Le défaitisme perdra plus sûrement la lutte pour l’émancipation du peuple Québécois que les résultats référendaires du vingtième siècle.
Plusieurs cherchent à trouver le compromis qui permettrait de clore le dossier de l’avenir du Québec dans une entente qui serait dans leur perspective honorable pour la nation québécoise et qui en assurerait la pérennité . Ils sont en général pessimistes sur la réalisation de l’indépendance devant les obstacles importants qui demeurent présents.
Ces gens oublient que le Canada ne veut pas de ce genre de compromis que propose encore M. Yvonnick Roy ou vous même qui retrouverait l’esprit original du pacte confédératif de 1867 , esprit que le Canada n’a jamais reconnu valide mais toujours décrit comme étant l’ interprétation des nationalistes québécois de la loi constitutive de 1867. Depuis le temps que ce débat sur l’avenir du Québec dure, si une telle voie avait été possible, elle serait sûrement en place. Vous oubliez que ce débat dure depuis 1931 , l’année où la Canada a proclamé son indépendance.
Tout indique que les choses n’ont pas vraiment évolué du côté canadien. La récente reconnaissance de la nation québécoise nous le prouve une fois de plus.. Le Canada veut bien admettre l’évidence que le Québec est culturellement différent mais cette loi du parlement insiste pour affirmer que cette reconnaissance ne changera pas l’orientation des institutions canadiennes. Au plan politique, le Québec demeure une province comme les autres. .Pire cette reconnaissance nous nie toute capacité d’intégration des milliers d’immigrants qui se sont installés sur le sol national depuis la conquête. Elle réduit la nation québécoise aux descendants des colons français qui furent conquis en 1760. Elle fait ainsi fi de la réalité politique de la nation québécoise qui est déjà multi-etnique. Les Waren, Mcdonnald, Fraser, Sigman, Michaelle Jean, Braitwait, Yacouvakis et autres milliers de patronymes d’origine non française qui sont parfaitement intégrés à la culture québécoise ne parlent pas suffisamment à l’élite politique canadienne affairée à la réalisation du “national bulding” canadien qui tarde au moins tout autant à se concrétiser que la réalisation de l’indépendance du Québec.
Vous et vos semblables qui partagez le désir d’en arriver à un compromis ont au moins un point en commun. Vous refusez de reconnaître que les indépendantistes ou les souverainistes ou les séparatistes, ce qui nomme politiquement le même projet, avons toujours été minoritaires au Québec. Et ce n’est pas exclusivement en raison des minorités linguistiques. La majorité absolue des opposants à l’indépendance sont des francophones Lorsque René Lévesque a pris le pouvoir et qu’il a tenu le référendum de 1980, le Québec comptait même pas 20 % d’indépendantistes.
Lorsque Jacques Parizeau a pris le pouvoir et a par la suite réalisé le référendum de 1995, le Québec comptait à peine un peu plus que le tiers de sa population qui était indépendantiste. Notez que les résultats des référendums sont plus reluisants mais ces résultats sont attribuables à l’habileté de ces hommes qui y sont parvenu malgré la réalité politique de l’époque.
Notez bien la progression de l’idée de l’indépendance qui ne cesse de se développer en dépit des maladresses du Parti Québécois qui se trouve en général moins populaire que l’idée de l’indépendance. M. René Lévesque n’en croirait pas ses yeux de faire un pareil constat.
Notez aussi la qualité du débat qui a réglé nombre d’arguments choc des opposants à l’indépendance. Fini les menaces de catastrophes économiques qui ont hanté les débats de M. Lévesque. M. Charest a admis que l’indépendance est économiquement et financièrement réalisable. Fini les précédents arguments qui doutaient de la capacité du peuple québécois de vivre une véritable démocratie. Vous vous souvenez de ces gens, francophones, qui remerciaient le ciel de vivre sous les institutions britanniques en raison de nos prétendues tendances fascistes, de notre absence d’éducation qui nous rendaient incapables de gérer un pays indépendant. Ces arguties ont eu la vie longue quand on se souvient que M. Parizeau a dû poursuivre en justice pour atteinte à sa réputation, aux allusions plus ou moins grossières au régime nazi auquel le parti québécois “aspirait” selon la Gazette.
Le Canada stagne au plan politique, voire même régresse en partie à cause de la présence du Bloc Québécois qui empêche le système politique canadien de bien fonctionner parce que ce système repose sur le bipartisme et sur l’alternance des grands partis canadiens au pouvoir. Le Canada en est réduit à discuter des mérites de Mme la Gouverneure Générale alors que les conservateurs tentent de briser des consensus politiques vieux de plus de cent ans sans que cela déclenche des élections pour renverser un gouvernement encore minoritaire.
Pendant ce temps la progression de l’indépendance dans l’opinion se poursuit. Plus de 40 % des Québécois adhèrent maintenant à la création d’un pays distinct sans lien politique avec le Canada. Fini les partenariats, les associations qui affaiblissaient politiquement le projet d’indépendance bien que paradoxalement ces appendices permettaient d’augmenter artificiellement les scores du oui. On constatait la faiblesse de ces mandats lorsque le Parti Québécois au pouvoir était littéralement paralysé pour faire la promotion de l’indépendance. Il est d’ailleurs remarquable que l’idée de l’indépendance a surtout progressé alors que le PQ se trouvait dans l’opposition.
Faut il ou pas rechercher le pouvoir provincial dans ces conditions ? Je crois que oui car les élections provinciales demeurent un test politique important à passer pour mesurer le progrès réel de l’option même si le pouvoir comme tel n’ajoute aucun avantage depuis que le PQ a permis à la population de constater que des indépendantistes pouvaient gérer correctement les affaires publiques. Au temps de René Lévesque, plusieurs en doutaient car le PQ était le rendez vous des artistes, des fonctionnaires, et des professeurs d’école. Il y avait peu de gens d’affaires. Aujourd’hui le PLQ recrute ses stars économiques parmi d’anciens souverainistes. M. René Lévesque n’en croirait pas ses oreilles !
Le Parti Québécois a eu ses maladresses. La politique de M. Bouchard qui disait attendre les conditions gagnantes fut toute une erreur politique. Les adversaires avaient le beau rôle de rappeler au Premier Ministre que s’il ne déclenchait pas un nouveau référendum, c’est qu’il admettait sa défaite à tous les jours que le bon Dieu créait. De là à donner l’impression d’un cul de sac, les fédéralistes ont eu la partie facile. Alors que rien ne permettait de croire que l’idée de l’indépendance stagnait à cette époque. La Presse a joué son rôle pour imprimer cette impression dans l’esprit des Québécois. Vous vous souvenez des éditoriaux qui renvoyaient les deux options dos à dos alors que dans les faits seul le renouvellement de la constitution canadienne était gelé par une formule d’amendement d’application impossible.
Créer un pays, ce n’est pas un geste banal même si le vingtième siècle fut fécond sous ce rapport. La situation du Québec demeure unique. Cette aspiration n’a qu’un lointain rapport avec les abus du colonialisme. Le Québec est une nation développée qui jouit d’une tradition démocratique bien établie. Plusieurs pays dans le monde n’existeraient sans doute pas si leur utilité sociale devait être établie pour le plus grand nombre de leurs citoyens. La plupart des pays ont été fabriqués par des guerres, des complots ou des révolutions violentes qui ne demandaient pas la permission aux peuples concernés . Qu’avez vous donc à perdre patience parce que le débat démocratique dure depuis 75 ans ?
Cette impatience est compréhensible de la part d’un politicien qui juge qu’après lui, c’est le déluge. Il lit son sort à celui de son peuple. Sa défaite personnelle est toujours celle de son peuple qui manque de courage, de logique puisqu’il a été rejeté. Mais le peuple est souverain en toutes circonstances. Les arguments des opposants doivent encore marquer des points que les souverainistes doivent contrer avec plus de conviction.
J’en nommerai un. Le sentiment que le projet d’indépendance est un abandon des francophones qui vivront dans le nouveau Canada. Ce sentiment est très fort parmi les Québécois et Jean Chrétien s’en est servi sans que les souverainistes le contrent. On affirmait plutôt que le sort de la francophonie canadienne était scellé, ce que les résidents des autres provinces récusaient avec raison. Mais avec la reconnaissance de la nation québécoise, qu’attend donc le mouvement souverainiste pour reconnaître la diaspora québécoise? Fini les appellations de franco-ontariens, franco-manitobains, franco américains, francophones hors Québec. Tous ces gens sont des Québécois qui vivent dispersés sur le continent nord américain. Le Québec devrait prendre exemple de la Grèce qui soutient sa diaspora. avec pour résultat que les Grecs québécois parlent encore leur langue, sont fiers de leur origine et de leurs coutumes, de leurs produits, en somme de leur culture. Ce pays est relativement pauvre mais il fait infiniment plus pour sa diaspora que nous avons jusqu’ici réalisé. Ces québécois devraient se voir reconnaître des droits par le Québec, une assistance généreuse pour maintenir des liens avec leurs compatriotes du Québec. Songez au contraste que M. .Pratte crée bien involontairement en critiquant la tournée canadienne de Gilles Duceppe. Ce dernier a raison d’affirmer aux Canadiens que la diaspora québécoise n’a pas à être prise en otage pour maintenir le Québec dans le Canada, qu’indépendamment de la décision du Québec, ces gens possèdent des droits que le Canada devra respecter.
Il y a bien d’autres sujets à réfléchir mais la condition incontournable est d’admettre que les indépendantistes sont toujours minoritaires et que nous avons le devoir de promouvoir notre idée avec toute la force de persuasion possible pour atteindre ce noble but.
Critiquer nos dirigeants est affaire de discernement dont nous avons souvent manqué. Cela vaut autant pour les nationalistes de centre droit que pour les progressistes qui sont tous deux prompts à condamner le parti québécois, le véhicule politique qui regroupe la grande majorité des indépendantistes. Cette seule qualité devrait toujours tempérer les désaccords sur la stratégie ou sur les éléments de programme qui ne font pas l’unanimité sans pour autant militer aveuglément.
Tous les chefs ont dû subir des atteintes personnelles à leur intégrité par des procès d’intention. Des accusations ridicules qui ont miné le dynamisme du mouvement qui lutte pour la victoire finale.
La tendance vers l’indépendance existe bel et bien. À nous, ses promoteurs, de faire preuve de résilience devant les bons coups des adversaires. S’adapter sans perdre de vue l’objectif, voilà le programme qui mènera enfin à la victoire.
Gilles Laterrière
Le défaitisme perdra la lutte pour l'émancipation du peuple québécois
À m. Gilles Bousquet et consort
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4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
4 mai 2010Bonjour,
Votre texte va dans le sens général de ce que je pense.
Un tout petit bémol, cependant. Vous dites que les intentions de vote en faveur du PQ sont inférieurs au taux de Québécois en faveur de la souveraineté. C'est vrai. Mais si vous additionnez PQ et QS, on arrive à quelque chose qui tourne autour du 47-48%. Une bonne nouvelle, mais celle-ci ne deviendra vraiment "bonne" que lorsque ces deux partis accepterons de se parler pour élaborer une stratégie qui se tienne.
À nous, de la société civile, de les "aider" à pousser en ce sens. Des solutions originales et novatrices, il y en a.
Convergence vers l'unité, point à la ligne.
Toujours non-défaitiste, et toujours le resterai. Comme vous.
Jean-François-le-Québécois Répondre
4 mai 2010@ François Tremblay:
Un tramway, vous dites?
J'ai aimé lire votre commentaire. Mais pour ma part, la figure de style qui me viendrait en tête, serait plutôt celle d'un train qui veut nous passer dessus, carrément, au stade où en sont rendues les choses.
Le Rest of Canada nous a envoyé un mercenaire, en la personne de John James MacDonald Charest, pour augmenter indûment une immigration déjà massive; saborder le programme de francisation de ces mêmes immigrants; paupériser une partie de notre population (le désastre de la CDPQ); faire passer, en catimini, entre des mains étrangères des fleurons de notre réussite collective; et tout ça pour ultimement, en finir une fois pour toutes avec le mouvement indépendantiste québécois!
Tels sont les enjeux. Mon opinion n'engage que moi-même, mais je crois que tout fédéraliste, à ce stade-ci, est un ennemi de la nation québécoise.
Gilles Bousquet Répondre
4 mai 2010M. Laterrière croit que le défaitisme va faire perdre la lutte pour l’émancipation du peuple Québécois ce qui dénoterait une certaine faiblesse chez ces émancipateurs.
Il continue en affirmant : «Ces gens « les défaitistes » oublient que le Canada ne veut pas de ce genre de compromis. »
M. Laterrière, ils ne veulent encore bien moins de la séparation du Québec d’avec eux mais la Cour suprême les obligent à négocier ce que voudrait le Québec majoritairement et clairement.
M. Laterrière : «l’idée de l’indépendance qui ne cesse de se développer en dépit des maladresses du Parti Québécois qui se trouve en général moins populaire que l’idée de l’indépendance.»
Les 45 % de souverainistes séparent leurs votent entre le 8 % à Québec solidaire et 37 % au PQ. Deux partis souverainistes. Ça fait le compte.
M. Laterrière poursuit : «Fini les menaces de catastrophes économiques qui ont hanté les débats de M. Lévesque. »
Si les fédéralistes ne reprennent pas la menace que les vieux québécois perdraient leurs pensions s’il y avait séparation, ils ne se priveront pas pour agiter le spectre de pertes d’emplois, de partition du Québec, de désastre économique etc.
Une autre de ses affirmations : «Pendant ce temps la progression de l’indépendance dans l’opinion se poursuit. Plus de 40 % des Québécois adhèrent maintenant à la création d’un pays distinct sans lien politique avec le Canada. »
C’est vrai mais c’est insuffisant. Même 50,5 % de OUI serait aussi insuffisant. Ça serait refusé par Ottawa et ce n’est pas Sarkozy et la France qui nous aideraient à être reconnus dans le monde..
Par contre, je suis d’accord avec ses conclusions : Arrêter de taper sur le PQ et convaincre plus de fédéralistes aux vertus de la souveraineté même s’il y encore beaucoup plus de riches Québécois de leur côté.
Ma conclusion : Ceux qui veulent toute la souveraineté unilatérale du Québec ou rien, peuvent bien se réveiller avec…rien.
Archives de Vigile Répondre
4 mai 2010L'espérance de certains québécois face au Canada me fait penser à ceci : Je sors de chez moi, me rend au coin de la rue et j'attends que le tramway passe. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de tramway qui passe au coin de ma rue. Jamais le fédéral ne répondra à notre besoin d'émancipation, de survit en amérique du nord. Le Canada est et sera anglais, ça c'est leur vision. Le tramway canadien que j'attends au coin de ma rue, je ne le verrai jamais. Mieux vaut que j'en fabrique un pour répondre à mon besoin. Voilà ce que je pense.