La fermeture de la salle des nouvelles de TQS relance le débat sur le contrôle des ondes et de la télévision au Québec. Le Parti Québécois et l’ADQ ont déposé une motion à l’Assemblée nationale pour réclamer le rapatriement au Québec des pouvoirs en matière de communication. Dans le contexte de l’extraordinaire concentration de la presse dans les mains des fédéralistes, cette question est cruciale pour l’avenir du Québec. Un rappel historique permet de comprendre les enjeux de la situation actuelle.
Une revendication traditionnelle du Québec
Le Québec a toujours réclamé pleine juridiction sur le contrôle des ondes de radio et de télévision. En fait, le gouvernement de Louis-Alexandre Taschereau fut le premier au Canada à légiférer dans ce secteur en adoptant dès 1929 une Loi sur la radio. Mais, en 1931, la Cour suprême du Canada, puis le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, ont invalidé cette loi en déclarant que la radiodiffusion était de compétence exclusivement fédérale.
Quand Maurice Duplessis crée Radio-Québec en 1945, Ottawa lui signifie clairement qu’il lui refusera tout permis d’exploitation. Ce n’est qu’en 1970 que Radio-Québec deviendra opérationnel, mais uniquement comme télévision éducative, après que le gouvernement du Québec eût obtenu en 1968, dans le cadre de pourparlers constitutionnels, le droit de légiférer en matière de télévision éducative. Aujourd’hui, Télé-Québec ne peut toujours pas produire son propre bulletin de nouvelles.
La Cour suprême penche toujours du même côté
Au cours des années 1970, dans le cadre de l’objectif de la « souveraineté culturelle » du gouvernement Bourassa, le ministre Jean-Paul L’Allier réclamera l’ensemble des pouvoirs en matière de communication. Il demandera que la câblo-distribution – nouvelle technologie non couverte par la décision de la Cour suprême de 1931 – relève de sa compétence. Encore une fois, la Cour suprême confirmera la compétence du fédéral.
Au début des années 1990, le Québec revendiquera pleine compétence en matière de télécommunications, jugeant celles-ci essentielles à son épanouissement culturel. Une nouvelle fois, en 1994, la Cour suprême rabrouera les prétentions québécoises et réaffirmera la compétence exclusive du fédéral.
C’est donc en vertu de jugements de la Cour suprême que le mandat de Radio-Québec est circonscrit au domaine éducatif et que le CRTC peut fermer des postes de radio ou de télévision au Québec, en attribuer la propriété à des intérêts étrangers et en modifier le mandat.
Un droit de désaveu déguisé
Les jugements de la Cour suprême ont remplacé, dans les faits, le droit de désaveu qui permettait, dans la constitution canadienne, au gouvernement fédéral d’invalider des lois provinciales, avec le désavantage politique évident d’instaurer une hiérarchie entre les niveaux de gouvernement au profit, bien entendu, du gouvernement fédéral. Avec la Cour suprême, l’illusion est parfaite d’une autorité supra-gouvernementale, indépendante voire au-dessus des pouvoirs politiques et économiques.
Malgré le fait que le rapatriement de la Constitution et l’adoption de la Charte des droits par le gouvernement Trudeau, lors du coup de force constitutionnel de 1981, aient été concoctés spécifiquement pour réduire les droits du Québec – particulièrement dans le domaine linguistique – plusieurs au Québec ont célébré la Charte comme une grande avancée démocratique. Même l’adoption de la Loi sur la clarté – qui nie le droit à l’autodétermination du Québec – n’a pas substantiellement modifié leur appréciation de l’appareil judiciaire canadien.
Le gouvernement par les juges
La critique du « gouvernement par les juges » est venue surtout du Canada anglais, principalement de la droite, mais également de quelques intellectuels de gauche comme Michael Mandel dont l’importante contribution (La Charte des droits et libertés et la judiciarisation du politique au Canada, Boréal, 1996) a été boudée par l’intelligentsia québécoise.
Dans la perspective du combat pour la souveraineté, nous ne pouvons nous permettre d’être à la merci des chaînes de télévision du gouvernement fédéral et des journaux fédéralistes.
La bataille pour le contrôle des médias doit s’amorcer dès maintenant et la décision de fermer la salle des nouvelles de TQS représente une occasion en or pour lancer le débat et commencer à mobiliser l’opinion publique pour exiger le rapatriement au Québec de l’exclusivité des pouvoirs en matière de radiodiffusion et télécommunications.
Dans le cadre de ce débat, il serait pertinent de relancer également le débat sur la mise sur pied d’une chaîne radiophonique nationale – Radio-Québec – et de revoir le mandat de Télé-Québec pour l’autoriser à diffuser des bulletins d’informations complets avec des volets internationaaux, nationaux et régionaux.
Le sort de TQS entre les mains du CRTC
Dans le contexte de l’extraordinaire concentration de la presse dans les mains des fédéralistes, cette question est cruciale pour l’avenir du Québec.
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