On a trop fermé les yeux. Il est temps de s’ouvrir les yeux comme des soucoupes, lisez-vous depuis ces dernières années au cours desquelles il est chic de vous inviter à plus de lucidité. Un lucide est une personne qui ne se fait pas d’illusions.
Comme le vent de l’esprit souffle où il veut, c’est Jack Layton qui a donné une bonne leçon de lucidité la semaine dernière. Les sondages du Canada le révélaient vainqueur à la tête d’une hypothétique coalition entre le parti Libéral et son NPD. Il a alors commenté : « En cas de fusion, c’est toujours le gros poisson qui avale le petit ».
Très grande vérité que le Québec aurait intérêt à méditer.
Les indépendantistes n’ont jamais dit autrement. Et on peut même aller plus loin et dire que la domination est la forme continuée de la guerre. Souvent, les droits deviennent l’outil élégant qui permet d’exercer une technique de domination par le truchement des tribunaux. Comme on sait, les mécanismes de pouvoir au Canada ne sont pas jalousement contrôlés par l’Etat puisque plusieurs tombent sous la coupe des pouvoirs judiciaires. Il en va ainsi de la langue française gardée à vue de manière à ce qu’elle ne soit ni formellement interdite ni imposée.
En se refusant à recourir à la «clause nonobstant », le gouvernement se refuse à interroger la pratique du droit et comment elle s’inscrit dans la société normalisatrice canadienne. Jean Charest, en disant devant l’assemblée des élus que le véritable courage réside dans la volonté d’appuyer les droits, se range derrière l’interprétation des tribunaux canadiens.
On se complaît à ignorer qu’il peut y avoir une utilisation combative du droit et, dans l’appareil canadien, une façon de s’adosser à l’Etat pour normaliser le Québec. Il s’agit de recruter des délinquants, d’épingler des gens au statut de victimes aux droits bafoués, de leur fournir une canalisation juridique. Ajouter le relais de l’opinion canadienne et son codage serré entourant l’exercice des libertés individuelles. La soupe est prête pour la constitution d’un groupe de combattants de la liberté individuelle. Ils sont au diapason des autres combattants des droits individuels qui voient un indicateur fascisant dans toute personne qui réclame le visage français de Montréal.
On fait dans l’angélisme en disant que le plus haut tribunal du pays a bien le droit de lutter contre tous les illégalismes. En fait le droit canadien réaménage le champ des illégalismes et peut produire une forme d’illégalisme particulier au Québec, son gouvernement étant le seul à avoir essayé d’imposer le français.
Pour ceux qui veulent rassurer, alléguant que les écoles-passerelles rejoignent seulement mille personnes, ils oublient que le droit de choisir sa langue en tant que citoyen canadien ne connaît pas de limite d’extension. Il y a mille moyens de critiquer le Québec et son identité particulière qui contrarie la prépondérance conférée au pluralisme.
Le mécanisme qui a fait du Québec le pôle opposé du droit individuel est structurellement installé. Il demeure à la disposition de tous les contestataires du Québec. Des avocats ne demandent pas mieux que d’en explorer les zones et les modalités d’action, surtout que l’étiquette « combattant des droits individuels » est tellement romantique.
Le gros poisson s’est approprié les droits d’un slogan, les « droits individuels » étant un slogan parfait. Il a, sur son domaine, des tribunaux et un pays qu’il possède en propre; tout pour agir en son nom. Au cours du procès, ce plus récent procès comme ceux qui viendront si le Québec demeure une province annexée, les avocats du Québec évoquèrent la « particularité » du Québec.
Or, la « particularité » n’est pas un droit, ni un argument décisif, juste une requête informelle d’avocat qui vise à interroger ce que les juges de la cour suprême ont tendance à penser à partir de ce que les honorables juges savent de l’existence du Québec. Un ou deux juges francos peuvent aider à traduire le message. Ils sont d’autant plus fiables qu’on s’est assuré qu’ils étaient fédéralistes rouge Canada lors de la nomination à la cour suprême.
Notre répugnance à recourir la clause « nonobstant » démontre que comme Québécois nous en sommes venus à identifier la pratique du droit canadien à quelque humanisme libéral de nature universelle. On craint les châtiments qui sanctionnent les Etats voyous.
André Savard
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
7 juin 2010Quand vous dites « le gouvernement se refuse à interroger la pratique du droit et comment elle s’inscrit dans la société normalisatrice canadienne », j’ajoute que le PQ n’y est pas du tout disposé lui non plus. C’est désespérant. C’est pourtant le seul chemin praticable.
Le conditionnement est fort. La plupart des commentateurs autorisés, à la SRC et dans les journaux, disent qu’il ne faut pas oublier que l’usage de la clause dérogatoire a pour résultat que des droits sont restreints. Personne pour leur dire du tact au tact qu’il s’agit là de droits découlant d’une Constitution à laquelle nous n’adhérons pas. Personne pour dire que tant que nous sommes exclus du Canada, sa juridiction n’est pas légitime. Personne pour dire que le Droit québécois, même s’il n’est pas en force, s’apprécie et se vit ici, se construisant au gré de nos luttes. Personne pour dire que tant qu’on n’est pas partie prenante du contrat canadien, c’est au Canada à s’adapter à nous quand on est chez nous. Personne pour s’opposer au Droit canadian, personne pour déclarer la Cour Suprême non pertinente.
Vous avez raison. « Notre répugnance à recourir à la clause « nonobstant » démontre que comme Québécois nous en sommes venus à identifier la pratique du droit canadien à quelque humanisme libéral de nature universelle. On craint les châtiments qui sanctionnent les Etats voyous. ».
Si le PQ se rend compte de ce conditionnement, il n'a pas le droit d'en ignorer les conséquences et doit agir efficacement pour le contrer. Or le PQ l'alimente. Désespérant.