Tariq Ramadan, professeur à l'Université Oxford, se définit comme un intellectuel libre d'esprit, alors que beaucoup se posent la question de savoir s'il est un musulman modéré ou intégriste. Photo: Martin Chamberland, archives La Presse
Judith Lachapelle - Musulman modéré ou intégriste islamiste? L'intellectuel d'origine suisse Tariq Ramadan revient aujourd'hui à Montréal précédé d'une réputation pleine de contradictions. Invité par l'organisme Présence musulmane Montréal, Tariq Ramadan et ses idées sur l'islam moderne ne font pas l'unanimité au sein de la communauté musulmane.
Dans une publicité d'une pleine page dans le journal Le Devoir hier, le Congrès musulman canadien (à ne pas confondre avec le Congrès islamique canadien) et le groupe Point de bascule (qui se définit comme un groupe de citoyens qui veut s'attaquer à «l'islamisme») dénoncent la venue de M. Ramadan, «célèbre idéologue islamiste» à Montréal.
«Il est en faveur d'un islam politique», dit Roksana Nazneen, du Congrès musulman du Canada, un regroupement d'environ 300 musulmans qui milite pour un islam qui s'exerce dans la sphère privée. «Nous croyons que l'État et la religion doivent être complètement séparés. Nous ne voyons pas comment un État canadien laïque peut nuire aux intérêts musulmans. Les musulmans ont toute la protection dont ils ont besoin dans la Constitution canadienne.»
La publicité a notamment causé une petite commotion à l'Institut du Nouveau Monde (INM) et au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, accusés (à tort, disent-ils) par les signataires de la publicité d'être des «partenaires» de Présence musulmane.
Qui est Tariq Ramadan?
Originaire de Suisse, petit-fils d'un fondateur des radicaux Frères musulmans, professeur à l'Université Oxford, Tariq Ramadan se définit comme un intellectuel libre d'esprit. Mais ses positions sur la lapidation - qu'il n'a pas précisément condamnée - ou le fait qu'il anime une émission sur la télé d'État iranienne ont alimenté la controverse à son égard.
Tariq Ramadan est-il modéré ou intégriste? «La vérité est quelque part entre les deux», dit Patrice Brodeur, spécialiste de l'islam à la faculté de théologie de l'Université de Montréal. Ramadan conjugue islam et modernité, dit le professeur, mais son argumentation basée sur la religion est souvent perçue comme extrémiste.
«Ce n'est pas le cas du tout à mon avis», dit M. Brodeur. Il compare le théologien musulman à «un catholique romain pré-Vatican II, qui essaie de se positionner face à la modernité, sans appui d'une institution, mais en tant que théologien, comme il y avait dans les années 50 ou 60. Je crois que c'est un peu le cheminement du Dr Ramadan face à l'islam.»
«Tariq Ramadan est un Occidental musulman qui défend une pensée ouverte, qui essaie de faire le lien entre deux mondes, dit Samia Bouzourene, de l'organisme Présence musulmane. Je ne pense pas que l'inquiétude qu'ont ces personnes (les signataires de la publicité) ne vienne d'un souci de compréhension de sa pensée.»
À propos de la lapidation, Mme Bouzourene soutient que Ramadan n'est pas en faveur de la pratique. «Il est le seul dans le monde musulman qui a eu le courage de remettre ça sur la sellette pour en débattre et remettre en question des interprétations et pratiques dans certains pays. Il a proposé de commencer par un moratoire, et on a crié au scandale. On a dit que c'était une approbation, mais un moratoire, c'est tout à fait dans la logique d'une pédagogie face à une pratique qui existe encore.»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé