La direction de la Société historique du Canada (SCH), qui dit représenter 650 historiens professionnels au Canada, vient de cautionner une affirmation délirante voulant que « la longue histoire de violence et de dépossession des peuples autochtones » justifie pleinement l’emploi du mot « génocide » pour caractériser le traitement qui leur a été fait (Steven High, «Le mot “génocide” est justifié», Le Devoir, 2 juillet 2021).
Elle prend soin de bien préciser le sens du mot génocide provenant de la définition des Nations unies de 1946, dans le sillage de l’Holocauste. Le génocide commis par le Canada correspondrait à cette définition : « le meurtre de membres du groupe ; des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe […] ».
L’intention génocidaire aurait été amplement établie par la recherche historique. La récente découverte de tombes non marquées sur le site d’anciens pensionnats s’inscrirait dans l’histoire plus vaste « d’effacement physique des peuples autochtones du Canada ». En fin de compte, les politiques canadiennes à l’égard des autochtones seraient l’équivalent de la volonté des nazis d’éliminer le peuple juif.
Responsabilité
Le point de vue de la SHC va beaucoup plus loin que le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2015 et les recherches historiques substantielles sur lesquelles il s’appuie. Le Rapport caractérise de « génocide culturel » les politiques du Canada à l’égard des autochtones, mais écarte clairement le génocide physique et biologique.
Les mesures, peut-on lire, visaient « à éliminer les peuples autochtones comme peuples distincts et à les assimiler contre leur gré à la société canadienne ». L’éducation offerte dans les pensionnats avait pour objectif d’effacer la culture originale des Autochtones et d’intégrer ces communautés rapidement à la culture occidentale en obligeant les jeunes à fréquenter les pensionnats.
Ces pensionnats dirigés par des communautés religieuses ne sont pas des camps de concentration destinés à commettre des meurtres et à assurer la destruction physique des Autochtones. L’objectif assigné par le gouvernement aux communautés est de faire rapidement de ces jeunes Autochtones des citoyens ayant les mêmes valeurs et identité que les autres jeunes Canadiens.
Comme on peut le lire dans le Rapport, « les écoles sont considérées comme des moteurs de changements culturels et spirituels » : les « sauvages » deviendront des « hommes blancs chrétiens ». Pour ce faire, le gouvernement a décidé d’une méthode radicale, inhumaine : arracher à leur famille contre leur gré les jeunes en âge de scolarisation.
La responsabilité de cette tragédie incombe entièrement aux gouvernements canadiens qui se sont succédé et qui ont financé les pensionnats, et non aux communautés religieuses qui répondaient aux objectifs de scolarisation fixés par le ministère des Affaires indiennes.
Martyrs
Le premier ministre Justin Trudeau tente depuis quelque temps de faire dévier la culpabilité du gouvernement vers les communautés religieuses où il y aurait eu parfois des « actes criminels ». Le gouvernement fédéral a fait appel aux communautés religieuses pour diriger les pensionnats comme les commissions scolaires catholiques et le gouvernement au Québec ont requis leurs services pour prendre en charge l’éducation, la santé et les services sociaux.
Jusqu’à la Révolution tranquille, elles jettent les fondements d’écoles et de collèges, d’hôpitaux, d’asiles pour vieillards, infirmes, orphelins, pauvres, etc. On voit mal pourquoi les religieuses et religieux affectés auprès des Autochtones se seraient employés à les « martyriser » comme une chroniqueuse d’un journal vient de l’écrire à la suite de l’opinion de la Société historique.
Près de 150 000 jeunes métis, Inuits et autres peuples des Premières Nations ont fréquenté les pensionnats de 1867 à 2000. De ce nombre, la Commission a relevé qu’environ 3200 décès y sont survenus de 1921 à 1965. La recherche historique qu’elle a fait effectuer montre que, de la Deuxième Guerre mondiale à 1965, le taux de mortalité dans les pensionnats était comparable à la moyenne canadienne pour les jeunes de 5 à 14 ans, résultat fort probable de l’inoculation des vaccins qui s’est effectuée dans les pensionnats comme dans les autres écoles canadiennes.
Pour la période antérieure, de 1921 à 1950, le taux de mortalité dans les pensionnats était de plus du double de la moyenne canadienne, toujours pour les jeunes de 5 à 14 ans. Ce taux représente en moyenne environ quatre élèves par année pour 1000 jeunes fréquentant les pensionnats. Leur décès était surtout attribuable à la tuberculose selon la recherche de la Commission. On est loin d’un génocide physique des jeunes Autochtones.
Moyens de communication
Selon son rapport, 46 % des décès des jeunes ayant fréquenté les pensionnats de 1867 à 2000 sont survenus au pensionnat même, 26 % dans un hôpital/sanatorium et 23 % à la résidence même des parents. En général, le gouvernement ne voulait pas payer pour rapatrier les jeunes décédés dans leur famille. Sans vouloir l’excuser, il faut bien préciser que les moyens de communication jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale étaient rudimentaires. L’usage du téléphone ne se répand qu’à la fin des années 1930, et les routes sont impraticables en hiver.
Rappelons que plusieurs orphelinats se trouvent en régions fort éloignées. Comme on ne conserve pas des corps longtemps, les enfants qui mouraient à l’école étaient pour la moitié inhumés dans le cimetière attenant ou dans celui de la paroisse, et leurs tombes étaient souvent à peine indiquées, nous dit la Commission.
Elle en a repéré plusieurs qui ont été abandonnées après la fermeture des écoles. Selon les historiens Jim Miller et Brian Gettler, qui ont fait porter leurs recherches sur les Premières Nations, des croix de bois étaient placées là où les enfants étaient enterrés dans des cimetières selon les rites catholiques. Elles se sont évidemment rapidement désagrégées.
Dans l’édition du 2 juillet, la chronique de Christian Rioux du Devoir (Histoire et Mémoire) tombe à point, faisant état du « délire victimaire qui s’est emparé de nos sociétés ». Il relève le choc qui se produit entre l’histoire, qui se veut scientifique, et la mémoire véhiculée par des groupes de militants en mal de sensationnalisme.
Faisant référence à l’histoire des pensionnats, il écrit que « le regard complexe de l’Histoire » « n’a pas pour but de conforter ni les vainqueurs ni les vaincus ». Eh bien, la direction de la principale association d’historiens au Canada vient de succomber à la psychose médiatique teintée de la perspective woke en décrétant que le Canada est responsable, contre toute évidence, du « génocide physique » des nations autochtones.
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