«Survivre, c'est vivre avec ce qui reste pour vivre.» (Guy Frégault»
20 septembre 2017
@ Bruno Deshaies. (et peut-être Jean Brilland aussi)
Faire la promotion de l’Indépendance, ce n’est facile pour aucun parti. Cette Cause, qui promet un grand changement, un grand chantier, cette Cause n’est pas une Cause facile. Et gagner des élections n’est pas facile non plus. Rien n’a jamais été bien facile pour les indépendantistes. Et il n’y a rien à l’horizon qui pourrait annoncer des jours faciles pour l’ensemble du mouvement indépendantiste.
Mais faire la promotion de l’autonomie provinciale n’est pas plus facile non plus. Faire la promotion de la « société distincte » ne pourrait en aucun cas constituer un passe-partout facile au cours d’une campagne électorale. Je crois bien que tout l’électorat- et Nous, toute la nation- sommes vaccinés contre cette maladie qui pourrait s’appeler la « constitutionnalite facile ».
Il semble bien que la recherche de la facilité politique soit vaine dans tous les cas. C’est donc pour cette raison qu’il est devenu tout à fait inutile (et même contre-productif) d’utiliser la langue de bois. Tous les partis politiques sont parfaitement capables d’utiliser cette langue facile à apprendre, qui ne contient pas de mots difficiles comme le mot liberté.
Mais vienne un grand malheur, ou même une grande menace, et tout un peuple, fédéralistes et séparatistes réunis, pourront se réconcilier avec cette idée très simple qu’ils sont tous en danger, et que c’est aussi toute une Patrie qui est en danger. Les patriotes sont, en effet, cette immense majorité de gens ordinaires qui ne s’intéressent absolument pas à la politique, non plus qu’à la « constitutionnalite facile », mais qui répondent toujours « présent » lorsque c’est requis.
Évidemment, les choses deviendraient sans doute un peu plus facile aux indépendantistes si, plutôt que de s’adresser à une multitude de consommateurs et de revendicateurs de changements et de progrès… s’ils s’adressaient plutôt à une multitude de patriotes, dont aucun parmi tous les patriotes parmi Nous n’a cette idée saugrenue de se coucher chaque soir dans des draps aux couleurs des patriotes de 1838. Évidemment, le fait d’être eux-mêmes patriotes, les indépendantistes, cela les aiderait comme un ti-peu peut-être beaucoup à toute forme de promotion de l’Indépendance…On jase.
Le multiculturalisme canadien ne l’affirme pas explicitement, mais il pose quand même qu’il n’y a qu’une seule nation partout au Canada. L’exemple suivant est tout à fait révélateur : si les « nations » amérindiennes bénéficient du qualificatif de « nation », de « premières nations » au Canada, n’est-ce pas simplement pour marquer que ces peuples sont maintenant tellement assujettis qu’ils ne posent plus aucun danger pour la grande nation des « canadiens et des canadiennes » ? Et par ailleurs, derrière cette détestable expression sur-utilisée « des canadiens et des canadiennes » ne se profile-t-il pas le rejet de toute référence à l’idée même de nation, y compris d’elle-même, la nation canadienne, ainsi que de toutes les « premières nations » ? Prudents, la nation des « les canadiens et des canadiennes » se garde bien, en effet, de reconnaître au peuple québécois le statut de nation, comme il est fait en pure hypocrisie aux peuples qui étaient là avant Eux et même avant Nous.
De telle façon, Nous ne sommes plus maintenant (pour Eux) qu’une autre minorité d’individus, qui avons évidemment des droits « historiques », cependant qu’Ottawa Nous dénie l’essentiel de toutes les forces dont il dispose : un droit à l’Histoire. (Pérennité)
Le multiculturalisme canadien pose ainsi que les « canadiens et les canadiennes » sont chacun d’eux leur seule patrie. Tout un « gouvernement des juges » veille par ailleurs à maintenir cette fiction que le Canada serait en passe de devenir cette société post-nationale souhaitée par les antipatriotes. Quelle utilité alors l’histoire ou l’Histoire, on se le demande. Mais comme disait un de mes vieux professeurs d’il y a très longtemps; voilà bien une définition du Canada qui en dit plus par ce qu’elle tait que par ce qu’elle dit…
Et voilà bien ce que pourrait faire un gouvernement indépendantiste véritablement déterminé : ne plus jamais utiliser cette maudite langue de bois ET ne plus jamais tout dire non plus… MAIS tout faire ! Autrement dit : reprendre ici même et à notre compte la méthode qui Nous est imposée et que Nous font subir les « canadiens et les canadiennes ». Car…
Car prendre les mêmes moyens, ce n’est pas nécessairement prendre la même fin. Nos gouvernements provinciaux, qui célèbrent tous en chœur la « belle province », n’en restent pas moins tous cantonnés dans le même splendide isolement à l’intérieur du Canada. Un gouvernement indépendantiste déterminé, mais déterminé… n’y est strictement pas tenu. Il n’y a jamais été tenu non plus…
Où pourrait donc résider alors le véritable « pouvoir » menant à l’Indépendance du Québec, si ce n’est pas quelque part à l’intérieur même de son immense, de sa si lourde et si mal aimée fonction publique ? Un Redressement National pourrait commencer là, puisqu’il faut bien commencer quelque part.
Il n’y aurait donc rien de plus aléatoire, de plus risqué et même de plus contre-productif pour un gouvernement indépendantiste québécois que d’entreprendre des politiques de « ruptures » (avant d’être solidement en selle…). Quelque soit le gouvernement provincial qui voudrait s’adonner à cette Game-là à l’égard d’Ottawa, celle des « ruptures », il serait rapidement rappelé à l’ordre et lâché par l’électorat qui l’avait porté au pouvoir. Cela s’est déjà vu… et se verrait encore.
C’est essentiellement dans le Discours, bien davantage que dans le Programme (des programmeux), c’est là que pourrait bien se situer le passage étroit du Discours à tenir EN MÊME TEMPS que la plus dure et la plus impitoyable Realpolitik à mener, afin de Nous sortir de notre maudit isolement politique¹ : soit quelque part entre le beau risque du lénifiant René Lévesque et la souveraine indifférence de l’impérial Maurice Duplessis, cette température politique située quelque part entre les deux, c’est là qu’un gouvernement indépendantiste déterminé, mais déterminé… pourrait se garder fidèle (et facilement) le seul électorat capable de lui fournir tout le carburant qui lui serait nécessaire sur le chemin de la Victoire… soit dit cet électorat négligé mais pourtant déterminant à la poursuite d’une Cause qui a une histoire bien plus longue que celle du P.Q. et qui prétend encore qu’il est possible de faire l’Histoire.
Salutations.
¹ Si un gouvernement indépendantiste n’est pas même capable de briser son isolement à l’intérieur du Canada, c’est rêver en couleur que de croire qu’il pourrait percer sur la scène internationale, elle devenue un grand village