Les vieux démons

Visiblement, Pauline Marois et Gilles Duceppe veulent provoquer une réaction de rejet des fédéralistes

Visiblement, il se passe des choses au Québec qui échappent à V. Marissal


En prenant la direction du Parti québécois, en juin dernier, Pauline Marois avait promis une grande rénovation de la social-démocratie et une modernisation du discours du mouvement souverainiste.


Sages résolutions, mais la rénovation et la modernisation attendront vraisemblablement encore un peu puisque les impératifs électoraux viennent de replonger le PQ dans des vieux démons de l'identité, des symboles et de la langue.
Ainsi, le Parti québécois veut lier connaissance du français à citoyenneté québécoise. Pour Pauline Marois, fini le temps des mesures volontaires pour «nos frères et soeurs des communautés culturelles», comme on dit souvent au PQ. Ou bien vous apprenez le français, ou bien vous ne serez pas citoyen, ce qui signifie, notamment, que vous ne pourrez pas vous présenter aux élections. Des citoyens de l'ombre, en quelque sorte, à qui on retire un droit aussi fondamental que celui de participer pleinement à la vie démocratique.
Pour un parti qui se drape volontiers dans les grandes valeurs démocratiques et accuse si facilement ses adversaires de les bafouer, c'est pas fort! Il y a quelque chose de détestable dans cette idée de passer des contrôles de français pour attribuer ou non la citoyenneté. Quelque chose qui viole l'esprit et la lettre de nos principes démocratiques. Ça sent la chasse aux sorcières. On imagine déjà le bordel juridique et administratif des contrôles des nouveaux arrivants et le côté arbitraire de l'opération.
En voyant ces jours-ci dans les rues de Montréal les affiches des candidats aux élections scolaires du English Montreal School Board, je me suis posé la question: devrait-on leur faire passer des tests de français et les priver de leur droit de se présenter s'ils ne satisfont pas aux exigences de la grille de français minimal acceptable?
Ce projet, qui a heureusement bien peu de chances d'avoir un jour force de loi au Québec, est une autoroute vers les tribunaux. Le pire, c'est que Pauline Marois le sait très bien puisqu'elle était ministre du gouvernement Landry en 2001, quand l'idée d'une citoyenneté québécoise a été rejetée pour des raisons juridiques.
En 2001, Gérald Larose avait proposé, après avoir mené les états généraux sur le français au Québec, d'instaurer une citoyenneté québécoise. D'abord séduit par le concept, le gouvernement péquiste avait déchanté en lisant les avis juridiques défavorables.
Voici comment le ministre des Relations avec les citoyens, Joseph Facal, résumait alors la question:
«Il m'apparaît que les Québécois doivent s'inscrire dans une démarche collective de clarté et non s'égarer dans des chemins de traverse qui viendraient compliquer encore plus une situation que seul le courage de dire OUI pourra clarifier. Toute initiative visant à faire naître une citoyenneté québécoise légale qui coexisterait avec la citoyenneté canadienne serait inévitablement contaminée par le débat, toujours non résolu, sur l'avenir politique du Québec.»
En bref: on ne peut pas obtenir par la porte d'en arrière ce que le peuple nous refuse par la porte d'en avant.
Ces avis juridiques existent toujours et Mme Marois en connaît l'existence. Le Québec étant toujours, n'en déplaise aux souverainistes, dans la fédération canadienne, ils sont toujours valables.
Alors, pourquoi revenir à la charge? Réponse courte: pour contrer l'ADQ.
La stratégie péquiste est aussi limpide que grossière. Elle vise à récupérer des votes partis du côté de l'ADQ de Mario Dumont, qui a réussi depuis un an à s'approprier le monopole de la défense du «Nous».
Pour le PQ, qui a toujours été le champion des symboles identitaires, le coup de l'ADQ fait particulièrement mal. Le plus ironique de l'affaire, c'est que Mario Dumont lui-même est plutôt discret sur la question depuis quelque temps. Il fait bien attention de ne pas mettre de l'huile sur le feu des accommodements raisonnables et son projet de Constitution du Québec est pour le moment assez flou.
N'empêche, les Québécois ont retenu qu'il a été le premier à s'inquiéter de la dilution de la culture dominante par la multiplication des accommodements raisonnables. Les deux autres grands partis ont suivi, comme c'est souvent le cas.
D'abord le gouvernement Charest, qui a annoncé son intention d'amender la Charte des droits et libertés pour affirmer la prédominance de l'égalité entre les sexes sur les pratiques religieuses. Pauline Marois contre-attaque maintenant avec son projet de loi sur la citoyenneté québécoise.
Il va falloir s'y faire, la prochaine campagne électorale au Québec risque de se dérouler sur fond de «Mon nous est meilleur que le tien». Pour le meilleur, mais surtout pour le pire, parce que ce genre de sujet donne toujours lieu à des débordements.
Ce n'est pas un hasard si le Bloc québécois s'est aussi lancé dans la guerre du Nous, en parlant notamment de langue et d'immigration. (Au fait, à propos du rapatriement des pleins pouvoirs d'immigration au Québec, voici ce que l'ancien ministre Facal disait, toujours en 2001: «L'immigration étant une compétence partagée, la faisabilité de cette recommandation se heurte aux limites de l'actuel statut politique du Québec.»)
Visiblement, Pauline Marois et Gilles Duceppe veulent provoquer une réaction de rejet des fédéralistes. C'est bien connu, y'a rien comme une bonne chicane avec Ottawa pour entretenir la flamme souverainiste.
Mais la chicane ne vient pas. Au contraire. Pendant que Mme Marois et M. Duceppe s'agitent, le premier ministre Stephen Harper entre aux Communes avec son nouveau député de Roberval-Lac-Saint-Jean en le présentant comme un nationaliste québécois venu défendre la nation québécoise.
Il est en train de se passer des choses à Ottawa qui, apparemment, échappent aux souverainistes.
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