Quand survient une course à la direction, arrivent rapidement les spéculations. Pour les aspirants candidats, avoir son nom dans les articles de rumeurs et les premiers sondages auprès des sympathisants prend une importance fondamentale pour développer son rapport de force.
Oui, c’est une épreuve de force. Rallier les amis qui pourraient avoir des ambitions également;
convaincre les plus petits joueurs qui pourraient faire du bruit sur la fréquence le torse devant les favoris : tout cela devient parfois une guerre des six jours.
intimider
Parce que, ne vous méprenez pas. La ligne officielle de tous les candidats potentiels a beau être le traditionnel « c’est la journée de Pierre Karl aujourd’hui », il s’en est passé des appels, hier. Certains ont certainement réuni leur entourage, par conférence téléphonique ou en personne, chez eux ou dans une salle de restaurant.
Avoir été à Montréal hier soir, je serais allé virer autour du Saint-Hubert de la Gare Windsor, où un salon est devenu célèbre pour avoir reçu les réunions de conspiration d’à peu près tous les réseaux péquistes...
Pas de couronnement
L’objectif pour tous les candidats : le couronnement. Éviter une course en obtenant un appui ferme et vaste qui convaincra tout le monde de se coller sur le meneur.
Je ne pense pas que ça arrivera cette fois-ci. Aucune figure ne s’impose. En gros, le parti est divisé. Ça annonce une campagne difficile et des lendemains complexes.
Ça aurait été bien que ça se fasse en début de mandat, quand le PQ avait du temps devant lui, mais un candidat incontournable a tenu à y aller...
Dans tous les cas, il faut que ça arrive rapidement. Les élections approchent et l’opposition officielle ne peut laisser une longue pause aux libéraux et de l’espace à la CAQ.
Voici donc qui sont, selon moi, les joueurs à suivre dans les jours à venir. Je les nomme en ordre alphabétique, pour évacuer toute apparence de préférence.
L'éxilé : Jean-Martin Aussant
Bon. Il arrive premier, lui, dans l’alphabet et dans les chances de victoire. Je vais vous dire comme je le pense : s’il y va, il va probablement gagner. Les militants du PQ sont vieillissants et craignent de mourir sans avoir vu le pays. JMA – avec son attrait auprès des jeunes – fait figure d’enfant prodigue capable de recréer l’alliance intergénérationnelle. Il dispose, avec Option nationale, d’un comité de campagne déjà organisé. Son départ du PQ, puis d’ON, pour des raisons familiales également, a toutefois laissé un goût amer à plusieurs. Difficile d’imaginer le caucus se rallier à lui. La greffe prendrait difficilement. C’est aussi le candidat potentiel dont le caractère, plutôt imprévisible, ressemble le plus à celui du chef démissionnaire. Il devra être fait fort pour résister à la pression d’être là.
L'organisateur : Pascal Bérubé
(Transparence : c’est mon meilleur ami dans le caucus. Je ne lui ai pas parlé depuis le départ de M. Péladeau.)
Il va le considérer. Il s’était d’ailleurs posé la question lors de la dernière course, avant de se rallier à PKP. Resté proche, organisateur en chef (et pour cause : c’est une machine de terrain, passé d’une courte défaite de 33 votes en 2003 à une majorité de 11 313 voix en 2014), il essaierait de récupérer une partie de sa structure. Sa notoriété n’est pas la plus forte, mais c’est un politicien habile qui sait faire des images. Plus tacticien que stratège, on peine par contre un peu à imaginer là où il se situerait sur le plan du contenu et des idées. A-t-il la profondeur? En gros, bon potentiel, mais il part de loin.
Le soupirant : Alexandre Cloutier
Sorti fort deuxième de la dernière course, il en fut certainement le gagnant d’estime. Vu comme rafraichissant et inspirant, il rallie les jeunes avec un discours qui rompt avec le souverainisme identitaire et qui donne le goût aux artistes de s’associer à lui... Bref, précisément le profil de Jean-Martin Aussant, qui lui enlèverait tout son oxygène en se portant candidat. Sinon, ses chances sont excellentes. On déplore toutefois son manque d’agressivité dans le travail d’opposition comme critique en matière d’Éducation, notamment par rapport au néophyte Jean-François Roberge, son vis-à-vis de la CAQ, qui semble avoir l’avantage sur lui. Peu apprécié au caucus, où on ne lui attribue pas la solidarité comme qualité, isolé sur les questions identitaires. Il souhaitait appuyer Philippe Couillard sur la hausse des quotas d’immigration à 60 000 par année.
Le parlementaire : Bernard Drainville
Si le chef était choisi par le caucus, c’est probablement lui qui serait élu. Nommé leader par Pierre Karl Péladeau, il a su en profiter pour étendre son emprise sur l’aile parlementaire, notamment en plaçant plusieurs de ses lieutenants dans le personnel, au point où on cherchait les proches du chef. Son image dans l’opinion publique est toutefois plombée par le souvenir de la Charte des valeurs, son étrange ralliement lors de la dernière course, sa proximité conséquente avec PKP et un ton populiste qui sonne parfois faux. C’est lui qui travaillera le plus fort pour un couronnement. C’est probablement celui qui serait le plus efficace contre les libéraux, dans un rôle d’opposition.
Le pragmatique : Sylvain Gaudreault
Celui-là s’est mordu les doigts de ne pas y être allé en 14-15. Il faut dire que la course s’est passée difficilement pour lui : après avoir appuyé Drainville, le député de la circonscription la plus syndiquée au Québec avait dû se rallier à Pierre Karl Péladeau et avait essuyé les commentaires acerbes de son voisin Alexandre Cloutier. Cette fois, il voudra soit se retirer des tractations en prenant l’intérim, soit mener sa propre barque avec une candidature. Très talentueux, le cœur à la bonne place, il a surpris dans toutes les fonctions qu’il a occupées, même avec le pari impossible de conjuguer Transports et Affaires municipales comme ministre. Annonçant qu’il ne serait pas candidat en 2014, il avait publié une lettre ouverte constatant que l’électorat québécois n’avait pas l’appétit référendaire par les temps qui courent. Porteur de l’alternative progressiste proposant une approche pragmatique de l’option? Ce discours existe dans la société québécoise et devrait être entendu dans une course digne de ce nom.
L'anti-politicienne : Véronique Hivon
(Transparence : en 2014, je lui avais offert mon appui si elle choisissait de faire le saut.) De tous les membres de l’Assemblée nationale, c’est probablement elle qui a le plus fort ratio positif entre opinions favorables et défavorables. On la dit toutefois trop consensuelle, pas assez portée sur la politique « politicienne » pour diriger un parti. Proposera-t-elle, justement, de casser le moule? Elle en avait déçu plusieurs en se ralliant à Alexandre Cloutier, lui procurant en même temps la notoriété et le souffle pour assurer sa montée. Celui-ci la présentait presque comme sa colistière. Sa candidature en elle-même est certainement valable. Véronique Hivon peut-elle accepter d’être perçue autrement que comme une sainte? Ce sera inévitable si elle devient chef indépendantiste.
L'ex : Bernard Landry
Ne riez pas. Je suis sûr qu’il le considère.
Le conseiller : Jean-François Lisée
(Transparence : j’ai contribué financièrement à sa campagne lors de la dernière course.) Il se gardera de pavoiser, mais c’est à lui que les évènements des derniers mois donnent raison. Habile à trouver l’image, « la bombe à retardement » que représentait l’ancien patron de presse et « le moment Péladeau » que vivait le PQ ont été repris par tous les chroniqueurs. On l’a senti boudeur, depuis la fin de la course, mais avait pleinement retrouvé ses moyens à l’automne. Bref, l’homme a encore plus la légitimité d’y aller qu’il ne l’avait la dernière fois. Formidablement intelligent et bourré d’idées au point, abondamment étayées dans ses livres, il peut en être étourdissant. Est-il toutefois plus fort dans l’électorat aujourd’hui qu’il y a un an? Probablement pas. Est-il plus populaire au sein du caucus? Non.
La militante : Martine Ouellet
(Transparence : j’ai voté pour elle lors de la dernière course.) J’adore Martine. Sans partager l’ensemble de ses idées, j’aime son côté frondeur et sa candeur dans l’intelligence. On la dit peu douée dans ces relations humaines qui mènent au compromis et permettent les alliances. C’est vrai. Ça explique le fait qu’elle n’ait reçu aucun appui du caucus en 14-15. Mais elle représente une frange historiquement importante du parti, soit les souverainistes pressés et marqués à gauche, proche du milieu syndical. Sans sa présence et son énergie dans la course, le PQ se coupe d’une partie de ce qu’il est.
L'entrepreneur : Alexandre Taillefer
C’est un « long shot ». Il s’en trouve plusieurs pour prêter des ambitions politiques à terme à l’ancien Dragon, qui s’est fendu de quelques interventions à gauche ces derniers temps. Un autre entrepreneur, aux abords plus sympathiques que le chef sortant, pragmatique et souriant. Proche de Dominique Lebel, ancien directeur de cabinet adjoint de Pauline Marois, qui ne semble pas avoir perdu le goût de la politique. On comprend toutefois que sa famille vit une grande épreuve et que le moment pour faire le saut n’est peut-être pas le bienvenu. A été jusqu’ici plutôt discret sur la question nationale.
Transparence : j’ai appuyé trois candidats différents lors de la dernière course et il ne s’agit de mon meilleur ami dans aucun des cas... Je suis vraiment plus péquiste que je veux moi-même le croire!
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