(Québec) Avec stupéfaction, le gouvernement Couillard est arrivé à cette conclusion: après plusieurs jours de recherche au ministère de la Justice, les fameux avis juridiques que disait détenir Bernard Drainville pour justifier la Charte de la laïcité n'existent pas.
En début de soirée hier, le ministère de la Justice a publié une lettre expliquant qu'aucun avis juridique ne lui avait été demandé sur le projet de loi 60, la Charte de la laïcité. Stéphanie Vallée, qui a fait rapport hier à ses collègues du Conseil des ministres, n'aurait trouvé à son ministère «aucun document attestant de la légalité ou de la constitutionnalité du projet de loi», piloté par Bernard Drainville. La recherche n'est pas terminée mais normalement, ces documents, s'ils avaient existé, auraient été facilement retrouvés, fait-on valoir. En soirée, la ministre Vallée a expliqué à La Presse que la recherche visait exclusivement «les avis juridiques du Ministère sur le projet de loi». Elle n'exclut pas que des opinions, des argumentaires ou des documents sur des aspects de la Charte aient pu être demandés et obtenus par son prédécesseur.
Drainville les mentionnait
Pendant des mois, le ministre parrain de la Charte, Bernard Drainville, a soutenu que le projet du gouvernement Marois s'appuyait sur des avis juridiques.
Dès la première conférence de presse à ce sujet, en septembre 2013, La Presse lui avait demandé si ce projet était soutenu par de tels avis pour expliquer quelles étaient les chances de succès en cour, si la Charte de la laïcité pouvait traverser le test des chartes canadienne et québécoise des droits. M. Drainville avait alors répliqué: «Nous avons la conviction que ce projet-là est constitutionnel. On a des avis qui vont dans ce sens. Mais comme vous le savez, ces avis constitutionnels sont toujours confidentiels, l'ont toujours été et vont le rester.»
L'ex-ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, avait toujours refusé de confirmer l'existence d'avis juridiques de son ministère sur le projet de loi 60. Mais en campagne électorale, clairement embarrassée, Mme Marois avait laissé entendre qu'elle en avait plusieurs et qu'ils étaient même contradictoires. «Nous avons eu des avis juridiques. Certains nous disent que cette charte pourrait tenir la route. Mais cependant, je tiens à ce point à cette charte que s'il faut aller vers une dérogation, nous le ferons», avait-elle dit, soutenant même que des avis «disent qu'il y a des risques». Peu après, le ministre St-Arnaud avait encore refusé de confirmer que son ministère disposait de tels avis.
«Le gouvernement se situait dans une zone confortable de la raisonnabilité», expliquait hier l'ex-ministre péquiste Alexandre Cloutier, un juriste qui, a-t-on appris en coulisses par la suite, était très opposé à la Charte.
«J'étais de ceux qui disaient après les élections qu'il fallait avoir un discours d'ouverture, cela avait fait l'objet d'une joute politique avec comme résultat qu'on n'a rien derrière nous, et nous devons construire un discours rassembleur. [...] Il y a un point de rupture, on a eu 25% du vote», a-t-il dit.
En campagne électorale, le chef libéral Philippe Couillard s'était engagé à rendre publics ces avis s'il était porté au pouvoir.
Joint chez lui hier soir, l'ancien sous-ministre de M. Drainville, Jacques Gosselin, qui a démissionné juste au moment des élections, a refusé de répondre à nos questions, soulignant que son secret professionnel l'empêchait de commenter.
L'ancien ministre Drainville a lui aussi refusé de commenter l'affaire, et indiqué à l'avance qu'il ne rappellerait pas à ce sujet. Son ex-attaché de presse, Manuel Dionne, s'est aussi refusé à tout commentaire, suggérant de s'adresser au responsable des communications de l'aile parlementaire du PQ, Julien Lampron. Joint en soirée, M. Lampron a suggéré, lui, de parler à Manuel Dionne.
- Avec la collaboration de Tommy Chouinard
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