La fin du “one way talk”

Élection fédérale du 2 mai 2011 - au Québec : une « insurrection électorale »



Conrad Black, “inmate” aux États Unis, “Sir” au Canada et dans le Commonwealth, n’a pas manqué de livrer ses impressions sur le vote qui place les conservateurs de Stephen Harper en position de force quasi-absolue dans l’échiquier politique de cet espace continental qu’on appelle Canada. Propriétaire du National Post, ses opinions deviennent du “one way talk”, discours à sens unique dès le moment de leur
publication.

Ce “one way talk”, les Québécois et les Canadiens français qui ont servi dans les Forces Armées Canadiennes, dans la Royal Canadian Mounted Police et dans les autres services du gouvernement fédéral,
le connaissent très bien pour l’avoir subi et en avoir vécu les conséquences. Lorsque Sa Majesté s’exprime par la voix de ses chargés d’autorité, les opinions émises sont ces certitudes indiscutables, “subject to no
discussion, one way talk”. Il n’y a pas de dialogue, point final. Ce qui vient d’en haut ne se discute pas et toute tentative de poser des questions est de la subversion, au pire de la trahison. Comme officier de l’armée
canadienne j’ai eu à vivre en face de ce mur pendant 28 ans. Dans cette conjoncture, les natures faibles s’écrasent et se soumettent. Beaucoup quittent pour ne plus revenir. Les plus forts ne se soumettent qu’en
apparence, gardant le silence en attendant l’heure de prendre leur revanche. J’en ai profité pour m’instruire et voyager.



En fait, “Master” Black ne fait qu’exprimer le “feeling” du Canada anglais “from coast to coast” concernant la politique généralement conservatrice qui prévaut presque partout, exception faite dans les villes, aux
tendances plus socialistes, sans tenir compte du Québec, plus porté vers une social-démocratie qui emprunte aux modèles scandinaves, qui font leurs preuves par ailleurs.
Le but de toute politique
conservatrice est simple: se donner bonne conscience en toutes circonstances; ne prendre aucun risque, ou presque. Le seul progrès observable en régime conservateur de droite est le progrès matériel. Il n’y a pas
non plus de classiques ni de certitudes fondées sur les universaux, qui demeurent la base de tout véritable humanisme fondé sur un authentique dialogue.


Pour “Master, Sir” Black, tout ce qui vient du Québec n’est que foutaise. Il le dit et le répète. Pour lui comme beaucoup d’autres au Canada anglais, le Québec et les Québécois n’existent que grâce à la bonté et
la tolérance de l’Angleterre, des United Empire Loyalistes et des Orangistes, qui exercent depuis la révolution américaine un contrôle total sur l’Amérique Britannique du Nord. Cette opinion, car il ne s’agit d’aucune
certitude, se traduit en pratique par des jugements simplistes sur le Québec et les Québécois, ces éternels insoumis que l’on tolère par “bonté” et “mansuétude”. “We should have eliminated them all” Nous aurions
mieux fait de nous en débarrasser, en les déportant comme les Acadiens. Malheureusement, il y a des Québécois peu ou mal instruits qui le croient et sont prêts a s’agenouiller pour demander pardon pour avoir osé
répliquer ou encore se révolter.

La vérité commence à sortir depuis que les disciplines géopolitiques et une connaissance des principes de stratégie d’État font lentement leur chemin au Québec. Si les Anglais, les United Empire Loyalists et les
Orangistes ont reculé à partir de 1760 et nous ont fait des concessions majeures à partir de l’Acte de Québec en 1774, c’est parce qu’ils n’avaient pas le choix. Le Québec, le Canada et l’Amérique du nord ne sont pas
l’Irlande, l’Écosse et le Pays de Galles, qu’ils pouvaient massacrer et déposséder à leur guise. La guerre de l’indépendance américaine les a pris par surprise. Jamais Sa Majesté n’a voulu croire que ses “loyaux
sujets” des Treize colonies se révolteraient contre elle. Pour reprendre les États Unis et les soumettre au discours à sens unique de Sa Majesté, les Anglais se sont longtemps appuyés sur l’Amérique Britannique du
nord, alias Canada. Les forces anglaises et loyalistes ont d’abord organisé une tête de pont au sud du Québec. Après l’aménagement des canaux et transports de la vallée de la Mohawk par les Américains. les
effectifs, militaires et civils concentrés au sud du Québec se sont déplacés vers l’Ontario méridional et ils y sont encore. Cette guerre de longue durée entre Anglais et Yankees a fait notre jeu. Nous ne devons rien
ni aux Anglais, ni aux United Empire Loyalists, ni aux Orangistes. Au contraire, nous les avons aidés et ils nous doivent beaucoup, n’en déplaise a “Sir” Black.

À l’élection générale du 2 mai 2011, il nous fallait mettre fin au statu quo et comme des gamblers, nous avons joué un coup de dés. Cette fois, le sort en est jeté. Le NPD, à majorité québécoise, sera seul face au
Parti conservateur détenteur d’une majorité absolue. Québécois et Canadians se frapperont la tête dans le mur qu’ils ne veulent pas voir. Cette fois, l’État du Québec s’en vient.

JRMS












Featured 751d93ca198caacf4590a022022f5bc8

René Marcel Sauvé217 articles

  • 252 539

J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





Laissez un commentaire



5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 mai 2011


    Monsieur Sallinger,
    C'est en servant dans les Canadian Armed Forces qu'on

    apprend que nous n'existons pas. La seule issue possible
    est l'indépendance.
    Aux élections historiques de 1976, plus de 82% des
    militaires québécois ont voté pour le Parti Québécois.
    Au premier référendum de 1980, la proportion de
    militaires qui ont voté OUI est demeurée la
    même.
    De deux choses l'une dans les forces armées: on s'écrase
    et on se met à plat ventre devant le pouvoir qui
    nous domine, ou on lève la tête et on prépare sa
    revanche collective, sans bruit ou presque.
    JRMS

  • Stefan Allinger Répondre

    12 mai 2011

    Bonsoir M. Sauvé,
    Je suis touché que vous ayez préservé votre fierté québécoise malgré une carrière dans les canadian forces. Ça doit prendre du cran, une tête forte ou je ne sais quoi pour résister pendant autant d'années. Je suis touché parce que votre histoire m'a rappelé celle de mon grand-père.
    Mon grand-père a servi dans la marine marchande ainsi que ses six frères ( la plus importante contribution d'une seule famille). Avant sa mort, je lui ai demandé s'il était pour l'indépendance du Québec. Il m'a répondu que non parce qu'il s'est battu pour faire respecter les droits des francophones du Canada. Je lui ai répondu que malgré tous ses efforts les communautés francophones hors-Québec s'assimilaient qu'en même. J'ai vu la tristesse dans ses yeux devant, je suppose, le constat d'un combat perdu. Mon grand-père était un nationaliste canadien-français. Un peu dans le genre Trudeauiste, c-à-d qui veut que le français conquière le Canada. Une utopie selon moi. Moi je suis un indépendantiste qui croît que le français rayonnera plus en amérique s'il existe un pays officiel comme le Québec pour affirmer clairement la place du français en amérique.
    Mon grand-père et moi n'étions pas si loin l'un de l'autre dans nos croyances et notre fierté d'être québécois avec un côté acadien seulement que lui vota non en 1995 et moi oui.
    Je serais intéressé d'en connaître d'avantage sur votre expérience dans l'armée en tant que francophone si vous voulez écrire des articles à ce sujet.
    Merci

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mai 2011

    Qu'écrire de plus. Bravo pour votre texte très éclairant:
    Alea jacta est:
    « Généralement la traduction de cette locution latine est «
    le sort en est jeté » ou « les dés sont jetés » ce qui signifierait l'abandon de l'individu au hasard, aux évènements sur lesquels il n'aurait aucune emprise, n'ayant plus la possibilité de revenir sur ce qui a été commis. Mais une autre interprétation tendrait à indiquer que le locuteur choisit de prendre un risque en précipitant les évènements, même s'il n'en est pas totalement le maître : il prend en main sa vie. La première interprétation est fataliste alors que la seconde est une apologie du libre-arbitre.»
    Référence:
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Alea_jacta_est

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mai 2011

    Le Québec est déjà un État.
    Nous voulons un État-Nation (Nation-State).
    Les États, seuls, n'ont plus de pouvoir. Ils sont vite soumis. Regardez les États de l'Union Européenne, tous soumis à Bruxelles.
    La nation québécoise est indissociable de son territoire (État). L'un n'existe pas sans l'autre.

  • Laurent Desbois Répondre

    8 mai 2011


    Neuf oppressions au Canada, dont certains sont reconnus comme génocides, en deux siècles d’histoire commune!!!
    Quitte à vous surprendre, Chuck Guitté exprimait la vérité et la perception d’Ottawa, lorsqu’il parlait des commandites, lors de la commission Gomery : « Nous étions en guerre! ».
    Quand René Lévesque prit le pouvoir le 15 novembre 1976, Roméo Leblanc était ministre de Trudeau et il avait dit que face aux séparatistes que le Conseil des ministres du Canada devenait un ''war room''.
    Ottawa et les anglais ont toujours été en guerre contre la nation Québécoise!
    1. En 1970, lors de la crise (sic) d’octobre;
    2. En 1900-1920, lors de l’élimination des droits des francophones en Ontario, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, etc.…
    3. Entre 1870 et 1930, l’exil de millions de Québécois aux États-Unis (13 millions en 1980);
    4. En 1885, lors du massacre des Métis et la pendaison de Louis Riel;
    5. En 1837-38, lors des patriotes;
    6. En 1800, lors de l’occupation militaire;
    7. En 1759, suite à la prise de Québec;
    8. En 1755-1763, lors de la déportation des Acadiens.
    9. la crise de la conscription en 1917 et 1944, 1er avril 1918 à Québec où l’armée canadienne a ouvert le feu sur ses propres citoyens et tuée quatre personnes dans la foule et fait plus de 70 blessés.
    Québec 475 ans en 15 minutes
    http://www.dailymotion.com/video/xgm8li_quebec-475-ans-en-15-minutes_news
    La Guerre secrète contre l’indépendance du Québec
    http://www.ameriquebec.net/2006/09/17-video-de-la-guerre-secrete-contre-l-independance-du-quebec.html
    Vidéo de la Guerre secrète contre l’indépendance du Québec
    Voici un documentaire qui vous aidera probablement à comprendre ce qui s’est produit à l’époque du FLQ et de la hausse du séparatisme au Québec dans les années 1970.