Les idées en l'ère

Le PLQ vasectomisé ?

Depuis la fin des années 1980, Vincent Lemieux se demande quand viendra le prochain «réalignement» duquel émergera un nouveau parti de génération, qui remplacera le dernier, le PQ

PLQ - congrès d'octobre 2011



Fécond, on peut dire que le Parti libéral du Québec le fut dans notre histoire politique. Sur le plan des idées, des réformes, comme ne cesse de le célébrer sa propagande. La section «Notre histoire», dans PLQ.org, a la mémoire longue, mais combien sélective.
Une ligne du temps interactive commence par Henri-Gustave Joly de Lotbinière, le premier premier ministre libéral, en 1878. Puis vint Honoré Mercier, décrit par le site Web comme un simple chef libéral. L'épisode du Parti national, que Mercier créa dans la foulée de la pendaison de Louis Riel? On n'en dit rien. «Préoccupé par la relance du développement économique, le gouvernement libéral de Honoré Mercier finance des études préparatoires à la construction du pont de Québec et modernise le réseau routier, fer de lance de la colonisation.» Ligne du temps partisane: le parcours du PLQ semble avoir été revu par l'étroite lorgnette de «l'économie d'abord» et des précurseurs du Plan Nord. Parfois, vraiment, «le vernis de l'histoire a un parfum mortifère», selon la formule de Benoît Duteurtre.
Le PLQ ne reconnaît pas sa progéniture: pas de trace, dans la ligne du temps, des crises internes qui ont conduit à la création de nombreux nouveaux partis. Le Parti national est le premier d'une grande fratrie. Le deuxième rejeton est l'Action libérale nationale de 1934 de Paul Gouin. Fils du premier ministre libéral Lomer Gouin, il voulait «relibéraliser» le PLQ. L'ALN mutera en «Union nationale» au contact du Parti conservateur de Maurice Duplessis, on le sait.
Le Parti québécois sort lui aussi, dans les années 1960, de la cuisse du PLQ: René Lévesque, François Aquin, Yves Michaud, avaient tous trois été élus comme libéraux avant de rompre avec le PLQ de Jean Lesage et de jeter les bases du Mouvement souveraineté-association, embryon du PQ. Début des années 1990, Mario Dumont, président de la Commission jeunesse du PLQ, refusait, avec le militant vétéran Jean Allaire, de céder aux pressions de Robert Bourassa. Leur dissidence conduisit à la création de l'Action démocratique.
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Il y a donc, dans l'histoire du Québec, un parti quasi permanent, presque toujours au pouvoir, le PLQ, et des épisodes de domination de partis dits «générationnels». Depuis la fin des années 1980, Vincent Lemieux se demande quand viendra le prochain «réalignement» duquel émergera un nouveau parti de génération, qui remplacera le dernier, le PQ. Dans son dernier livre (Les partis générationnels au Québec, PUL, 2011), il se penche entre autres sur l'échec de l'ADQ «à définir de façon cohérente et crédible les solutions de rechange qu'il proposait», écrit-il.
Et aujourd'hui? Fait frappant, ce n'est plus de la cuisse du PLQ mais bien de celle du Parti québécois que semblent surgir les nouveaux embryons «générationnels». Québec solidaire a fusionné une gauche souverainiste (acquise au PQ avant la période bouchardienne du déficit zéro) et quelques groupuscules réellement socialistes. Amir Khadir a été un temps proche du PQ et fut même candidat pour le Bloc. La Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ), qui sortira le 14 novembre de son cocon, est l'initiative d'un ancien ministre du PQ, François Legault. Et Jean-Martin Aussant vient de créer l'Option nationale.
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Tout se passe comme si le PQ avait un désir d'enfant. Le Parti libéral, lui, semble avoir subi une vasectomie. Après quatre descendants (PN, UN, PQ, ADQ), aurait-il une envie d'infertilité? Au reste, comment vasectomiser un parti? En le réduisant à sa fonction de «machine à ramasser de l'argent», comme l'a déjà affirmé l'ancien président Robert Benoît? Et à son aspect «club social», comme l'a déjà fait remarquer l'ancien conseiller de Robert Bourassa, John Parisella, dans un rare moment d'autocritique, en 2007: «Il faut que ce soit un lieu de débats politiques. Ça enverra des signaux indiquant que le Parti libéral est bien vivant.» Tautologie révélatrice, non?
D'ex-libéraux font partie de la CAQ, vous me direz. Pas rouge vif, toutefois. Charles Sirois a travaillé pour Jean Charest en 1998, mais il ne lui a pratiquement pas parlé depuis, nous a-t-il certifié, préférant se tenir loin du gouvernement. Ceux qui portent l'étiquette libérale étaient des seconds violons, comme Étienne Boulrice, ou ont arboré la cocarde PLC, comme Brigitte Legault. Dans un courriel cette semaine, le cher prof Lemieux, toujours prudent, m'écrit: «Il me semble un peu tôt pour parler de la CAQ comme d'un nouveau parti générationnel. Il faudrait pour cela qu'il mobilise massivement les moins de 30 ans, ce qui ne semble pas être le cas jusqu'à maintenant.» Il a beau avoir réuni 40 jeunes cette semaine, il reste que, comme le dit superbement le cliché, «seul l'avenir nous dira» si ça fera des enfants forts.
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Pour finir, changeons de sujet — mais à peine — avec une suggestion de lecture, «La question des générations», texte du sociologue Gilles Gagné dans le dernier numéro de la revue Liberté (no 293). Extrait: «Le travail historique des X, en forme de contribution mineure à l'évolution récente, serait donc, dans cette hypothèse, terminé. Ils ont accueilli la justice marchande du système continental dans "l'honneur et l'enthousiasme" faute de mieux, mais c'est eux qui payent maintenant pour le congé fiscal accordé aux investisseurs.»


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