En début de semaine, le gouvernement Couillard avait fait couler l’essentiel du budget dans l’espoir d’atténuer l’effet désastreux des mauvaises manières du ministre de la Santé, de sorte qu’il ne restait plus rien d’intéressant à annoncer pour distraire l’attention quand la vraie mauvaise nouvelle est tombée. Gracieuseté de l’Unité permanente anticorruption (UPAC). Il y avait tout un troupeau d’éléphants dans la pièce du Centre des congrès de Québec où le nouveau trio économique était venu présenter les grandes lignes du budget aux médias. Bien entendu, aucun de ses membres n’a voulu commenter le spectaculaire coup de filet.
Si la police voulait faire la démonstration qu’elle n’est pas à la solde des libéraux, elle ne pouvait pas trouver mieux. En septembre 2013, le retour de Philippe Couillard à l’Assemblée nationale avait été assombri par l’annonce d’une perquisition à la permanence du PLQ, mais ce n’était rien en comparaison des arrestations de jeudi matin. Si jamais un doute subsistait quant à la reconduction de Robert Lafrenière à la tête de l’UPAC, le voilà dissipé. Il serait maintenant impossible de le remercier de ses services sans être accusé de vengeance.
Il est encore heureux que l’arrestation de deux péquistes ait forcé le PQ à tempérer quelque peu son indignation. Les gros poissons n’en sont pas moins des libéraux parmi les plus notoires. Tous les efforts que le premier ministre Couillard pourra faire pour s’en dissocier ne l’empêcheront pas d’être sérieusement éclaboussé. Amir Khadir n’a pas mis de temps à y voir l’illustration de la « corruption systémique » qui règne selon lui au PLQ. Plus grave que le scandale des commandites, a renchéri la CAQ.
Déclarer la culpabilité par association est une pratique courante en politique. Nathalie Normandeau était une éminente collègue de M. Couillard dans le gouvernement Charest. Des liens d’amitié le liaient également à Marc-Yvan Côté, même s’il a dû prendre ses distances avec l’une et l’autre quand il a repris du service. Voilà décidément un homme bien malchanceux dans ses fréquentations.
Dans une vie antérieure, le nouveau président du Conseil du trésor, Sam Hamad, était vice-président du « développement des affaires » chez Roche, comme l’ont également été M. Côté et une autre des personnes arrêtées, France Michaud. Inutile de dire qu’il a préféré s’en tenir à des considérations d’ordre strictement budgétaire.
En rétrospective, on ne peut que constater à quel point l’ancien vérificateur général, Renaud Lachance, a fait preuve d’aveuglement en enregistrant sa dissidence dans le rapport de la commission Charbonneau. De toute évidence, le lien même indirect qu’il avait refusé de voir entre le financement de la caisse libérale et l’octroi de contrats publics est apparu limpide aux yeux de l’UPAC. C’est la juge Charbonneau qui doit se bidonner.
Le moment choisi pour lâcher cette bombe, qui peut difficilement être fortuit, était d’autant plus dommageable que le troisième budget Leitão, presque relégué au rang de fait divers, n’est pas dépourvu de tout mérite. Certes, le réinvestissement annoncé, notamment en éducation, demeure modeste compte tenu des coupes des deux dernières années. Une hausse des dépenses de 3 % permettra tout juste de couvrir les « coûts de système », c’est-à-dire de maintenir les services à leur niveau actuel, même si tous les dommages causés par l’austérité ne seront pas réparés de sitôt. En santé, l’augmentation de 2,4 % qui est prévue, soit exactement la hausse réelle des dépenses durant l’année financière qui s’achève, sera consacrée pour l’essentiel à la hausse de la rémunération, notamment celle des médecins. Au moins, il y a un coup d’arrêt dans les compressions.
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