La scène politique française : une mosaïque de courants

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Fin du clivage gauche/droite en France

Sur Internet, les Français ne font plus mystère de leur désenchantement à l’égard de la classe politique toutes tendances confondues, et pourtant, ce n’est pas le moindre paradoxe que de les voir s’inscrire en masse sur les listes électorales à quelques mois d’échéances où, selon de nombreux sondages, les jeux sont quasiment faits. Faut-il s’en réjouir ou le redouter ?


C’est un fait que le clivage gauche/droite qui avait le mérite de nous simplifier la vie n’a plus lieu d’être. Jusqu’à François Mitterrand, en effet, les deux antagonismes historiques (sociétal et économique), opposant progressistes et conservateurs d’une part, socialistes et libéraux modérés d’autre part, se superposaient au millimètre près. La gauche était progressiste et défendait le prolétariat, la droite était conservatrice et défendait le patronat. À partir de Jacques Chirac et l’abandon de la référence aux racines chrétiennes de la France, la droite, insensiblement, s’est scindée entre progressistes et conservateurs. Puis, avec François Hollande et ses lois Macron et El Khomri, la gauche à son tour s’est scindée, mais beaucoup plus brutalement, entre socialistes et libéraux. Entre-temps sont venus s’ajouter deux axes de fracture, l’immigration et l’Europe et la composante nouvelle de l’écologie.

Aussi, en 2016, la France est devenue une mosaïque de courants politiques de force comparable.


De l’extrême gauche à l’extrême droite, on distingue successivement les socialistes-progressistes-fédéralistes-écologistes-immigrationnistes (Mélenchon, Hamon, les Verts), les libéraux-progressistes-atlantistes-immigrationnistes (Valls, Macron, Bayrou, Juppé), les libéraux-conservateurs-atlantistes-immigrationnistes modérés (Fillon, Sarkozy), les libéraux-conservateurs-souverainistes-nationalistes (Maréchal-Le Pen), les conservateurs socialistes-souverainistes-nationalistes (Le Pen, Philippot) et, non représentés par un parti mais bien présent dans l’électorat, les écologistes-conservateurs. Cette classification un peu arbitraire a de quoi dérouter, j’en conviens, mais il faut bien en passer par là pour y voir clair ; voici donc quelques précisions.


La différence entre « fédéraliste » et « atlantiste » réside dans le fait que le premier croit encore naïvement au projet d’une grande Europe indépendante alors que le second utilise malicieusement la construction européenne comme un moyen détourné pour faire passer une soumission à l’empire américain. Quant à l’emploi du terme « socialiste », ici dépouillé de sa dimension sociétale, il faut aujourd’hui admettre que le socialisme du Front populaire a vécu. Du strict point de vue économique, « socialiste », aujourd’hui, signifie juste partisan d’une « politique de la demande », c’est-à-dire augmentation des salaires et diminution du temps de travail, par opposition aux partisans d’une « politique de l’offre », c’est-à-dire réduction de la dépense publique et réduction des charges sociales pour améliorer les marges des entreprises. Quant aux mots « progressiste » et « conservateur », inutile de s’y attarder, la comparaison entre les valeurs prônées, par une Najat Vallaud-Belkacem et celles défendues par Marion Maréchal-Le Pen, suffit à elle seule.


Si le système électoral français était celui de l’Allemagne, cette multiplication de courants ne poserait pas de problèmes en soi, le parti arrivé en tête exercerait le pouvoir et il reviendrait aux députés de former une coalition de gouvernement ou, au minimum, de passer des alliances de circonstances pour faire adopter les lois. Avec un système majoritaire à deux tours, la responsabilité d’un compromis échoit à l’électeur entre les deux tours. Or, il est beaucoup plus facile, pour un candidat, de tromper ses électeurs que, pour un élu, de tromper un autre élu. Moralité : plus que jamais, il faut en venir au scrutin à la proportionnelle, sinon c’est dans la rue et non plus dans les urnes que s’exprimeront les électeurs.



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