Commentaire de Vigile:
Le Comité des droits de l'Homme des Nations Unies est noyauté par les promoteurs du Nouvel ordre mondial. Sa dictature achève
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Jacques Frémont, le président de la Commission des droits et libertés de la personne, déclarait il y a quelques jours que le projet de charte des valeurs « frapperait un mur » devant les tribunaux. La proposition du constitutionnaliste Daniel Turp — lancée lundi matin dans ce journal — de recourir à la clause dérogatoire pour éviter ce mur y mène tout autant, mais cinq ans plus tard !
En effet, personne parmi ceux qui évoquent ce possible recours n’a rappelé qu’en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, une clause dérogatoire a une durée de vie de cinq ans. Si, par hypothèse, la Charte des valeurs était adoptée au printemps 2014 accompagnée d’une telle clause, l’Assemblée nationale devrait la renouveler en 2019, et ainsi de suite jusqu’à la fin des temps ! C’est dire qu’on recommencera sans fin l’actuel débat. Cette perspective n’est pas reluisante.
Même si Daniel Turp estime que les mesures proposées dans le projet de loi 60 sont « des limites raisonnables dans une société libre et démocratique », il n’en pense pas moins qu’elles seront contestées. Et au nom de la souveraineté de l’Assemblée nationale, il a le courage de proposer qu’elle recoure dès à présent à la clause dérogatoire. Il estime la mesure « pleinement justifiée » et, conclut-il, « l’Assemblée nationale devrait faire savoir, haut et fort, que, sur cette question, elle aura le dernier mot ». Le professeur Turp est ici cohérent. En effet, le projet de charte de la laïcité qu’il a publiquement proposé dans cette page en décembre 2012 se terminait par la disposition suivante : « La présente Charte a effet indépendamment des dispositions des articles 2, et 7 à 15 de la Loi constitutionnelle de 1982. »
Cependant, il n’est pas certain qu’une disposition dérogatoire aussi générale réussirait l’épreuve judiciaire. En effet, la Cour suprême a statué il y a bien longtemps dans l’affaire de la loi-décret de 1982 sur les conventions collectives qu’une telle clause doit préciser le droit ou la liberté constitutionnelle auxquels la loi veut se soustraire.
De fait, l’Assemblée nationale s’est pliée ensuite à cette décision. En effet, le recours à la clause dérogatoire n’est pas une nouveauté. Aussi, l’Assemblée a, tous les cinq ans jusqu’en 2005, ajouté une clause dérogatoire pour préserver les privilèges des catholiques et des protestants au regard de leurs écoles confessionnelles. Mais elle a été chaque fois très précise. La disposition se lisait ainsi : « Les dispositions de la présente loi qui accordent des droits et privilèges à une confession religieuse ont effet indépendamment des dispositions du paragraphe a de l’article 2 de la Loi constitutionnelle de 1982. » Ce paragraphe 2a garantit précisément la liberté de conscience et de religion.
Le recours répété à cette clause dérogatoire, aussi bien par les gouvernements libéraux ou péquistes, n’a jamais fait beaucoup de vagues. D’abord, elle faisait l’affaire du milieu anglo-protestant parce qu’elle ajoutait à la garantie de l’article 93 de l’Acte constitutionnel de 1867 pour leurs écoles. Quant à la majorité catholique, elle ne s’en plaignait pas non plus, puisque cela ne changeait rien à son quotidien scolaire. C’est d’ailleurs l’épiscopat catholique qui, en 1984 (à la suite d’une intervention de la Commission des droits et libertés de la personne sur un projet de loi sur l’Instruction publique), au nom de la tradition, a demandé l’inscription d’une clause dérogatoire dans la loi. Seuls protestaient ceux qui participaient à la mouvance laïque.
Retour des choses
Par un étonnant retour des choses, c’est aujourd’hui cette même mouvance laïque qui propose de recourir à une clause dérogatoire. Même si on veut la noyer, comme le fait le professeur Turp, dans une clause générale, la liberté qui sera en fait visée est celle et uniquement celle de la liberté de conscience et de religion. Il vaudrait mieux le dire clairement, même si c’est très gênant.
Ce sera en effet très embarrassant face à l’opinion internationale. Car, non seulement provoquera-t-on ici une crise politique (renouvelable tous les cinq ans !), mais il faudra tôt ou tard faire face à la contestation qui sera faite de cette clause devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies. Et ici, sa réprobation ne soulève guère de doute. En effet, il y a une dizaine d’années, ce même Comité a statué que les privilèges accordés aux seuls catholiques et protestants par l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 étaient, malgré leur inscription dans la Constitution canadienne, discriminatoires.
C’est ce même comité qui, rappelons-le, a aussi condamné Québec pour avoir interdit l’affichage bilingue dans la loi 101 et pour y avoir ajouté une clause dérogatoire après s’être fait condamner par la Cour suprême du Canada. Et Québec a reculé.
Devant un mur, il est généralement préférable de reculer et de trouver une autre issue.
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