La figure de l'islam probablement la plus forte et la plus médiatisée en Europe donne une conférence, ce soir, à l'Université de Montréal. Tariq Ramadan est invité ici par Présence musulmane, organisme montréalais à mission sociopolitique.
Intellectuel et islamologue d'origine égyptienne, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, Ramadan est un personnage controversé que plusieurs soupçonnent de dissimuler une philosophie radicale sous un discours sibyllin. En Europe, son étoile a beaucoup pâli après divers démêlés avec des figures politiques et des intellectuels. Ainsi qu'à la suite d'enquêtes journalistiques dévastatrices notamment menées par Caroline Fourest et Paul Landau, respectivement auteurs de Frère Tariq et de Le Sabre et le Coran.
C'est dans ce dernier bouquin qu'on peut lire que Tariq Ramadan «est le pompier pyromane qui allume la flamme islamiste chez ses auditeurs musulmans et qui prétend éteindre l'incendie auprès de ses interlocuteurs occidentaux»...
Bref, sa présence à Montréal est dénoncée par deux organismes canadiens. D'abord, par le Congrès musulman canadien, groupe torontois fondé par Tarek Fatah, journaliste et auteur de (nous traduisons) À la poursuite d'un mirage/La tragique illusion d'un État islamique. Ensuite par Point de bascule, média internet montréalais surtout voué à la dénonciation de l'islamisme.
Ces groupes de pression reprochent précisément à Tariq Ramadan son double langage. Mais ils n'appellent pas à quelque manifestation, violente ou non, qui aurait pour effet de l'empêcher de s'exprimer.
C'est faire preuve d'une sage et démocratique retenue.
* * *
Dans un passé récent, l'université a trop souvent été un lieu de censure, en effet.
Par exemple, on se souviendra que, en 2002 et 2004, deux grandes figures politiques israéliennes, Ehoud Barak et Benyamin Netanyahou, n'avaient tout simplement pas pu s'exprimer à l'Université Concordia, physiquement chassés par la violence de la «rue».
Il est donc intéressant que Tariq Ramadan puisse aujourd'hui prendre la parole sur un campus universitaire montréalais. Et puisse répondre clairement, si possible, à quelques questions.
Ainsi, quelle place revendique-t-il pour l'islam sur le terrain politique dans les pays -en général démocratiques et développés- où, par consensus, la religion est exclue de ce terrain?
Est-il selon lui légitime qu'un État soit rigoureusement laïque? Qu'il promulgue et fasse appliquer des lois, les mêmes pour tous et toutes sans exception? Des lois qui sont inspirées, non pas du Coran (ou de la Bible, ou de la Torah), mais bien du seul droit séculier?
Quelle est sa position sur les femmes? Sur les homosexuels? Sur les juifs? ...
Ces questions, et d'autres auxquelles on pourrait penser, donneront à Tariq Ramadan l'occasion de démontrer qu'il n'est pas ce radical, ou ce manipulateur, qu'on l'accuse d'être.
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