans les pays en développement de plusieurs emplois du secteur manufacturier ne pourra être comblé que par des emplois spécialisés, qui obligeront plusieurs Québécois et Québécoises à améliorer leur principal outil de communication, la langue parlée et écrite. En effet, ce n'est pas l'usage de mots imprécis et de phrases approximatives qui nous permettront d'énoncer des concepts, des idées qui, eux-mêmes, pourraient nous assurer une place significative sur l'échiquier mondial de l'emploi spécialisé et des défis actuels.
Egalement, la reconnaissance d'une diversité culturelle doit être, de mon point de vue, soutenue par une langue parlée et écrite forte, qui assurera la pérennité de la langue française en Amérique et qui accentuera la fierté de la nation québécoise.
Relever le défi complexe de l'apprentissage de la langue par les élèves et les citoyens relève, pour une part certes importante, des réseaux de l'éducation. Mais ils ne sont pas les seuls à intervenir; il y a la culture, les communications, le marché du travail et, surtout, la famille. Nous sommes donc tous responsables du défi à relever.
Plan d'action insuffisant
Le ministère de l'Education, du Loisir et du Sport préparera sous peu un plan d'action qui mettra à contribution tous les ordres d'enseignement dans le but avoué d'améliorer les compétences des élèves en lecture, en écriture et, je l'espère, en communication orale.
Ce plan d'action ne sera cependant pas suffisant. Il faudra que les familles, les artistes, les communicateurs sociaux, les médias écrits et électroniques, les organisations, les entreprises... soient mis à contribution. Un chantier national sur la langue s'impose, chantier qui devrait viser à ce que tous et toutes participent à l'amélioration de la maîtrise de la langue.
Un tel chantier doit être porté par le gouvernement et peut-être même par l'Assemblée nationale; il devrait faire partie d'un plan stratégique, qui précisera des plans d'action rigoureux et des mécanismes de redditions de comptes.
Alors le système éducatif, en collaboration avec ses partenaires, pourra au premier chef poursuivre sa contribution au développement et à l'amélioration des compétences langagières de ses clientèles, jeunes et adultes.
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Robert Ducharme
Directeur des études

Cégep de Saint-Jérôme
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