L’arrivée spectaculaire sur la scène fédérale du Parti populaire du Canada ayant pour chef Maxime Bernier a encouragé plusieurs à prédire la montée du populisme au Canada. Ce serait finalement l’arrivée ici d’une tendance mondiale. Le terme populisme est pourtant polysémique. Alors que pour certains il s’agirait d’une étiquette péjorative pour décrire les menaces à nos démocraties venues de l’extrême droite, d’autres y trouvent des vertus politiques ouvrant un champ des possibles en matière de participation citoyenne. Qu’en est-il ?
La littérature en science politique nous propose plusieurs définitions du populisme. On peut toutefois, en synthétisant un peu, les résumer à trois aspects essentiels. Le populisme est tout d’abord une idéologie qui met en scène un corps social imaginé qui serait mû par des passions et des valeurs communes. C’est pourquoi des expressions telles « la rue », « le peuple » et « le vrai monde » sont souvent mobilisées. Ce peuple imaginé est évidemment en opposition aux élites et aux institutions mises en place par celles-ci. Finalement, les populistes recherchent l’efficacité politique en passant soit par des leaderships personnalisés (une ou plusieurs figures emblématiques), soit par des mécanismes décisionnels simplifiés (les référendums d’initiative populaire par exemple), soit par une combinaison des deux.
Le populisme n’est ni de droite ni de gauche. Ses appuis électoraux viennent d’ailleurs de gens se trouvant un peu partout sur le spectre politique. Il y a la France insoumise, Podemos ou Die Linke d’un côté, et le Rassemblement national, Vox ou l’Alternative pour l’Allemagne de l’autre. Bien que ces partis européens soient pour certains récents, le populisme est présent depuis longtemps dans nos démocraties représentatives. Et le Canada en sait quelque chose.
Une longue histoire
En effet, le populisme est une constante dans l’histoire politique canadienne depuis cent ans. Il y a eu le Parti progressiste dans les années 1920, un parti de l’Ouest issu du mouvement agraire. Le mouvement finit par intégrer le Parti conservateur. Il y eut par la suite le CCF, encore une fois ancré dans le mouvement agraire, mais de gauche, qui se transforma en parti travailliste traditionnel pour devenir le Nouveau Parti démocratique. Il y eut aussi le Crédit social, qui connut une percée électorale peu de temps après avec un programme politique iconoclaste. Finalement, le Parti réformiste profita de la déconfiture des progressistes-conservateurs pour devenir un acteur important de notre vie politique pour un temps.
En ce sens, le Parti populaire n’est pas une anomalie de notre vie politique, mais plutôt une expression récente mais assez traditionnelle de l’insatisfaction d’une frange de l’électorat vis-à-vis de nos institutions et de nos élus.
Les causes de la présence régulière du populisme au Canada sont multiples. S’il faut en nommer deux, les principaux suspects seraient l’hétérogénéité du Canada et la domination constante des élites traditionnelles. La très grande variété de tissus économiques créée toujours de l’aliénation. Il y a les gagnants et les perdants dans chaque choix politique, de l’extraction des ressources jusqu’aux investissements en infrastructures. Cette insatisfaction est amplifiée par le sentiment que les mêmes réseaux construits autour de Montréal, Ottawa et Toronto contrôlent le jeu politique. Il y a la présence de dynasties politiques (les Mackenzie, Martin, MacKay, Layton, Trudeau, Mulcair, Mulroney, etc.), mais aussi une impression persistante que les périphéries sont laissées pour compte. Que cette frustration soit justifiée ou non n’est pas le propos. Ce qui compte, c’est de voir qu’elle permet le développement de réponses populistes.
Malgré tout, force est de reconnaître que les partis populistes semblent destinés à des destins tragiques. Deux raisons expliquent cela. Premièrement, l’apparition du NPD dès les années 1950 a permis la mise en place d’une option politique de gauche certes, mais qui ne rejette pas le jeu démocratique et ses institutions. Deuxièmement, notre mode de scrutin complique sérieusement la tâche aux populistes qui doivent croître rapidement pour assurer leur survie. Ce n’est pas le cas sur le continent européen.
Une fois ces constats faits, y a-t-il une place pour le Parti populaire ? Si le passé est garant de l’avenir, le parti de Maxime Bernier a un potentiel de croissance réel à court terme. Surtout s’il réussit à percer chez un électorat ouvrier ayant abandonné le NPD. Mais il est difficile d’imaginer que ce parti puisse se tailler une place incontournable comme en Allemagne, en Italie ou encore en Espagne. Notre mode de scrutin n’accepte pas les demi-mesures. Et remplacer les partis établis semble impossible dans le contexte canadien.