Les chefs se préparent en vue du premier débat télévisé en anglais au Québec

5ea3de47ac4e418adf01568db460e2f1

Une initiative aussi inopportune que saugrenue !

S'il est particulièrement éprouvant pour les chefs de partis de débattre à la télévision en français, il le sera probablement davantage pour eux de le faire en anglais.


Le débat prévu lundi dans la langue de Shakespeare — le premier de la sorte de l'histoire du Québec — est loin d'être pris à la légère. Dans les caravanes, tous les chefs font appel à des conseillers pour leur souffler le mot juste, leur suggérer le bon ton, leur rappeler toute l'importance d'un enjeu par rapport à un autre.


Le dernier débat des chefs en anglais au Québec a eu lieu à la radio en 1985, mais les chefs de partis ne se sont jamais livrés à un tel exercice à la télévision.


-Advertisement-


Les élections de 2018 sont considérées à bien des égards comme étant historiques, car pour la première fois depuis 1970, la souveraineté du Québec n'est pas l'enjeu dominant. Les électeurs qui se réfugiaient traditionnellement chez le Parti libéral par crainte d'un référendum ont maintenant un plus grand choix.


«Chaque mot est important, a confié une source libérale, dimanche, au sujet des préparatifs du chef Philippe Couillard. C'est bien évident que pour lui, on accorde un soin assez important à ça, pour être sûr que chaque déclaration est bien pesée.»



Même si M. Couillard est «très bilingue», il n'est pas à l'abri d'une traduction littérale, une erreur, qui pourrait créer un contresens, souffle-t-on dans son entourage.


«On ne voudrait pas à avoir à se justifier à postiori, a-t-on poursuivi. On s'assure d'avoir avec nous des conseillers anglophones qui ont une compréhension fine de la grammaire anglophone.»


En point de presse dimanche, à Québec, M. Couillard s'est montré confiant. Il a précisé que ses arguments et les idées qu'il exposera en anglais ne seront pas différents de ceux qu'il a défendus en français.


Les thèmes retenus pour le débat de lundi sont d'ailleurs semblables à ceux abordés lors du débat à Radio-Canada jeudi dernier, soit l'éducation, la santé, l'économie, l'identité, l'environnement et les relations avec les Québécois d'expression anglaise.


M. Couillard a rappelé le fait que son gouvernement a institué, en novembre dernier, un secrétariat aux relations avec les anglophones.


Il compte également relever des contradictions dans le discours de son principal adversaire, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault.


Un premier ministre Legault n'aurait pas de problème à travailler avec une employée vêtue d'un hidjab dans son cabinet, mais «il n'en veut pas dans la fonction publique», a-t-il illustré.


S'il est connu que M. Legault a parfois de la difficulté à s'exprimer en anglais (des vidéos le ridiculisant ont notamment circulé sur les réseaux sociaux), les libéraux ne s'attendent pas à ce qu'il livre une piètre performance lundi, au contraire.


Ils anticipent que le chef caquiste fera passer ses messages, à l'aide de formules bien léchées, sans toutefois engager le débat avec ses adversaires.






Legault et Lisée prêts, Massé veut «marquer des points»


François Legault a confié aux journalistes dimanche se préparer en écoutant la télévision en anglais et en parlant avec ses proches. «Je pense que je vais tenir mon bout», a-t-il affirmé, en se gardant bien de révéler quelque stratégie que ce soit.


Autre adversaire, autre combat. Dans les cercles libéraux, on redoute l'efficacité du chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, un politicien particulièrement doué dans les deux langues.


Celui-ci se dit d'ailleurs très fier d'avoir été le premier à accepter de participer au débat en anglais.


Pour se préparer, il se met à jour sur les dossiers qui touchent de près la communauté anglophone, a-t-il dit. Sur une note plus humoristique, il a confié avoir regardé le film de super héros «Deadpool 2», rempli de remarques assassines (sick burns, a-t-il dit en anglais), dont ses adversaires feront peut-être les frais.


Lors de ce débat, il dit qu'il va s'adresser à tous les Québécois, et plus spécifiquement «à tous les progressistes non-francophones du Québec qui veulent avoir un bon gouvernement vert, propre, qui met la priorité aux services pour les enfants, les patients et les aînés».


Au-delà de la langue et de l'indépendance, des sujets très couverts par la presse anglophone, il fera valoir la constance du PQ — depuis le premier ministre René Lévesque — envers leurs droits et leurs institutions.


De son côté, la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, affirme perfectionner son anglais depuis plusieurs semaines. Elle écoute la radio pour se faire l'oreille.


Il était d'abord prévu que son collègue Gabriel Nadeau-Dubois prenne part au débat en anglais, mais les libéraux et péquistes ont refusé, jugeant que Manon Massé devait elle-même défendre ses idées, car elle a été choisie par le parti pour devenir première ministre en cas de victoire de Québec solidaire.


«C'est sûr que ça n'a pas la même force de frappe parce que ce n'est pas ma langue maternelle, a-t-elle concédé en entrevue dimanche. Ceci étant dit, je pense que mon franc-parler, ce n'est pas seulement une question de vocabulaire.


«On va marquer des points», a-t-elle prédit.


Le débat aura lieu le lundi 17 septembre, de 17h30 à 19h, à la Maison de Radio-Canada à Montréal. Il sera diffusé par CBC Quebec, CJAD 800, City, CTV News, Global News et The Montreal Gazette.