Le R.O.C et sa schizophrénie

Tribune libre

Au cours des dernières années j'ai eu l'occasion de discuter de politique avec des dizaines de Canadiens-anglais du R.O.C. Des jeunes, des boomers, des ouvriers, des hommes d'affaires, etc.
J'ai pu constater que le mépris ouvert et virulent n'est le fait que d'une toute petite poignée de personnes. Il faut croire que chaque collectivité a son lot de "rednecks" intolérants et amateurs de la pensée binaire.
Mais à peu près tous ceux avec qui j'ai pu m'entretenir m'ont semblé être sous l'emprise d'une culture qui comporte des traits schizophréniques. En effet, d'un coté, quand vous soulevez avec eux la question de la nécessité pour le Québec de veiller au grain pour assurer l'épanouissement de notre culture, ils sont en général TRÈS sympathiques à ce discours. Ils seront même quelquefois prêt à concéder qu'il y a une certaine logique à envisager la souveraineté comme l'aboutissement normal de notre trajectoire historique, tout en affirmant croire que le Québec peut "s'épanouir" au sein du Canada.
J'ai pu faire l'expérience d'une sorte de dé-dramatisation de la question de la sécession du Québec dans la psyché des canadiens-anglais. Cette dé-dramatisation doit probablement être attribuable à l'effet du temps et à la présence du Bloc à Ottawa. J'imagine que la solidité des interventions de Gilles Duceppe depuis le nombre d'années qu'il passe en ondes y est pour beaucoup.
Mais, une fois la conversation finie, lorsque vous laissez discourir ces mêmes personnes apparemment si généreuses d'esprit, vous devez vous rendre a l'évidence qu'il y a une habitude mentale très fortement ancrée, celle qui consiste à tout simplement nous ignorer ou à "penser" le Canada en faisant abstraction du Québec et notre désir de continuer à construire une société qui nous ressemble.
C'est un peu comme si nous semblons ne devoir "exister" que lorsque nous dialoguons avec eux et que nous imposons les termes de la discussion.. Des qu'ils ont le dos tourné, ils semblent devoir retomber dans leurs vieux "patterns" de majorité au comportement colonisateur. Lorsqu'il m'est arrivé de pointer du doigt ce fait, mes partenaires de conversation étaient d'ailleurs souvent profondément agacés, voir même assez remués.
En d'autres termes, la mentalité dominante du canada-anglais continue à être celle d'un peuple majoritaire au passé de colonisateur qui cherche à définir son identité à l'aide de discours et de pratiques qui, de manière concrète, traduit une étonnante incapacité à intégrer la réalité de la présence du Québec.


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2 commentaires

  • François Taylor Répondre

    1 mars 2011

    Merci pour votre commentaire. En fait, je me demande si ce que je tente de décrire assez gauchement n'est pas tout simplement la cohabitation chez ceux avec qui j'ai pu discuter de plusieurs niveaux de perception et d'analyse de la réalité avec les pratiques qui s'y rattachent.
    Donc, dans une interaction personnelle, les valeurs positives de générosité et de solidarité de mes interlocuteurs ont pu être sollicitées. Apres tout, comme à peu pres tous les occidentaux, ce sont démocrates empreints de valeurs humanistes.
    Mais des que le minoritaire n'est plus là, des que l'on ne l'a plus dans le trognon, ce sont les réflexes de majoritaire (et colonisateur) qui prennent le dessus.
    Le Canada-anglais n'arrive tout simplement pas à intégrer le fait québécois, la différence québécoise parce que, depuis le début, si on se place au niveau des attitudes collectives ou des traits culturels, ce fait a été au mieux toléré. L'identité canadienne est ainsi construite.

  • Jean-Jacques Nantel Répondre

    28 février 2011

    L'ambivalence dont vous parlez ici est extrêmement répandue dans l'humanité. On la rencontre à chaque fois que les sentiments d'un individu entrent en contradiction avec ses intérêts.
    Tout le discours canadien anglais (et occidental) depuis la deuxième guerre mondiale est en réaction volontaire contre l'idéologie nazie et raciste que nous avons combattue et vaincue. La culture occidentale en entier en a pris l'exact contrepied. A force de ressasser les mêmes idées ¨généreuses¨ (l'amour de l'humanité, l'affirmation de l'égalité des cultures, l'amour des différences, etc) les Canadiens anglais ont fini par y croire sincèrement.
    Or, ces croyances (le respect du Québec, de sa différence et de ses intérêts) sont en contradiction flagrante avec leurs intérêts. Après nous avoir agressés à coup de canons en 1760, nous avoir appauvris artificiellement et exploités pendant un quart de millénaire, les Canadiens anglais savent bien qu'ils continuent, encore aujourd'hui, à nous dominer indûment à dix ou vingt contre un, à nous mentir et à nous tromper à chaque occasion, du moins quand cela sert leurs intérêts. Ils font donc face à ce que les psychologues appellent une dissonance cognitive: ils veulent profiter du produit du vol, mais ne veulent pas être accusés de vol.
    Il existe plusieurs stratégies pour résoudre ce genre de dilemme et rétablir la paix dans son âme. Une première est de tout simplement changer de sujet et de passer à autre chose. Une deuxième est d'affirmer qu'on n'est pas personnellement responsable du mal qui a été fait (mais dont on profite). Une troisième consiste à se rassurer sur sa propre innocence en accusant la victime de ses problèmes (ex: Notre église catholique serait responsable de notre appauvrissement bi-centenaire). Une quatrième est de dire que c'est à d'autres (aux politiciens) de régler le problème.
    Notons que ce sont les politiciens à qui la population canadienne anglaise a toujours confié le dossier constitutionnel qui nous ont fait les entourloupettes dont on se plaint. C'est la minorité dont vous parlez. Comme il s'agissait de rassurer des voleurs et des descendants de voleurs de leur bon droit, un homme comme Trudeau a toujours eu l'attention des Canadiens anglais quand il s'agissait de nous dénigrer. Les humains sont naturellement doués à ce jeu d'écoute sélective. C'est une affaire de gros sous et de respect de soi-même.