On n’arrive toujours pas à se convaincre que la dernière crise financière et économique est terminée que l’on envisage déjà celle à venir.
Cela fait des semaines que l’on suit avec attention le déroulement du drame grec. Cet intérêt ne vient pas seulement d’un généreux esprit de compassion à l’égard de la population éprouvée, il est aussi nourri par une crainte intéressée que l’affaire dérape complètement et se répercute sur l’ensemble de la zone euro et, par voie de conséquence, sur l’économie mondiale tout entière. L’attention (et l’objet de l’angoisse) s’est brusquement déplacée cette semaine lorsqu’il est apparu que les autorités chinoises ne parvenaient pas à endiguer la dégringolade de leur marché boursier. Il y a quelques mois, c’est de l’effondrement de leur marché immobilier qu’on avait peur. Cela fait des années qu’on entend dire que la prochaine crise mondiale viendra de la Chine. On ne sait pas quand, on ne sait pas comment, mais son économie a grossi trop vite et trop de choses y vont de travers pour qu’elle ne finisse pas par se casser la figure.
La prochaine crise ? ! Ne sommes-nous pas encore en train de nous remettre péniblement de la dernière, avec l’économie américaine qui semble toujours incapable de passer à la vitesse supérieure et la zone euro qui semble menacée à chaque instant de déflation ? Les économies émergentes, comme la Chine, ont rapidement rebondi après la Grande Récession, qui est officiellement censée avoir pris fin quelque part entre 2009 et 2010, mais sont en perte de vitesse.
Quant au Canada, il a connu une véritable reprise, mais elle semble terminée aujourd’hui, avec ses consommateurs à bout de souffle, son pétrole à 52 $ le baril et son damné client américain qui n’arrive pas à retrouver son erre d’aller. De plus en plus d’observateurs pensent même que l’économie canadienne est d’ores et déjà en récession technique, avec un premier trimestre négatif et un deuxième qui n’a pas eu l’air mieux.
Et il faudrait déjà se préparer à une autre crise ? ! Chacun a son canard boiteux de prédilection par lequel arriverait la catastrophe. Outre la Grèce et la Chine, on a récemment évoqué les cas du Portugal, de l’Espagne, du Japon et même de l’Allemagne. Pour certains, il ne sert à rien de chercher de coupables. Les cycles de croissance économique durent en moyenne cinq ou six ans, ce qui veut dire que les années de vaches maigres arrivent.
Trop de crédit facile
Ironiquement, la principale crainte vient des moyens extraordinaires qui ont été déployés par les banques centrales pour sauver nos économies du pire durant la crise et essayer ensuite de leur redonner un peu d’allant. Avec leurs taux d’intérêt au plancher — sinon carrément en territoire négatif — et leur injection massive de liquidités, nos banquiers centraux ont noyé le marché de crédit facile encourageant d’autant le recours à l’endettement, mais incitant aussi les investisseurs, même les prudents, à aller chercher dans des placements de plus en plus risqués les rendements que ne leur offrent plus les bonnes vieilles obligations d’État.
L’éclatement de la bulle technologique au début des années 2000 avait mené à une situation similaire qui avait nourri une bulle immobilière aux États-Unis qui s’est terminée avec la crise financière que l’on sait. Les taux d’intérêt ultra-bas sont peut-être moins la conséquence que l’une des causes de la faiblesse économique mondiale en raison de leur impact nocif sur la stabilité des marchés financiers, l’endettement et la croissance, a observé le mois dernier la Banque des règlements internationaux (BRI), le forum des banquiers centraux.
Une hausse prématurée des taux d’intérêt aux États-Unis risquerait toutefois d’y faire « caler l’économie », a répété cette semaine le Fonds monétaire international. Ce que le FMI pense, mais n’a pas dit, c’est qu’elle risquerait aussi de déclencher un retour massif des investisseurs dans le marché américain et d’assécher d’un coup les sources de financement des autres économies, particulièrement celles en émergence.
Ce n’est pas le temps non plus d’écouter les voix qui réclament un allégement des réformes réglementaires entreprises dans les milieux bancaires, a dit le FMI. En fait, il faudrait plutôt trouver le moyen de les étendre à d’autres acteurs financiers qui ont commencé à prendre de mauvais plis, comme les assureurs et les gestionnaires de fonds.
Pour la BRI, il ne faudrait pas se contenter d’artifices pour stimuler l’économie, mais se soucier aussi d’améliorer les facteurs fondamentaux de croissance, tels que l’innovation, la main-d’oeuvre et la productivité.
Désarmés
L’une des grandes craintes est que la prochaine grande crise économique survienne avant que les pouvoirs publics aient pu refaire le plein de munitions.
Les banques centrales semblent déjà à bout de ressources. Avant que la dernière crise n’éclate, celles des pays riches affichaient un taux d’intérêt moyen d’un peu moins de 4 %, contre 0,3 % aujourd’hui, rapporte cette semaine The Economist. Le poids de leurs bilans s’est aussi considérablement alourdi, celui de la Réserve fédérale américaine étant par exemple passé de 800 à 4500 milliards.
Les gouvernements des pays riches ne sont pas tellement mieux lotis. La plupart d’entre eux sont encore aux prises avec d’importants déficits budgétaires et leurs dettes ont grossi en moyenne de plus de 50 % depuis la Grande Récession.
Il n’y a plus qu’à espérer maintenant que la prochaine crise n’arrivera pas tout de suite.
PERSPECTIVES
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