Le Canada officiel se réjouit de la nomination de Mary Simon au poste de gouverneure générale. La nomination d’une femme inuite à cette fonction, dans laquelle se projette l’identité canadienne, est vue comme un geste de réconciliation.
Mais il y a un hic : Mary Simon ne parle pas le français, l’une des deux langues officielles du pays.
On a entendu rapidement deux réponses devant ce problème.
La première réponse a consisté à traiter cela comme un détail désagréable, certes, mais sans trop de conséquences, tellement sa candidature, dans l’ensemble, serait impressionnante. En plus, Mme Simon, qui a 74 ans, promet de l’apprendre ardemment. Ses partisans font semblant de la croire. On appelle ça nous prendre pour des idiots. Mais passons.
Bilinguisme
La deuxième réponse est plus agressive. Sur les réseaux sociaux, on a vu plusieurs expliquer que le bilinguisme officiel est un dispositif colonial discriminant les langues autochtones. En contestant le statut français, on décoloniserait l’État. La jeunesse woke se fait une fierté de renier son peuple et culpabilise ceux qui n’acceptent pas le sacrifice du français. La question autochtone est encore une fois instrumentalisée pour casser les Québécois et leur langue.
Dans le combat contre le français, la gauche woke réussit là où la droite réformiste avait échoué.
Le Canada traite de plus en plus le français comme un obstacle à la promotion du multiculturalisme et de ce qu’il appelle la « diversité ». Le bilinguisme officiel, une concession faite au Québec dans le cadre de la Révolution tranquille, ne conserve qu’une force d’inertie. Le français est désormais résiduel. D’une décennie à l’autre, il perdra du terrain.
N’en soyons pas surpris. Déjà, en 2015, le premier cabinet Trudeau avait été présenté comme le plus ouvert à la diversité de l’histoire du pays. Sauf que très peu de ses ministres maîtrisaient le français.
Le fait politique central est le suivant : Justin Trudeau, encore une fois, a décidé consciemment de traiter la langue française comme une langue optionnelle au Canada, qu’on peut brandir comme un bibelot mais qui n’a rien d’essentiel.
Aurait-on pu imaginer un seul instant que Justin Trudeau nomme une gouverneure générale ne parlant que le français et une langue autochtone, et qui, dans son discours de présentation, se serait contentée d’une phrase en anglais ?
Fédéralisme
Et ne nous trompons pas, la disqualification politique et symbolique du français s’accélérera. Elle correspond à l’idéologie canadienne et à la tendance démographique lourde dans ce pays.
Je pose la question sincèrement : que pensent nos fédéralistes de cette situation ? Ont-ils déjà accepté que le peuple québécois sera de plus en plus traité comme une minorité encombrante au Canada ? Consentent-ils à l’effritement progressif du français ? Jusqu’où iront-ils pour rationaliser leur adhésion à un pays qui les humilie ?
Appelons ça le paradoxe politique québécois : jamais les raisons de quitter le Canada n’ont été aussi nombreuses et évidentes, et jamais le mouvement indépendantiste n’a été aussi faible.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé