Depuis quelques semaines, on a beaucoup eu recours à la psychologie de cuisine pour expliquer les retournements inattendus de cette campagne électorale, et plus particulièrement la montée des néo-démocrates, tant au Québec qu'à l'échelle du Canada, avec ce que l'on pourrait appeler la théorie du «bon Jack».
Le succès du NPD tiendrait essentiellement à la personnalité de son chef, Jack Layton, un politicien au message positif, sympathique, le genre de politicien que les gens aimeraient avoir comme ami et comme voisin.
La psychologie de cuisine a ses limites. Elle ne peut pas tout expliquer. Notamment le fait que Jack Layton en est à sa quatrième campagne comme chef du NPD. Comment se fait-il que son charme n'ait pas opéré avant et qu'il fasse subitement des miracles?
Mais surtout, à force de faire trop de psychologie, on en vient à ne pas faire assez de politique. Et donc à sous- estimer des choses importantes. Comme le fait que le phénomène le plus significatif de cette campagne n'est pas la montée des néo-démocrates, mais plutôt la descente des libéraux.
Le succès du NPD tient moins aux talents de son chef qu'aux difficultés de ses adversaires de l'opposition qui lui ont permis de combler un vide. Au Québec, le NPD, qui est maintenant au premier rang dans les intentions de vote, a surtout profité de la lassitude d'électeurs bloquistes, en leur proposant la solution idéale - un autre parti progressiste qui ne prendra pas le pouvoir.
Ailleurs au Canada, les gains du NPD se font au détriment des libéraux. Notre sondage AngusReid publié aujourd'hui confirme d'autres enquêtes. Le NPD, avec 30% des intentions de vote, se retrouve au deuxième rang national, derrière le PCC, avec 35%, mais bien devant les libéraux qui sont à 22%. On ne sait pas si le PLC sera troisième aux élections de lundi prochain. Mais on sait déjà que ce parti ne prétend plus au pouvoir et ne réussit même plus à s'imposer comme le rempart contre les progrès conservateurs.
Pourquoi? Encore là, on aura tendance à recourir à des explications de nature psychologique. Les déboires du PLC seraient dus à la personnalité du chef, au fait qu'il serait terne et ennuyeux, incapable de galvaniser l'électorat. Comment alors expliquer les victoires électorales de Stephen Harper, qui n'a rien d'un boute-en-train?
Il y a une explication plus politique, le fait que l'échiquier politique soit plus polarisé, et qu'il n'y ait plus de place pour un parti de centre comme le PLC. Il est vrai que les conservateurs de Stephen Harper ont réussi à prendre et à conserver le pouvoir sans essayer d'occuper le centre, comme ont dû le faire tous les partis avant eux depuis un demi-siècle.
Les choses n'ont pas tant changé. Le problème des libéraux, ce n'est pas qu'il n'y ait plus d'espace au centre. En s'installant bien à droite sur les questions morales, sociales, environnementales et internationales, les conservateurs leur ont laissé toute la place dont ils avaient besoin.
Mais leur programme, avec sa croisade contre une baisse des impôts des entreprises aux accents anti «big business», avec la multiplication des initiatives sociales malgré le déficit, avec son virage populiste mal géré vers les «familles ordinaires», a empêché Michael Ignatieff de se distinguer du NPD et d'affirmer la personnalité de son parti.
Le problème des libéraux, c'est donc plutôt qu'ils ont été incapables d'occuper ce centre, que leur stratégie électorale a été mal ciblée et que leur plate-forme n'a pas su trouver l'équilibre qui a fait le succès de ce parti dans le passé. Ce n'est qu'hier que Michael Ignatieff s'est clairement défini comme le candidat du centre. Il est un peu tard.
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