Dans un texte du 3 juillet, intitulé La motivation,Caroline Moreno accuse Jacques Parizeau de nous avoir laissé tomber à la suite de sa démission après le referendum de 1995. Se souvient-elle du tollé — qui ne provenait pas que des Anglo-Québécois et des immigrants — indigné et indigne qui a suivi, tous médias confondus, ainsi, surtout, que des pressions énormes, et le soir même, venant, entre autres, de ministres très près de lui, de conseillers et de gérants d’estrade? Ce fut une véritable exécution, où s’accordaient les ambitieux, les hypocrites et les bigots. Le bélier qui s’était cogné le nez sur la clôture se transformait en bouc-émissaire.
Théoriquement, si l’on veut absolument tenir compte du seul aspect cartésien des choses, oui, il aurait dû demeurer en place, contester les résultats et recommencer la joute référendaire quelques mois plus tard. Il est toujours tentant et très simple, après coup, de juger des actes en fonction du seul critère cartésien, de la froide raison vue comme un mécanisme supérieur transcendant toutes les autres fonctions de l’être humain. Le problème, c’est que personne ne se comporte ainsi, notamment pas Caroline Moreno elle-même, dont les écrits semblent le plus souvent gouvernés d’abord par l’émotion et la passion, de sorte qu’elle devrait comprendre, plus rapidement et mieux que bien d’autres que, même Premier ministre, un être humain ne change pas de nature. Presque quatorze ans après les faits, elle exécute une deuxième fois, sans apparemment éprouver le moindre doute, sans l’excuse d’agir à chaud et dans l’urgence de l’action, celui qui a consacré 40 ans de sa vie à la cause de l’indépendance et plus de 50 au service de l’État du Québec. Et je conviens de tout coeur qu’elle l’écrit ni par hypocrisie ni par ambition mais dans un terrible élan de sincérité.
Elle n’est pas la seule à réagir ainsi et pas seulement, d’ailleurs, envers Jacques Parizeau. Mais, sauf erreur, ceux qui se livrent à ce genre de procès sont rarement, j’irais jusqu’à dire : probablement jamais, ceux qui ont vécu, à quelque échelle que ce soit, des situations semblables. J’en connais au moins un qui me répéterait, puisqu’il me l’a déjà écrit ici même, que la politique n’est pas de la catéchèse et ne se fait pas avec de bons sentiments. Soit, mais elle se fait tout de même par des humains qui, en dépit de défenses naturelles renforcées par l’expérience, ne peuvent résister au-delà d’une certaine limite, variable selon les individus. Ce genre de condamnation flétrit surtout celui qui le pratique. On ne veut pas d’un leader, on cherche un demi-dieu...
L’exaltation d’une cause à défendre obscurcit parfois le jugement et rend alors, pour le moins, ingrat sinon inhumain. Plus la cause est sacrée, plus elle est menacée et plus grand est le danger de sacrifier à un excès de pureté. On a usé envers Louis-Antoine De Saint Just et Maximilien Robespierre de la même mesure qu’ils avaient exercée envers d’autres révolutionnaires. La mouvance indépendantiste québécoise compte aussi son petit lot d’âmes dont l’intransigeance s’est muée en une inflexibilité sourde et aveugle mais malheureusement pas muette. On ne peut que leur souhaiter de ne jamais démériter aux yeux de la populace si, d’aventure, ils se trouvent un jour dans l’obligation de pratiquer ce qu’ils exigent des autres.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
7 commentaires
Archives de Vigile Répondre
8 juillet 2009@ Pierre Desgagné
Vous écrivez « Jacques Parizeau parle de provoquer une crise pour promouvoir leur souveraineté »
Ça c'est ce qu'en a dit faussement Le Devoir... puis à sa suite Jean Charest...
- Parizeau - Michel David admet « l’erreur » du Devoir - Merci Messieurs ! Le Castelet de la rue Bleury ! Là où le Grand Guignol lui-même tire les ficelles -Tribune libre de Vigile 24 juin 2009
- La crise de nerfs de Jean Charest -VÉRITÉ et MENSONGE-Le Devoir et ses ratés sympathiques - Robert Dutrisac et Michel David se justifient. Tribune libre de Vigile 13 juin 2009
- Michel David, Jacques Parizeau, et la manchette falsificatrice du Devoir - Enfermez-le ! - Vraiment !? - Tribune libre de Vigile 12 juin 2009
_______________
Vous poursuivez :
Le problème c'est que M. Parizeau a été poussé vers la sortie bien avant et pendant la campagne référendaire... autant par la presse propagandiste canadianisatrice que par les souverainistes qui n'avaient d'yeux que pour le Messie Lucien Bouchard. À lui seul il devait pouvoir nous sauver !
ET, M. Parizeau l'a dit le 6 juin dernier, en répondant à une question que je lui ai posée à la fin de son allocution, il n'aurait pas quitté s'il avait eu en main les documents et le preuves qui sont sorties par la suite mais bien plus tard.
En conséquences, ces deux facteurs lui ont fait prendre une mauvaise décision. Leçon à tirer de cet épisode :
- Pour nous, cesser de croire à un Messie qui ne viendra pas...
- Pour nos chefs, tenir bon contre les attaques dont le plus cruelles, mais les moins crédibles, viennent de notre propre camp. MM. Parizeau et Landry son partis prématurément et l'on regretté...
Vous concluez :
Certes. Mais nous n'avions que des présomptions, pas de preuves et les preuves sont sorties seulement parce que le PQ avait retraité... C'est comme pour l'histoire des moines tués supposément par le insurgés algériens pendant la guerre d'Algérie... 30 ans plus tard on ne sait pas encore si ce n'est pas le fait d'une bavure de l'armée algérienne... Mais il se pourrait que le vérité sorte...
Facile de savoir quoi faire après coup... Vous le saviez-vous quoi faire ? ET, vous, étiez-vous d'accord avec la venue de Lucien Bouchard ? Si non, êtes-vous monté au front pour vous y opposer ?
En terminant, vous rêvez à un... Messie...
Cette comparaison est odieuse à plusieurs égards. Au premier chef, parce qu'elle ne tient pas compte d'une donnée essentielle de notre situation géo-politique. Notre territoire national est enclavé dans un Empire d'Alliances anglos-saxonnes. Nous n'avons d'alliés et encore... que par delà un océan...
Nous sommes seuls au monde et ce n'était pas le cas de De Gaulle. Nous devons en prendre acte. M. Parizeau a observé à tort ou a raison que l'UNION de nos forces ne pouvaient se faire sous sa gouverne à ce moment-là parce que nous rêvions à un Sauveur... Qu'est-ce qu'un humain peut faire contre un demi-dieux !?
Morale... l'UNION de nos forces est ESSENTIELLE, par delà nos chefs. Il nous faut donc la faire non pas sur nos chef(fe)s mais sur un PROGRAMME COMMUN de SOUVERAINETÉ endossé par toutes les composantes de la mouvance souverainiste.
Nous avons mis le Christ hors de nos vies, mais pas l'espérance d'un Messie.
Archives de Vigile Répondre
8 juillet 2009Merci, monsieur Desgagné. Le rappel que vous faites du Général
De Gaulle, de sa "solitude" en juin 40, ne pourrait être plus
à propos. Et le grand Charles faisait face à un défi autrement
plus costaud (victoire allemande, perfidie anglo-saxonne, ...)
que n'importe quel 1er ministre du Québec n'en n'a jamais eu.
Claude Jodoin Ing., Amérique Française
Archives de Vigile Répondre
8 juillet 2009Il n’y a d’irrémédiable que la soumission.
Jacques Parizeau parle de provoquer une crise pour promouvoir leur souveraineté, alors qu'il n'a même pas été foutu, de provoquer les canadians, en persévérant dans la dénonciation du vol du référendum, jusqu’à la victoire.
On n’avait pas perdu le référendum, on se l'ai fait volé. Une vraie personnalité libératrice de peuple, n'aurait jamais acceptée ça.
Oui je sais des gens vont dire, c’est un grand Québecois, il a fait beaucoup de choses pour le Québec, il s’est fait dénigrer par la caste médiatique. Mais quoi, ça n’a pas empêcher la libération d’un pays, par des personnes déterminées.
Je pense entre-autre à un De Gaulle.
Mais Monsieur, ne voulait pas gouverner une province, alors qu'il avait l'occasion de devenir un véritable chef d'état.
Pierre Desgagné
Archives de Vigile Répondre
6 juillet 2009Je suis une admiratrice de Madame Moreno, et une fervente admiratrice de M. Parizeau. Les deux objets de mon admiration ne sont pas sans défaut, et il m'arrive d'être en désaccord avec l'un ou l'autre, que je ne mets pas sur un pied d'égalité. Je ne considère pas qu'il s'agit d'un crime de lèse-majesté, détestant les icônes. Je n'ai pas de gourou, je suis un esprit libre. Autant que faire se peut évidemment.
J'ai donc exprimé mon désaccord à Madame Moreno quant à ses propos sur M. Parizeau. Je les trouve immérités, et pire, je les trouve déconnectés de la réalité politique de l'époque.
Je me demande si Madame Moreno se souvient que Jacques Parizeau a accordé une entrevue à Stéphane Bureau le matin du 30 octobre 1995, soit avant le résultat du référendum, où il annonçait clairement qu'il ne resterait pas en poste s'il perdait le référendum. Il me semble que c'est assez clair: Monsieur a toujours dit qu'il n'était pas intéressé à gouverner une province. Je lui en suis reconnaissante.
Je ne m'attarderai pas à la description fort bien étayée qu'a fait M. Poulin, du contexte politique qui prévalait au sein du gouvernement péquiste ce soir-là et les jours qui ont suivi. Il est clair que les couteaux étaient brandis, bien affûtés, n'attendant que le dos bien rond de Monsieur.
Là où j'étonnerai sans doute, et où je rejoins Madame Moreno dans le sentiment d'être abandonnée par M. Parizeau, c'est dans ce qui se passe maintenant, i.e. son appui au plan Marois. Un appui obligé pour la paix du ménage, cela va sans dire, n'empêche. Je suis déçue qu'une telle stature ait été utilisée pour avaliser un plan qui n'a rien à voir avec la réalisation de l'indépendance.
Pourtant, Monsieur Parizeau connaît bien les indépendantistes, et il sait qu'ils se sentent floués par ce plan. Il sait qu'au PQ on a sacrifié les indépendantistes pour l'appétit du pouvoir.
Peut-être un jour osera-t-il dire que Madame Marois l'a amèrement déçu. Je l'espère.
Archives de Vigile Répondre
5 juillet 2009Suite
Pour ce qui est du réel politique actuel...
Certains pour abattre Pauline Marois, se sont rendus compte qu'il devaient aussi aussi abattre Jacques Parizeau, dont acte. Car, s'il a reculé quand il s'agissait de sa personne dont on a cru bon se passer, il ne reculera pas pour défendre la stabilité et la congruence du mouvement souverainiste. Ce ne sont pas les chefs qu'il faut changer, mais ce que nous voulons qu'ils disent et qu'ils fassent. Il nos faut nous entendre la-dessus. Tant que nous ne le faisons pas, ces chefs ne seront que les porte-parole d'une fraction de nos forces. Or seule l'union de nos forces peut nous permettre de faire l'UNION du peuple souverain du Québec.
Il nous faut pour cela exposer puis discuter les termes d'un ESSENTIEL COMMUN sur lequel nous pouvons nous entendre.
Cela dit, M. Parizeau a pu errer. Mais peut-être n'a-t-il pas erré, peut-être qu'il n'avait pas le choix de prendre acte de notre errance, pour s'écarter. Il n'erre pas en demeurant proche de nous et en nous faisant part de ses connaissances, de ses observations, et de l'appui qu'il donne au rassemblement derrière nos chefs et cheffe.
Il n'erre pas non plus en nous invitant à revenir sur ce qui a été fait et qui n'a pas été fait depuis 40 ans pour questionner le tout comme jamais en profitant de cette pause qui nous fait être dans l'opposition pour 2 ou 3 ans. Mais ne le gaspillons pas à de vaines lamentations. Attaquons-nous à l'essentiel et l'essentiel est de discuter les termes d'un ESSENTIEL sur lequel nous pouvons nous entendre. Quels en seraient les termes ? Voilà ce qu'il nous faut exprimer... Tout le reste n'est que littérature, me semble...
Archives de Vigile Répondre
5 juillet 2009Fort bien écrit ! Bravo !
Dans son texte « La motivation | Plus ça va, plus ça devient mort » Caroline Moreno, assassine une deuxième fois M. Parizeau comme vous le dites, non pas seulement pour se distraire et nous distraire de sa propre morgue patente dans ses nombreux textes, ici le faisant en identifiant un nouveau bouc émissaire. Assurée de l'audience que le fait de s'en prendre à un tabou ne moins en moins patent, ne manquera pas de donner à sa prose de romance-politique.
Vous mettez à bon droit en évidence le caractère humain de la politique, et l'intransigeance de certains observateurs(trices) qui se trouvent parties prenante, d'autant quand ils abondent dans pareils sentiments qu'ils dénoncent pourtant... ( Le pays inabouti - Caroline Moreno - 2008 12 20 ).
Le sentiment humain du Politique - Le Politique du sentiment humain
Mais il y a aussi un volet politique à cet étalage-dénonciation de sentiments. Celui qui se fonde sur le dénigrement et la division. Dans ce putsch contre madame Marois manifeste dont semble être partisane madame Moreno, il faut comme l'a compris M. David du Devoir, attaquer son plus fidèle défenseur, en la personne de M. Parizeau ( Enfermez-le ! - Le Devoir et ses ratés sympathiques - Merci Messieurs ! ). Ici, tout bois fera l'affaire pour nourrir le bûcher. Hier sa supposée déclaration litigieuse récente fabriquée par Le Devoir, aujourd'hui par l'évocation du fait qu'il aurait dû rester... lorsque nous l'avons mis à la porte... En somme n'importe quoi et son contraire. Les mêmes l'invitent à partir et on le blâme de ne pas être resté...
M. Parizeau est comme moi et comme bien d'autres, partisan de l'appui à nos chefs. Ce qui lui a cruellement fait défaut au moment où il aurait du rester. Ce n'est pas tant à mon humble le tollé qui a suivi sa déclaration qu'il l'a fait partir, mais plutôt le contraire, il l'a prononcée cette phrase litigieuse, parce qu'il savait qu'on le forçait à partir. Et, ne partant pas, il aurait cherché les preuves avant de s'avancer, pour mieux les dénoncer en temps utile. Mais quittant, forcé de quitté par les putschistes partisan du Messie Bouchard, il a pensé au moins dire ce qu'il soupçonnait et qui a par la suite été prouvé et dénoncé.
On a cru que seul, M. Bouchard pourrait faire mieux... Quelle stupide analyse ! Lui-même, M. Parizeau, l'a même peut-être cru un temps... Du moins, il ne s'est pas obstiné à rester contre ce qui semblait être notre perception superficielle et inconséquente à cet égard et qui s'est cristallisé dans une ferme volonté. Le perdant devait être sacrifier. Seul M. Bouchard aurait pu le forcer à rester, en refusant de prendre sa place, même s'il partait. Ce qu'il n'a pas fait... Et, nous en sommes là où nous en sommes aujourd'hui... Toujours en quête du Saint Graal Chef qu'il nous manquerait...
Tout cela n'est toujours que de la politique-fiction
Suite ici-bas
Archives de Vigile Répondre
5 juillet 2009D'accord avec M. Poulin.
Ceux qui critiquent injustement M. Parizeau se discréditent, principalement celles et ceux qui se disent souverainistes tout en tapant sur le chef actuel du PQ et tous ses prédécesseurs.