Les travaux d’exploration pétrolière sur Anticosti financés par le gouvernement du Québec approchent à grand pas. Pétrolia a fait savoir mardi que les équipements nécessaires pour les forages qui seront réalisés cet été arriveront cette semaine sur l’île. Une nouvelle qui tombe alors qu'un nouveau rapport démontre les risques environnementaux liés au pétrole de schiste.
Hydrocarbures Anticosti « procédera dans un premier temps à l’aménagement des sites de sondages afin de réaliser dès juillet, et ce, jusqu’à la fin de l’année, entre 15 et 18 sondages stratigraphiques », précise le communiqué émis mardi matin.
« Les résultats de ces sondages permettront notamment de procéder à une reconnaissance et à une caractérisation géologique de la Formation de Macasty et de déterminer les meilleures localisations des trois forages de puits pétroliers prévus dans la deuxième phase. »
Les forages de cette année seront réalisés dans plusieurs secteurs de L’île. Il faut savoir que les permis d’exploration sur lesquels seront menés les travaux — détenus par Pétrolia et Corridor Resources — recouvrent plus de 6000 des 8000 kilomètres de la plus grande île du Québec.
« Cette première phase de travaux permettra de contribuer aux travaux de l’évaluation environnementale stratégique (ÉES) et de préparer la deuxième phase de travaux prévue à l’été 2015 », précise par ailleurs le cours communiqué.
Évaluer le « potentiel exportable »
Selon ce qu’a fait valoir récemment le gouvernement de Philippe Couillard, cette EES doit aborder les « composantes biophysiques, sociales et économiques qui caractérisent l’île d’Anticosti ». Mais elle doit surtout évaluer le « potentiel exportable de la ressource », les « conditions et exigences pour une mise en valeur sécuritaire » du pétrole de schiste et déterminer le « mode de gouvernance favorisant l’adhésion des communautés concernées ».
Le gouvernement libéral souhaite en outre « identifier les techniques de fracturation les plus adéquates et sécuritaires pour Anticosti, de leurs impacts potentiels et des mesures d’atténuation à mettre en place le cas échéant ». De telles opérations fracturation n’ont jamais été tentées sur l’île, ni au Québec.
« Ces travaux sont planifiés dans l’objectif de maximiser les retombées économiques pour la communauté de l’île d’Anticosti », conclut le communiqué publié. Le Devoir s’est rendu sur l’île et a constaté que les inquiétudes et les préoccupations concernant les travaux à venir étaient vives chez une bonne partie des Anticostiens. Ceux-ci n’ont jamais été consultés formellement dans le but savoir s’ils seraient favorables ou non au développement d’une industrie pétrolière intensive sur l’île.
115 millions de dollars de fonds publics
Le gouvernement entend investir jusqu’à 115 millions de dollars de fonds publics afin de vérifier s’il est possible d’exploiter du pétrole sur l’île d’Anticosti. C’est l’État qui assumera la plus grande part du risque financier de l’exploration à venir, qui comprend notamment des forages avec fracturation.
Québec a en fait conclu deux ententes. Une première prévoit, si tout se déroule comme prévu, des investissements totaux de 70 millions de dollars de Ressources Québec (filiale d’Investissement Québec), mais aussi une injection de 43 millions de dollars de la part de la société française Maurel Prom. Ainsi, le Québec détiendra 35 % de la coentreprise mise sur pied pour mener les travaux d’exploration. Pétrolia et Corridor Resources, qui contrôlent la majorité des permis sur Anticosti, devraient détenir chacun 21 % de la coentreprise d’exploration.
Pour le moment, aucun gisement exploitable n’a été identifié sur l’île d’Anticosti, malgré des décennies de recherche. Selon une évaluation très préliminaire, le sous-sol pourrait renfermer 40 milliards de barils de pétrole de schiste. Pour l’extraire, il faudra donc mener des opérations de fracturation.
12 000 puits à forer
Selon une étude menée par l’ingénieur-géologue Marc Durand, il faudrait forer au moins 12 000 puits sur l’île pour extraire 1 % à 2 % de tout le pétrole. Il faudra pour cela construire toutes les infrastructures nécessaires pour l’implantation de l’industrie pétrolière.
L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) a en outre rendu public mardi un rapport intitulé « Le pétrole de schiste, un pétrole vraiment pas comme les autres », un document qui met en lumière des risques climatiques importants liés à l’exploitation du pétrole de schiste.
Selon l’organisme, si le Québec décide d’exploiter les éventuelles ressources de pétrole de schiste de l’île d’Anticosti, il ratera complètement ses objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Qui plus est, il ne retirerait pas de réels bénéfices à long terme, en raison des coûts associés au réchauffement climatique.
« Nous sommes à la croisée des chemins, face à des choix déterminants pour notre génération et pour celles qui suivront, a fait valoir mardi matin Sophie-Anne Legendre, analyste à l’AQLPA. Notre territoire est pris en otage au nom d’hypothétiques réserves de pétrole de schiste dont l’extraction compromettra fortement nos efforts de lutte contre la pollution atmosphérique en plus de mettre en périls d’autres secteurs d’activités économiques. Rien ne justifie que nous allions de l’avant avec ces énergies d’un autre temps. »
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