Le choix de l’establishment

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C’est toute la machine à perdre du PQ qui a choisi Alexandre Cloutier.





C’est fait, la vieille garde a fait son choix.


Sonnée pendant quelques jours par le départ de Pierre Karl Péladeau, dont elle avait tout fait pour favoriser la venue, elle a eu besoin de quelques jours pour se ressaisir.


Le temps qu’un sondage sorte et de laisser le vent souffler pour voir dans quelle direction il allait, elle était prête à se positionner.


Cette fois-ci, le candidat de l’establishment sera Alexandre Cloutier.


Les premiers jours de la course permettaient d’entrevoir un fort courant de sympathie envers Véronique Hivon. Il était en tout cas très senti au caucus des députés et il était en émergence dans la population.


Puis, un mauvais mardi de la candidate, qui est apparue « langue de bois » en évitant de se désolidariser des positions prises sous l’ancien chef, et le parti reprenait son attitude mortifère de se tapocher à l’interne sur le calendrier référendaire. Plusieurs députés n'ont pas aimé.


Des appuis pour Cloutier


Mercredi, la ligne de fracture est apparue plus clairement. Pierre Châteauvert, par le passé DG du parti et directeur de cabinet de Guy Chevrette et Agnès Maltais, avait déjà fait connaître son appui à Alexandre Cloutier. Il était rejoint par Sandra Boucher, employée des cabinets du PQ depuis près de 20 ans, qui va diriger la campagne de son compatriote jeannois.


On apprenait ensuite que Harold LeBel allait quitter la neutralité de son titre de whip en chef pour soutenir officiellement le même candidat. Il est imité dans les heures suivantes par Agnès Maltais, peut-être inspirée par le fait d’avoir été privée de la direction par intérim par Sylvain Gaudreault, qui n’est pas un proche de Cloutier, son voisin de comté. On veut neutraliser des appuis potentiels de Véronique Hivon en les amenant à accepter d’éphémères nominations à des postes d’officiers.


François Gendron, doyen du caucus, comptera également parmi les députés appuyant Alexandre Cloutier.


On apprenait aussi dans les dernières heures que Sylvain Tanguay, DG du PQ sous Lucien Bouchard et Pauline Marois, faisait des téléphones pour l’équipe Cloutier.


Cette dernière s’appuie également sur Louis-Philippe Bourgeois et Geneviève Décarie, artisans de la victoire de Pierre Karl Péladeau et des campagnes du Bloc Québécois depuis un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Bourgeois était aussi un proche d’André Boisclair. (MISE À JOUR (15h30) : On m'informe que les obligations professionnelles de M. Bourgeois ne lui permettaient pas de joindre l'équipe de M. Cloutier, finalement.)


Pas de changements de génération


Alors qu’on voyait enfin l’émergence d’une nouvelle génération à la tête du Parti Québécois, on comprend que des gens s’organisent pour garder une main ferme sur sa destinée en mettant un visage frais en façade.


On aurait espéré un bienveillant parrainage, comme j’évoquais dans un texte. Que ces gens, qui méritent le respect et dont le parti a encore besoin, laisseraient le débat se faire. Que du haut de leurs fonctions, investis de la neutralité, ils s’échinent plutôt à maintenir la solidarité auprès de députés plus jeunes et plus fougueux. Une course est un exercice périlleux où il faut tenir fermement la bride.


Mais non, ils ne peuvent pas s’en empêcher. Ils ne peuvent pas lâcher prise et favoriser l'arrivée, non pas simplement d’un nouveau visage, mais d’une autre génération de décideurs, pourvus d’un regard neuf. Déterminés à reprendre toujours la même approche qui ne fonctionne pas et reproduire la campagne de 1998 jusqu’à avoir atteint la perfection, ils quittent leurs fonctions pour bien peser sur la suite des choses, probablement assurés de les récupérer une fois le nouveau chef élu.


Il ne s’agit pas d’une question d’âge. Il s’agit de se demander combien de fois il faut avoir fait le mauvais choix avant d’avoir l’humilité de se dire qu’on devrait peut-être chercher à être utile autrement qu’en cadrant les courses au leadership.


Genre tenir un blogue, je ne sais pas...


Mon ami Harold


Prenez mon ami Harold LeBel.


Je choisis bien le terme : ami. J’aime ce gars-là. Député généreux, apprécié de tous au Parti, il fut un mentor pour moi comme pour de nombreux autres jeunes. J’ai eu une petite passe d’armes avec lui récemment, mais être ami avec quelqu’un, c’est parfois lui dire des vérités qui font mal. C’est d’ailleurs ce que je m’apprête à faire.


Mon ami Harold, je l’ai connu quand, à titre de conseiller de Bernard Landry, il était l’un des principaux artisans de son vote de confiance. Puis, resté pendant l’intérim de Louise Harel et supposé demeurer neutre, il m’invitait néanmoins à diner dans un restaurant de Sainte-Foy pour m’inciter à appuyer André Boisclair. Lorsque Madame Marois décida de revenir en 2007, il était à ses côtés. C’est finalement dans son bureau de directeur de cabinet du whip qu’il s’apprêtait à quitter en 2014 qu’il tenta de me convaincre de rester au PQ, en me disant comment on allait avoir du fun avec Pierre Karl comme chef.


Aujourd’hui, il appuie Cloutier.


Mon ami Harold aime bien dire de quelqu’un « qu’il fait partie de la solution ». De mon côté, je me vois plutôt dans l’obligation de constater que mon ami Harold fait manifestement partie du problème quand il dit : « Je souhaite influencer, du mieux que je le pourrai, le choix crucial qui sera effectué par nos militants dans quelques mois. »


Du côté de chez Cloutier


Du point de vue d’Alexandre, c’est une bonne nouvelle : ça veut dire que c’est lui le meneur identifié. Ce n’est vraiment pas rassurant pour son éventuel leadership, par exemple.


J’ai mes réserves sur Alexandre Cloutier, mais je ne peux nier qu’il représente indéniablement une force de renouveau au sein du PQ. Il a prouvé qu’il était capable d’entraîner avec lui une foule de gens qui ne se sentaient pas seulement loin du parti, mais loin de la politique en général. C’est tout à son honneur et il a mérité son actuel statut de meneur!


Ceci dit, si je comptais parmi les personnes qui l’ont soutenu dès la première heure, avant qu’il ne soit populaire, je m’inquiéterais.


J’aurais l’impression de me faire organiser ma course au leadership par des gens qui n’étaient pas là, la dernière fois. Je craindrais que mon candidat ne soit en train de se faire attacher les mains.


Je me demanderais surtout ce que cette vieille garde qui ne sait plus comment gagner voit chez mon candidat pour trouver rassurant de se placer derrière lui.


Tout cela jure avec la volonté affichée par Alexandre Cloutier de faire une autre sorte de politique.


Hier soir, un militant l’appuyant me disait avec satisfaction que le noyau de la campagne Péladeau s’était reformé autour de lui.


C’est beaucoup plus large que ça, ce qui est en train de se passer.


C’est toute la machine à perdre du PQ qui a choisi Alexandre Cloutier.



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Claude Villeneuve137 articles

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L’auteur est blogueur au Journal de Montréal et au Journal de Québec. Il a été président du Comité national des jeunes du Parti Québécois de 2005 à 2006 et rédacteur des discours de la première ministre Pauline Marois de 2008 à 2014.





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