Au conseil général de la fin de semaine dernière, il était assez piquant que la présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget soit la première à entretenir les militants libéraux du bilan et de la plate-forme électorale du PLQ.
Lors du premier conseil général qui avait suivi la victoire de 2003, c'est elle qui avait semé le doute sur les véritables intentions du gouvernement Charest, en laissant entendre que l'eau de Montréal n'était pas potable et qu'il vaudrait peut-être mieux en confier la gestion au secteur privé.
Cette bourde avait été la première d'une longue série qui avait incité des universitaires de McGill et Laval à effectuer des études scientifiques afin de déterminer s'il s'agissait bien du pire gouvernement de l'histoire du Québec.
La métamorphose a été aussi soudaine que spectaculaire. Samedi, à l'instar de son gouvernement, Mme Jérôme-Forget, détendue et convaincante, ne ressemblait plus du tout à la gaffeuse d'il y a quatre ans. À l'entendre, on arrivait presque à croire que le PLQ avait réellement tenu ses engagements, y compris en matière de «réingénierie».
L'appréciation qu'a faite le président de la FTQ, Henri Massé, laisse perplexe: veut-il nuire aux libéraux ou les aider, quand il dit se réjouir qu'ils n'aient pas rempli leur promesse d'alléger le poids de l'État et de diminuer la réglementation?
M. Massé ne s'inquiétera sans doute pas davantage de la nouvelle plate-forme libérale. À la notable exception des associations étudiantes, fossilisées dans leur opposition au dégel des droits de scolarité, personne ne devrait se sentir très menacé par son contenu.
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La plate-forme d'un gouvernement sortant s'inscrit nécessairement dans la continuité, mais il peut monter la barre plus ou moins haut pour le second mandat. Cette fois-ci, le PLQ n'a pas jugé utile de forcer la dose.
«J'aime bien faire campagne sur ce que je propose», a déclaré M. Charest samedi. Cela n'est pas évident à l'entendre dénoncer du «dumontisme» et relire avec délectation la page 15 du programme du PQ, où il est écrit qu'un gouvernement péquiste limiterait son action aux «gestes absolument indispensables pour donner suite à son engagement de réaliser la souveraineté».
Même s'il a gagné en respect, le premier ministre sait très bien que la perspective de sa réélection ne suscite aucun enthousiasme. Il mise plutôt sur l'inquiétude de la population à l'idée de voir l'un ou l'autre de ses adversaires lui succéder.
Au cours des prochaines semaines, les électeurs chercheront moins à déterminer lequel des trois ferait le meilleur premier ministre que celui qui ferait le moins mauvais. À défaut d'être emballante, la plate-forme libérale ne risque pas trop de faire dévier le débat.
Elle peut même offrir un point de comparaison intéressant. Le gouvernement Charest n'a peut-être pas réussi à désengorger les urgences, mais le PQ traîne encore le boulet des mises à la retraite massives de médecins et d'infirmières décrétées par le gouvernement Bouchard. Attaquer les libéraux sur ses engagements en matière de santé pourrait se révéler périlleux.
Le PQ a décidé d'épouser la cause des associations étudiantes. Déjà, André Boisclair a commencé à traiter M. Charest de menteur. Au «grand projet de démocratisation de l'éducation», dont le député péquiste Camil Bouchard parlait hier, le premier ministre aura beau jeu d'opposer les déclarations de l'ancien ministre de l'Éducation, Sylvain Simard, qui, en juin dernier, affirmait que le maintien du gel des droits de scolarité condamnerait les universités québécoises au sous-financement à perpétuité. M. Simard ajoutait qu'il serait «très dangereux» pour le PQ de défendre cette position en campagne électorale. Dire que le programme du PQ vise la gratuité complète...
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André Boisclair accuse aussi le premier ministre de ne pas être à la hauteur des revendications constitutionnelles de ses prédécesseurs. En réalité, le «Égalité ou indépendance» de Daniel Johnson ou la «souveraineté culturelle» de Robert Bourassa n'ont jamais dépassé le stade du slogan.
On verra bientôt quel correctif le gouvernement Harper apportera au déséquilibre fiscal, mais la reconnaissance de l'existence de la nation québécoise, même si elle demeure strictement symbolique, est déjà plus que MM. Johnson et Bourassa ont obtenu à eux deux. Curieusement, le chef du PQ n'a pas jugé utile de rappeler le prix politique que le Québec a dû payer pour les référendums perdus de 1980 et 1995.
D'un point de vue souverainiste, les objectifs constitutionnels du PLQ semblent évidemment peu de choses, mais l'engagement de négocier avec Ottawa une entente relative à la culture et aux communications rappelle étrangement la «souveraineté culturelle» sans le mot.
La plate-forme libérale devrait peut-être inquiéter davantage par ce qu'elle ne contient pas. Elle promet l'ajout de 20 000 places en garderie, mais la ministre de la Famille, Carole Théberge, ne s'est pas engagée à maintenir le tarif des CPE à 7 $.
En matière de santé, la garantie d'accès dans un délai de six mois s'appliquera à tous les services chirurgicaux, mais Philippe Couillard n'a pas formellement exclu que le recours à l'assurance privée puisse être étendu à d'autres types d'intervention que le genou, la hanche ou la cataracte.
Au cours des dernières années, plusieurs initiatives du gouvernement Charest ont tourné court parce que la population s'y opposait manifestement. Quand le premier ministre situe un deuxième mandat dans la continuité du premier, s'agit-il de la continuité de ce qu'il a fait ou de ce qu'il aurait voulu faire? Qui sait, Mme Jérôme-Forget découvrira peut-être que la qualité de l'eau potable à Montréal s'est encore détériorée!
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mdavid@ledevoir.com
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