Le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, disait: «We know that freedom of religion does not mean freedom from religion.» [24 mai 2012, Religious Liberty Dinner in Washington] (la liberté de religion ne signifie pas être libéré de la religion - traduction libre). Le gouvernement du Canada a officiellement lancé son Bureau de la liberté de religion, le 19 février 2013 au sein du Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada. Nous, citoyens, sommes maintenant ultra protégés dans notre participation à toute religion et contre les menaces laïcistes, athéistes, agnostiques et sécularisantes. Toutefois, pour toutes les autres personnes non religieuses, la menace d’être embrigadé dans un cadre religieux quelconque est présente.
Dans toute la discussion entourant le dépôt de la Charte des valeurs, un phénomène objectif est constamment ignoré ou sous-estimé, celui de la montée du fondamentalisme religieux dans l’espace public à travers le monde et au Canada.
Il y a dix ou quinze ans, le laïcisme implicite de la société québécoise n’était pas mis au défi par la montée des pratiques religieuses de diverses confessions. Autant la pratique des religions est admirablement bien protégée dans notre société, autant les pratiques de la non-religion sont laissées sans protection ni support. La liberté de croyance c’est bien comme rapport social ou interpersonnel. Mais les croyances elles-mêmes, qui sont toujours en appétit d’absolu, n’ont pas à envahir toutes les dimensions sociales de notre vie collective.
Les différents fondamentalismes religieux s’équipent pour modeler les normes des sociétés et l’organisation sociale. Ils visent à influencer les institutions internationales et les décideurs nationaux. Les fondamentalistes ont un intérêt à définir les lois et les politiques, notamment dans les secteurs des lois de la famille, sur le statut personnel et sur les droits dans les domaines sexuels et de la reproduction. Dans toutes les religions du monde, grandes et petites, les femmes font face à une montée du fondamentalisme qui influe sur leurs conditions de vie et de travail d’une manière négative.
C’est le cas du bouddhisme, de l’hindouisme, de l’islam, du sikhisme, du judaïsme, du christianisme dans sa livrée charismatique brésilienne ou évangélique des pentecôtistes. C’est aussi celui des sectes comme le kigbanguiste, le Bundudia Kongo congolais, les mungiki du Kenya, le candomblé brésilien, le tepehuan mexicain, le Seicho-No-le des Shintoïstes japonais, le chamanisme népalais ou même de l’Église de l’Unification (Moonies) qui se prétend nouvelle. Aucune religion ou secte ne propose un statut égal pour la femme et l’homme.
Dans certains domaines, comme celui de la connaissance, la croyance n’a pas sa place. Depuis Louis XIV et le siècle des Lumières, la science mène un combat difficile contre les croyances. Il fut un temps où croire en un homme, croire en une idée, croire en une religion pouvait organiser toute la vie d’un groupe humain. Depuis que nous comprenons qu’il y a non seulement différentes croyances mais diverses conceptions du monde (idéalisme vs matérialisme par exemple) et différents champs d’application, nous avons développé un certain relativisme. Il y a aussi différents univers sociaux dans la vie d’une personne: la vie privée, la sphère professionnelle et la sphère publique.
Dans certains lieux, les croyances et l’affichage gratuit des croyances n’ont pas leur place. Au Québec, des femmes musulmanes, comme les soeurs Shafia, ont été obligées de porter le voile et d’autres femmes musulmanes le portent librement par choix. Les unes comme les autres bénéficieront de l’opportunité d’un lieu où elles ne seront pas forcées de porter le voile ou encore un lieu où elles auront l’occasion de réaffirmer quotidiennement leur choix de vie, par exemple en remettant leur voile à la sortie du travail.
Le débat sur la charte a des effets positifs. Ainsi, ma voisine musulmane que je sais très religieuse et que j’avais toujours vue voilée se promène depuis peu tête nue dans le quartier. Grâce à ce début, nous connaissons maintenant l’origine de la présence du crucifix à l’Assemblée nationale et, bien qu’opposés au maintien de sa présence en ce lieu, tous les laïcistes apprécient cet éclairage.
Normand Paradis, enseignant des religions, historien, de retour d’un voyage dans huit pays d’Afrique pour étudier notamment les religions animistes, évangélistes, charismatiques-syncrétiques et islamique.
Porte-parole du Forum régional des citoyens de Châteauguay devant la Commission Bouchard-Taylor.
La montée des fondamentalismes, enjeu oublié du présent débat
Normand Paradis
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