L’aiguille bouge depuis quelques semaines dans les intentions de vote. Le Parti libéral trébuche au profit du Parti conservateur et, dans une moindre mesure, du Nouveau Parti démocratique. Au Québec, le Bloc québécois semble être sorti de sa crise existentielle alors qu’un nouveau chef et une cohésion retrouvée au sein du groupe parlementaire permettent au parti d’espérer un certain succès à l’élection générale. Mais quelle est cette créature unique en politique canadienne qu’on nomme le Bloc québécois ? Comment le décrire et surtout comment l’évaluer dans un contexte aussi incertain ?
Parmi les différents qualificatifs qu’on peut accoler aux partis politiques, bien peu sont appropriés pour décrire le Bloc. Ce n’est pas un parti populiste, mais ce n’est pas non plus un parti de gouvernement. C’est un parti régionaliste peut-être, de contestation sûrement, mais pourtant respectueux des institutions parlementaires. C’est un parti progressiste sur les enjeux sociaux, mais sans réel ancrage idéologique sur la dimension économique. Il a donc bien peu de cousins dans la constellation des partis politiques en démocratie, sinon peut-être en Écosse.
Capteur de légitimité
Le Bloc avait été imaginé au départ comme un capteur de légitimité. Les forces nationalistes québécoises voulaient à tout prix éviter qu’une députation fédéraliste à la Chambre des communes offre de nouveau une voix discordante en cas d’un conflit constitutionnel. En ce sens, le parti était, au départ en tout cas, essentiellement une stratégie d’occupation du territoire électoral. Ce n’est que plus tard, avec le référendum perdu de 1995 et les difficultés du mouvement indépendantiste, que le parti a dû tenter de se redéfinir pour demeurer pertinent. Les aléas de l’actualité ont retardé la crise pendant longtemps, mais le Bloc était structurellement condamné à connaître une remise en question.
Il est en effet essentiel de comprendre que le Bloc n’est pas maître de son destin. Cela est d’ailleurs assez paradoxal pour un parti qui demande plus d’autonomie pour le Québec. Il est en effet une sorte de valeur refuge lorsque les autres partis s’affaiblissent et que les frustrations envers le projet canadien refont surface. Le Bloc ne peut pas remporter une élection, il peut au mieux profiter du vide laissé par les autres et se faufiler. Lors de certaines élections générales, l’espace est insuffisant pour manoeuvrer. Ce fut le cas en 2011 et 2015. Mais à d’autres moments, les astres s’alignent, et notre mode de scrutin majoritaire fait le reste.
Cela nous mène donc à l’élection générale de cet automne. L’électorat québécois est particulièrement volatil depuis dix ans, ce qui rend toute prédiction hasardeuse. Pourtant, il demeure que le ciel pourrait sérieusement s’éclaircir pour le Bloc québécois. En effet, le parti pourra chasser à la fois sur les terres des néodémocrates et sur celles des libéraux. Si on exclut environ vingt-cinq circonscriptions qui restent hostiles aux sirènes bloquistes, car trop anglophones ou trop conservatrices, le potentiel de croissance du Bloc est à son plus haut niveau depuis dix ans.
Il n’y a pourtant rien de mécanique pour Yves-François Blanchet et son équipe. Le Parti libéral conserve une longueur d’avance, le Parti conservateur demeure une force à considérer et les luttes à trois ou quatre rendent l’issue incertaine. Mais le potentiel est là pour permettre à cette créature politique unique de renaître encore une fois. Il ne faut jamais tenir un parti politique pour mort trop vite. Le Bloc en est une preuve flagrante.