Vous vous souvenez de cette promesse électorale controversée de Jean Charest, en mars dernier, de prendre les 700 millions du déséquilibre fiscal pour baisser les impôts des Québécois plutôt que de les mettre en santé?
Pourquoi, demandez-vous, reparler de ça, sept mois plus tard, au moment où le gouvernement fédéral étale ses milliards de surplus sur la table?
Bien justement, parce que pour la première fois depuis les élections québécoises, les deux événements se rejoignent avec fracas. À Ottawa, Stephen Harper et ses milliards qui prépare sa réélection. À Québec, Jean Charest et ses casse-têtes budgétaires qui peine à joindre les deux bouts.
Alléchants, ces beaux milliards qui s'accumulent à Ottawa pour une province confrontée à des choix budgétaires difficiles. Mais qui va réclamer une meilleure redistribution? Qui va demander plus d'argent pour la santé, pour les travailleurs saisonniers, pour ceux des secteurs manufacturiers lourds ou encore pour ceux dont les emplois sont menacés par la force du dollar canadien? Qui va convaincre Ottawa que les besoins en santé, pour les routes, les ponts, les universités et les écoles sont toujours aussi criants?
Certainement pas Jean Charest. Celui-ci a perdu tout pouvoir de négociation devant Stephen Harper le printemps dernier en détournant l'argent du déséquilibre fiscal vers des baisses d'impôts électoralistes. Harper a bien noté la manoeuvre et il laissait déjà entendre en privé l'été dernier qu'il n'a plus un rond pour le Québec.
M. Charest a hypothéqué son pouvoir de négociation et le Québec commence aujourd'hui à payer les intérêts. Au lendemain du dépôt du budget fédéral, en mars, Jean Charest affirmait que le dossier du déséquilibre fiscal avait fait un grand pas en avant, mais qu'il n'était pas entièrement réglé. Depuis, on ne l'a guère entendu parler de l'écart évident entre les moyens d'Ottawa et les besoins des provinces.
Disons, pour fin de discussion, que nous n'employions plus l'expression déséquilibre fiscal, un fait demeure néanmoins: Ottawa continue d'amasser beaucoup plus que ce dont il a besoin pour s'acquitter de ses responsabilités alors que Québec gratte toujours les fonds de tiroir pour assurer le minimum.
M. Harper peut donc jouer au père Noël et distribuer les milliards en cadeaux préélectoraux, pendant qu'ici Jean Charest met sur pied des comités pour trouver de nouvelles façons d'arracher quelques dollars de plus à ses administrés.
Pas besoin d'un doctorat en finances publiques pour comprendre que malgré le triomphalisme des conservateurs le printemps dernier quant à la «fin» du déséquilibre fiscal, le problème de fond demeure: l'argent s'empile à Ottawa, les dépenses se multiplient à Québec.
Ottawa peut, malgré les nuages économiques qui pointent au sud, abandonner cinq milliards de revenus en réduisant de 1% la TPS, pendant qu'à Québec on fantasme sur la récupération de ce petit point pour la TVQ, ce qui rapporterait 1,1 milliard. L'espace fiscal est là, certes, mais quel parti aura la volonté, dans le contexte politique actuel, de le récupérer? Stephen Harper a les moyens financiers de faire des cadeaux. Jean Charest, lui, n'a certainement pas les moyens politiques d'augmenter les taxes.
Pour Québec, l'occasion serait belle de récupérer ce petit 1% pour créer une caisse santé, par exemple, mais la sagesse du geste ne surpasserait jamais l'odieux d'augmenter la TVQ.
Dans les circonstances, c'est presque indécent de voir le ministre des Finances Jim Flaherty, le sourire fendu jusqu'aux oreilles, distribuer ses bonbons. Et encore, ce qu'il a annoncé hier ne constitue que la mise en bouche. Le plat principal viendra plus tard, dans le budget du printemps. Avec des surplus évalués entre 13 et 15 milliards, le gouvernement Harper aura toute la marge de manoeuvre pour donner aux contribuables de belles grosses baisses d'impôts avant le test crucial du vote aux Communes.
Les contribuables ne s'en plaindront certainement pas, mais le fait est que ça manque de vision tout ça. Le Canada est en situation de surplus budgétaire depuis près d'une décennie, mais il n'a toujours pas de plan. Les gouvernements continuent de gérer à la petite semaine, sous-évaluant systématiquement les surplus pour mieux distribuer les cadeaux selon les échéances électorales.
Et ne comptez pas ces temps-ci sur les libéraux de Stéphane Dion pour y mettre un peu de vision. Ils sont trop préoccupés par leur avenir immédiat pour penser à celui du pays.
M. Dion a pourfendu le discours du Trône il y a deux semaines, mais il l'a laissé passer. Il est maintenant contre la baisse de 1% de la TPS, mais il va avaler la couleuvre encore cette fois.
Entre les deux, pour faire bonne mesure, le chef libéral s'est engagé, lui aussi, à baisser les impôts des entreprises. C'est quoi le plan, déjà?
- source
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé