Les représentants de la communauté anglophone du Québec demeurent opposés à tout renforcement de la Charte québécoise de langue française, même s'ils saluent la publication d'une lettre ouverte des ministres Jean-François Lisée et Diane De Courcy dans le quotidien The Gazette.
«Personnellement, quand j'ai lu la lettre, j'étais contente. Ça démontre le niveau d'engagement de deux ministres sur les craintes des anglophones envers le projet de loi 14. Écrire ce qu'ils ont écrit, c'était courageux», confie la directrice générale du Quebec Community Groups Network (QCGN), Sylvia Martin Laforge.
«Je ne suis toutefois pas certaine qu'ils pourront aller plus loin. Ils disent vouloir aller chercher l'appui de la Coalition avenir Québec, mais ils ne répondent pas, je pense, à leurs demandes», dit-elle.
La lettre en question, intitulée «We have listened» (Nous avons écouté), a été publiée hier matin dans The Gazette. Les ministres Jean-François Lisée, responsable des relations avec la communauté anglophone, et Diane De Courcy, qui gère tout le dossier du projet de loi 14, visant à moderniser l'actuelle loi 101, disent être prêts à amender leur projet de loi. Plusieurs sujets sont abordés, notamment le statut des villes bilingues, les pouvoirs coercitifs qui sont donnés à l'Office québécois de la langue française, et l'application de la loi 101 pour les petites et moyennes entreprises.
«Il faut distinguer l'approche et le contenu», soutient le député libéral de la circonscription de Jacques-Cartier, située dans l'ouest de l'île de Montréal, Geoffrey Kelley.
«Je salue l'approche [du gouvernement envers] la communauté anglophone. C'est souhaitable. Mais au niveau des engagements fermes quant au projet de loi 14, il n'y a pas grand-chose dans cette lettre. Ils s'engagent à le modifier, mais sans dire quoi», dit-il.
Tout comme le QCGN, M. Kelley ne voit pas comment la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait appuyer le projet de loi 14.
«La formation politique de François Legault demande de changer près de 70% du projet de loi. Je ne vois pas comment le Parti québécois pourra y arriver», déplore le député libéral.
La CAQ n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse, hier.
Un compromis est-il possible?
Selon Jack Jedwab, directeur général de l'Association des études canadiennes de l'Université de Montréal, l'épineuse question linguistique au Québec ne pourra pas être réglée par des démarches politiques. Une initiative citoyenne est préférable.
«Le ministre peut sûrement contribuer à organiser cette rencontre entre leaders anglophones et francophones. Il faut se mettre à table pour dialoguer, trouver un certain terrain d'entente», croit M. Jedwab.
«Ce qui est paradoxal, avec le projet de loi 14, c'est qu'on voit maintenant les anglophones dire "ne touchez pas à la loi 101", ce qui était d'abord un slogan péquiste. Mais les Anglos ne sont pas pour la loi 101, ou pour des mesures coercitives. Ça veut juste dire qu'ils trouvent le projet de loi 14 encore pire», dit-il.
Cette analyse est partagée par Sylvia Martin Laforge, du Quebec Community Groups Network. Elle croit que les anglophones seront toujours contre des lois qui instaurent de nouvelles mesures coercitives. Peu importe le nombre de lettres ouvertes, dit-elle.
«Des gestes d'affirmation sont nécessaires et on ne doit pas attendre que la communauté anglophone le fasse à notre place», dénonce le président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Mario Beaulieu. Son organisme est partisan d'un renforcement de la loi 101 encore plus important que ce qui est proposé par le projet de loi 14.
«Avec la communauté anglophone, c'est très difficile. Il y a des points de vue variables, souvent extrémistes. Il y a beaucoup de dénigrement ou d'intimidation, surtout quand on entend des chroniqueurs anglophones dire que la loi 101 est xénophobe ou raciste», dit M. Beaulieu.
Un rapprochement est-il alors possible? La réponse, croit Jack Jedwab, ne se situe pas dans les positions du QCGN, ou de la Société Saint-Jean-Baptiste. Ni à l'Assemblée nationale.
«Sur le campus, je vois des jeunes francophones et anglophones qui vivent ensemble, sans problème. Ces personnes ont peut-être la solution, dans le dialogue. Il faut sortir ce débat de l'arène politique pour en arriver à un consensus. Si c'est possible», conclut-il.
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